Haïtiens déplacés en Haïti

vendredi 26 février 2010

Presse

Article du journal haïtien, Le nouvelliste diffusé par Courrier international - Hebdo n° 1005 du 4 février 2010 – Haïti, édition spéciale réalisée avec les quotidiens de Port-au-Prince
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Carte des déplacés de Port au Prince le 31 janvier

Le GARR appelle le gouvernement à agir pour une meilleure gestion de la population déplacée et du pays

 
Communiqué du Groupe d’Appui aux Rapatriés et aux Réfugiés (GARR), Port-au-Prince, 26 février 2010

 
Le Groupe d’Appui aux Rapatriés et aux Réfugiés (GARR) est vivement préoccupé par l’inaction du gouvernement en ce qui concerne la gestion de la population déplacée et du pays en général suite au tremblement de terre qui a frappé Port-au-Prince, Léogane, Petit-Goâve et leurs environs le 12 janvier 2010.
Plus d’un mois après la catastrophe, la population attend avec impatience des directives claires de la part du gouvernement sur les normes à respecter pour effectuer des réparations dans ses maisons ou procéder à de nouvelles constructions. Elle veut être informée sur les endroits interdits pour le moment de construction ou de placement de camps. Elle veut savoir comment les services de l’Etat sont réorganisés, quelles sont les lois actuellement en vigueur ou suspendus. Elle veut participer aux démarches en cours de préparation du plan de reconstruction du pays.
Alors que les choses ont profondément changé, que beaucoup d’institutions sont détruites ou rendues non fonctionnelles, que beaucoup de cadres de l’administration publique et privées ont péri, sont blessés–es ou ont laissé le pays ; alors que la population est déployée différemment qu’avant dans la capitale et ses environs, les responsables de l’Etat pensent pouvoir continuer à diriger le pays comme avant, sans ajustement, comme si rien ne s’était passé. La décision d’une journée de congé pour mardi-gras est un exemple patent de cet entêtement et aveuglement.
Entre temps, le gouvernement reste muet sur la réorganisation des structures de l’Etat et la manière dont il compte assurer la gestion des camps de déplacés et l’offre de services à la population. Dans un contexte où beaucoup de commissariats sont détruits et où beaucoup de quartiers n’existent plus, personne ne sait comment la sécurité est aujourd’hui organisée dans la capitale. Sans aucune directive, des gens ont entrepris la réparation et/ou la réfection de leurs maisons, les ingénieurs et maçons continuent d’appliquer les mêmes normes en la matière avec le risque de refaire les mêmes erreurs du passé qui ont coûté tant de vies humaines.
 
Si pendant longtemps, les dirigeants avaient adopté la politique du laisser-faire, du silence et du mépris de la population comme méthode de gestion, aujourd’hui cela ne peut plus continuer. Le pays a besoin de directives claires et de dirigeants conscients de la nouvelle réalité qui assument leur rôle de gestionnaires, qui agissent et accompagnent la population. Même si des organisations de la communauté internationale sont présentes sur le territoire et apportent leur concours dans la gestion de l’aide humanitaire, elles ne pourront jamais remplacer l’Etat et assumer en son nom les fonctions fondamentales dont il a la responsabilité.
Les dirigeants haïtiens doivent cesser de se plaindre et assumer plutôt le leadership de la situation en élaborant des propositions concrètes, en prenant des décisions et en les communiquant aux citoyens et citoyennes.
 
Au nom du droit à l’information et à la participation, le GARR presse le gouvernement Préval/Bellerive à :

  • Informer sur l’organisation actuelle de l’Etat en vue de gérer la nouvelle situation causée par le séisme : quelles sont les structures de l’Etat qui fonctionnent ou qui peuvent fonctionner dans le contexte actuel, quelles sont celles qui sont suspendues ? Quels sont les mécanismes et services mis en place pour gérer les camps de déplacés ? Comment sont-ils déployés etc. ?
  • Informer la population sur les mesures adoptées, même provisoirement, en ce qui concerne les constructions dans les zones affectées par le séisme ;
  • Fournir des directives claires, des conseils aux ingénieurs, aux maçons qui sont en train de procéder à des réparations et/ou des constructions dans les zones affectées et aussi dans d’autres zones du pays.
  • Informer la population sur les zones à risque où elle ne doit pas établir de camps et prendre des mesures pour la déplacer si elle s’y était établie, ce en vue d’éviter de nouvelles catastrophes, en particulier au cours de la saison pluvieuse. Le cas échéant, mener des actions pour minimiser les risques.
  • Prendre des mesures pour mieux gérer les camps et informer sur la manière dont l’Etat s’organise pour continuer à offrir les services de base à la population déployée différemment sur le territoire.
  • Fournir des informations sur l’organisation du système de sécurité à Port-au-Prince et des autres villes affectées par le tremblement de terre.
  • Mobiliser la nation sur certaines tâches à effectuer pour réorganiser la vie. Ne pas laisser les gens indéfiniment inactifs.
     
    L’information est un droit, la communication avec les citoyens et citoyennes est un devoir de l’Etat. Si pendant longtemps, le président Préval et ses différents gouvernements ont pensé qu’ils pouvaient fonctionner sans communication et sans participation de la population, dans le contexte actuel une telle stratégie ne peut plus tenir. Les citoyens et citoyennes ont le droit de savoir ce qui va advenir de leur vie, ce que les dirigeants qui agissent en leur nom sont en train de faire.
    Au nom de ce droit, le GARR réclame la participation de la société civile haïtienne dans toutes ses composantes, dans la préparation du plan de reconstruction, dont les différents éléments sont en train d’être discutés avec la communauté internationale et certains acteurs haïtiens triés sur le volet. Aucun plan de reconstruction n’est viable s’il est construit sur les mêmes bases désuètes d’exclusion, de discrimination et d’injustice. Pour que le plan de reconstruction d’Haïti apporte un changement véritable dans la vie de la nation, il faut qu’il soit bâti sur de nouvelles valeurs et assumé par l’ensemble de la nation.

Voir aussi :
GARR, "L’Etat haïtien doit garantir les droits humains des déplacés-es", 29 avril 2010