Aux frontières de l’Europe et de Mayotte : mêmes politiques, mêmes drames et mêmes impasses

dimanche 20 septembre 2015

Mayotte la Française dans l’impasse face à l’afflux des migrants comoriens

Une émission de France 24, préparée par Elom Marcel Toble, 19 septembre 2015

Présentation

À l’heure où des milliers de migrants fuient le Moyen-Orient pour l’Europe, à 8 000 km se joue aussi un autre drame de l’immigration, depuis plusieurs années. Les Comoriens fuient la misère, la corruption et l’instabilité politique de leur pays pour Mayotte la française.

En disloquant l’archipel des Comores, dont les îles ne sont séparées que par que quelques dizaines de kilomètres, l’État français a créé un monstre migratoire difficilement gérable pour Mayotte. Une situation potentiellement explosive, que pointait déjà un rapport sénatorial en 2008.

L’île est depuis 2011 un département français. L’eldorado de la région. Les flux migratoires sont constants. Face à la complexité d’obtention d’un visa, des dizaines de milliers de Comoriens tentent de rejoindre l’île, parfois au péril de leur vie, en kwassa kwassa, des embarcations de fortune. Face à eux, les forces de gendarmerie, les militaires et la police aux frontières peinent à endiguer ce flux de clandestins. L’an dernier, 20 000 clandestins ont été renvoyés chez eux.
La grande majorité après avoir séjourné dans le centre de rétention administrative, le CRA. Un centre, longtemps critiqué par les associations et le défenseur des droits de l’Homme pour sa non conformité au code d’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

FOCUS sur le CRA de Mayotte avec un reportage et une intervention (depuis la Guyane) de Lucie Curet, responsable pour la Cimade de l’action dans des CRA en outre-mer.

Migrants : la France va-t-elle enfin ouvrir le mur invisible dressé autour de Mayotte ?

Article de Témoignages (La Réunion), 4 septembre 2015, par Manuel Marchal

Indignation mondiale après la mort d’un jeune réfugiés syrien entre la Turquie et l’Europe. Les images insoutenables d’un enfant syrien noyé parce qu’il a voulu entrer clandestinement en Europe ont soulevé l’indignation du monde. Entre Anjouan et Mayotte, le visa imposé par les autorités françaises est à l’origine de mêmes drames.

« Vêtu d’un tee-shirt rouge et d’un short bleu, il gît inanimé, face contre terre, sur une plage de Bodrum (Turquie). Les photos de cet enfant ont indigné le monde. Selon les médias turcs, cités par l’agence Reuters, ce petit garçon s’appelait Aylan Kurdi. Il faisait partie avec son frère de 5 ans des 12 Syriens morts noyés mercredi non loin des côtes turques », c’est ainsi que France Télévisions a présenté la mort d’un jeune réfugié qui a soulevé l’indignation du monde.

« Cela fait pourtant des années que la Méditerranée est devenue le vaste charnier d’une Europe forteresse en plein naufrage, étrange eldorado où l’on construit des murs, où l’on inscrit des numéros sur les mains des migrants… Alors la compassion ne suffit plus. Les larmes de crocodile des dirigeants européens masquent mal leur responsabilité dans ce qui s’annonce être le plus grand drame humain de ce début de siècle », rappelle l’Humanité dans son éditorial à paraître aujourd’hui.
Ce drame considérable montre les dégâts que peuvent créer le refus de laisser circuler librement les êtres humains.

À La Réunion, ces images insoutenables renvoient à une réalité beaucoup plus proche et toute aussi meurtrière : l’instauration d’un visa pour aller à Mayotte lorsque l’on habite dans une des trois autres îles de l’archipel des Comores. Comme ce document est très difficile à obtenir, des milliers de Comoriens tentent chaque année une périlleuse traversée entre Anjouan et Mayotte. Depuis plus de 20 ans, des milliers de personnes sont mortes, dont malheureusement beaucoup d’enfants.

Cimetière marin dans l’océan Indien

Mais cette catastrophe ne change pas la politique des autorités françaises dans ce domaine. Cette semaine encore, une information a fuité selon laquelle une cinquantaine de membre de la délégation de l’Union des Comores aux Jeux des îles seraient maintenant en situation irrégulière à La Réunion, car leur visa aurait expiré. Voilà ce qui est servi aux Réunionnais...

Alors que le monde entier s’indigne parce que les dirigeants européens ferment les portes aux réfugiés, à La Réunion le problème de la migration est présenté d’une toute autre manière. Aujourd’hui les dirigeants européens sont fustigés à la suite de la publication d’un enfant noyé sur une plage parce qu’il avait voulu entrer clandestinement en Europe. Dans l’océan Indien, les autorités françaises appliquent cette politique de fermeture des frontières qui est à l’origine des mêmes drames. La tragédie de Bodrum en Turquie amènera-t-elle enfin la prise de conscience nécessaire pour que La Réunion et Mayotte ne soient plus des terres isolées dans leur région ?


Voir aussi :

Anjouan-Mayotte : la mer Méditerranée n’est pas le seul cimetière maritime de migrants, Article de La 1re.fr, par Laura Philippon, 21 avril 2015