Conseil d’Etat - La liberté d’aller et venir en France ne concerne pas la circulation entre Mayotte et l’Hexagone

CE n° 345661 du 4 avril 2011
lundi 4 avril 2011

Les articles L. 111-2 et L. 111-3. du Ceseda prévoient l’application de ce code limitée aux départements, à Saint-Pierre et Miquelon, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin (précision introduite dans la loi "Besson" pour ces deux derniers territoires).

En revanche, les ordonnances concernant les CTOM ne s’appliquent que sur chacun de ces territoires. Ainsi le droit au séjour à Mayotte ne vaut qu’à Mayotte et son ou sa titulaire peut se trouver en France d’Europe "sans-papier" et victime d’une obligation à quitter le territoire français (OQTF). Voir des exemples d’OQTF prises en France à destination de Mayotte.

Cette situation est-elle contraire au droit international selon lequel "Quiconque se trouve régulièrement sur le territoire d’un État a le droit d’y circuler librement et d’y choisir librement sa résidence" ? Voir le cadre juridique de cette question est présenté dans l’article Le droit d’aller et venir en France... même en Outre-mer ?.

A l’occasion d’un recours contre une OQTF de l’Hexagone vers Mayotte, une question préjudicielle de constitutionnalité avait été posée. Le Conseil d’État dont l’avis est requis avant transmission au Conseil Constitutionnel ne considère pas justifiée cette question et ne la transmet donc pas.

Paradoxe ? Cette décision coïncide avec le moment où Mayotte devient un département auquel dans l’état actuel de la rédaction du Ceseda celui-ci devrait s’appliquer ... tandis que l’ordonnance aussi s’applique et que rien n’a changé pour les droits à l’entrée et au séjour des étrangers à Mayotte.


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et sur le site du conseil d’Etat

Extraits

Considérant que Mme A soutient, pour contester le refus de titre de séjour et l’obligation de quitter le territoire français métropolitain dont elle a fait l’objet, que les dispositions des articles L. 111-2 et L. 111-3 sont contraires à la liberté d’aller et venir ainsi qu’au principe d’égalité devant la loi, en tant qu’elles soumettent l’étranger résidant régulièrement à Mayotte en vertu d’un titre délivré en application de l’ordonnance du 26 avril 2000, et désirant entrer et séjourner en France métropolitaine, à l’obtention d’un visa ou d’un titre délivré en application du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ; 

Considérant, en premier lieu, que le régime de l’entrée et du séjour des étrangers défini par les dispositions contestées tend à prendre en compte une situation particulière tenant à l’éloignement et à l’insularité de cette collectivité, ainsi qu’à l’importance des flux migratoires dont elle est spécifiquement l’objet et aux contraintes d’ordre public qui en découlent ; que les étrangers séjournant à Mayotte peuvent obtenir, sans aucune distinction en fonction de leurs origines, un titre d’entrée ou de séjour en France métropolitaine dans les conditions de droit commun ; que par suite, Mme A et Mme B ne sont pas fondées à soutenir que méconnaîtrait le principe d’égalité la circonstance que le titre d’entrée et séjour délivré à un étranger pour séjourner à Mayotte ne l’autorise pas à entrer et séjourner également en France métropolitaine ; 
 

Considérant, en second lieu, que l’État est en droit de définir des conditions d’admission des étrangers sur son territoire, sous réserve des engagements internationaux de la France et du respect des principes à valeur constitutionnelle ; qu’en prévoyant l’octroi d’un titre d’entrée ou de séjour spécifique à la collectivité de Mayotte, ne dispensant pas son titulaire de solliciter un titre d’entrée ou de séjour en application du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile pour accéder à la métropole, le législateur n’a pas porté à la liberté d’aller et venir reconnue aux étrangers séjournant régulièrement sur le territoire une atteinte disproportionnée ; 
 

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, qui n’est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; qu’il n’y a, par suite, pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;