Conseil d’État n° 346700 du 9 novembre 2011

Guyane : en l’absence de recours suspensif, le délai de recours est de deux mois et l’urgence est établie
mercredi 9 novembre 2011
par  Nicole

Les faits
Cet arrêt concerne un jeune Guyanien vivant en Guyane qui, à la suite d’un refus de séjour avait, en avril 2010, reçu une obligation de quitter le territoire français (OQTF). La décision de la préfecture mentionnait un délai de recours d’un mois en appliquant le dispositif applicable en métropole au lieu d’appliquer celui qui est applicable en Guyane.
Avec l’aide du RESF de Guyane, le jeune avait fait appel d’une décision du TA de Cayenne qui avait rejeté un référé suspension portant sur cet OQTF au motif que le référé était tardif.
Le Conseil d’État lui donne raison.

Commentaire
En Guyane comme en Guadeloupe, à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy et à Mayotte, la procédure prévoyant un recours administratif suspensif qui est applicable ailleurs en France n’est pas valable.
Les règles générales du droit administratif s’appliquent notamment avec un délai de deux mois pour présenter un recours (non suspensif), ce délai n’étant opposable que s’il a été notifié dans la décision - ce qui n’était pas le cas .
Le référé était par ailleurs recevable puisque l’absence de recours suspensif de l’exécution de la reconduite crée une situation d’urgence.


Extrait de la décision

Considérant que, depuis l’intervention de la loi du 20 novembre 2007, l’article L. 514-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile écarte l’application, en Guyane, des dispositions de l’article L. 512-1 de ce code par lequel le législateur a entendu déterminer l’ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l’intervention et l’exécution des décisions permettant à l’autorité administrative de signifier à l’étranger l’obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français ; que, par conséquent, ne sont pas applicables en Guyane les dispositions des articles L. 776-1, R. 775-1 à R. 775-10 et R. 776-1 à R. 776-20 du code de justice administrative ; qu’y sont, en revanche, applicables les règles de droit commun de la procédure administrative et contentieuse, notamment relatives au délai de recours, éventuellement prorogé par un recours administratif préalable, et au délai d’appel ;

Considérant qu’aux termes de l’article R. 421-1 du code de justice administrative : Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ; que l’article R. 421-5 du même code dispose : Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu’à la condition d’avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la notification à M. A de l’arrêté du 1er avril 2010 mentionnait qu’il disposait d’un délai d’un mois pour former un recours juridictionnel ; que cette indication était erronée au regard des dispositions de l’article R. 421-1 applicables en Guyane ; que, par suite, la requête tendant à l’annulation de l’arrêté préfectoral du 1er avril 2010 enregistrée au greffe du tribunal administratif de Cayenne le 17 décembre 2010 n’était pas tardive ; que M. A est, dès lors, fondé, sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens du pourvoi, à demander l’annulation de l’ordonnance par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Cayenne a rejeté sa demande de suspension de l’exécution de l’arrêté préfectoral au motif que la requête tendant à l’annulation de cet arrêté était entachée d’une irrecevabilité manifeste ;

[...] Considérant que l’urgence justifie que soit prononcée la suspension d’un acte administratif lorsque l’exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre ; qu’il appartient au juge des référés, saisi d’une demande de suspension d’une décision refusant la délivrance d’un titre de séjour, d’apprécier et de motiver l’urgence compte tenu de l’incidence immédiate du refus de titre de séjour sur la situation concrète de l’intéressé ; que l’article L. 514-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ayant écarté l’application en Guyane de l’article L. 512-1 du même code, le recours d’un étranger dirigé contre une décision de refus de séjour assortie d’une obligation de quitter le territoire français mentionnant le pays de destination ne suspend pas l’exécution de l’obligation de quitter le territoire français ; que la perspective de la mise en oeuvre à tout moment de la mesure d’éloignement ainsi décidée est de nature à caractériser une situation d’urgence ouvrant au juge des référés le pouvoir de prononcer la suspension de l’exécution de la décision de refus de séjour assortie d’une obligation de quitter le territoire français en application des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative ;

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