La lettre de Mom n° 34 du 28 mai 2015

jeudi 28 mai 2015

I. Guyane

A. La carence institutionnelle dans l’établissement de l’état civil, vecteur d’atteintes à l’accès aux droits dans l’ouest guyanais
Rapport d’une mission effectuée entre le 22 novembre et le 6 décembre 2014 par le service juridique de la LDH en collaboration avec la responsable du groupe outre-mer de la LDH.

B. Barrages policiers permanents en Guyane

Deux barrages policiers permanents, véritables frontières internes, sont établis sur la seule route permettant l’accès à Cayenne, l’un à l’Est, l’autre à l’Ouest (voir la carte). Les personnes qui vivent le long des fleuves frontaliers (Oyapoque et Maroni), étrangères sans papiers ou françaises mais dépourvues de preuve de leur nationalité, sont ainsi privées de l’accès à la préfecture, à certains tribunaux, à plusieurs services hospitaliers et consultations spécialisées, à des formations professionnelles ou universitaires.

Ces contrôles de gendarmerie sont renouvelés tous les six mois par des arrêtés préfectoraux selon lesquels « le caractère exceptionnel et dérogatoire au strict droit commun de ces contrôles permanents à l’intérieur du territoire, doit être principalement ciblé sur la répression de l’orpaillage clandestin et l’immigration clandestine ».

Huit associations - Aides, la Cimade, le Collectif Haïti de France, le Comede, la Fasti, le Gisti, la Ligue des droits de l’Homme et Médecins du Monde - ont déposé devant le tribunal administratif de Cayenne plusieurs recours en annulation contre des arrêtés renouvelant ces barrages tous les six mois.

Par deux décisions, le TA de Cayenne a rejeté ces recours au motif qu’aucune des associations requérantes, compte tenu de leur champ d’action national et, pour certaines, de leur objet, ne justifiait d’un intérêt pour agir contre un arrêté préfectoral pris à des fins d’ordre public et dans le seul département de la Guyane.

La CAA de Bordeaux a été saisie en appel à la suite de la première de ces décisions - l’audience s’est tenue le 21 mai 2015.

La presse guyanaise parle des recours contre ces barrages et de la mobilisation de l’UTG pour le 1er mai

C. Expulsions de la Guyane vers le Suriname

Un accord de réadmission, signé le 30 novembre 2004 et ratifié par la France en décembre 2005.
Un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Suriname relatif à la coopération transfrontalière en matière policière, signé à Saint-Laurent-du-Maroni le 29 juin 2006 et ratifié par la France le 24 janvier 2008.
Aucun des deux n’a été ratifié par le Suriname en 2015
Cependant le site du ministère des affaires étrangères précise : « Sur le terrain, cependant, la coopération fonctionne de manière satisfaisante. Des patrouilles militaires fluviales conjointes sont mises en œuvre selon un accord intergouvernemental datant de septembre 2003. »

Ainsi, la reconduite depuis la Guyane d’une personne étrangère vers le Suriname n’est prévue par aucun accord bilatéral en vigueur sans un sauf conduit délivré par une autorité consulaire surinamaise - même si cette personne est de nationalité surinamaise. Or la préfecture de Guyane décide chaque année l’exécution de milliers de reconduites de l’autre côté du fleuve frontalier d’étrangers de toutes nationalité...

« Les ressortissants guyaniens en situation irrégulière en Guyane ne sont reconduits que jusqu’à Albina, au Suriname, en raison de l’absence d’accord de coopération entre la France et le Guyana. La plupart rebroussent chemin. En 2014, la Police aux frontières (Paf) a interpellé près de 8 000 personnes en situation irrégulière en Guyane, dont 5 800 ont été reconduites à la frontière. Parmi ces reconduites, on compte bon nombre de Guyaniens laissés à... Albina. On pourrait se demander quel est l’intérêt de reconduire à la frontière surinamaise des ressortissants du Guyana. En effet, il faut compter 600 km entre Albina et Georgetown, et seulement 260 entre Albina et Cayenne. Pour les clandestins, le calcul est vite fait. Tous retraversent le Maroni directement. »

II. Mayotte

A. Reportage

« Dernier-né des départements français, Mayotte se trouve dans une situation paradoxale. Propulsée dans un processus accéléré d’intégration à la République, l’île reste soumise à des pratiques dérogatoires encore dignes du système colonial. Exemples aux frontières, à l’école, dans l’administration… »

« A Mayotte, dernier-né des départements français, un habitant sur deux a moins de 17 ans. Parti eux, de nombreux enfants survivent, sans droits ni ressources, dans la misère la plus totale. Zomm sur un scandale oublié, noyé dans l’océan Indien. »

« Dans le dernier-né des départements français, en marge des meetings électoraux, la population, ravagée par la pauvreté et la difficulté d’accéder aux mêmes droits qu’en métropole, commence à questionner les dysfonctionnements de la République. »

B. Jurisprudence

Jusqu’au 26 mai 2014 (date d’entrée en vigueur du Ceseda à Mayotte) :

Depuis le 26 mai Mayotte est "en France" au sens du Ceseda et ce type de décision ne devrait plus exister...

  • TA de Marseille, 13 mai 2015, n° 1501848
    Madame X était arrivée en métropole ; son fils français est resté à Mayotte. Elle demand une carte de séjour en tant que parent d’enfant français résident en France (Ceseda, art. L. 313-11 6°).
    Le tribunal annule un refus de la préfecture car « Il est constant qu’à la date de la demande de titre de séjour présentée par la requérante cet enfant demeurait de manière stable et durable à Mayotte et par suite en France" au sens du Ceseda ».

Par ailleurs, une carte de résident délivrée à Mayotte est désormais valable pour en France (contrairement à la plupart des cartes de séjour temporaires).

  • TA de Toulouse, 13 mars 2015, n° 1501209
    Illégalité d’un refus de titre de séjour accompagné par une OQTF à destination de Mayotte prononcé par le préfet du Tarn alors que la personne concernée possédait une carte de résident délivrée à Mayotte et valable jusqu’en 2023.

C. Expulsions

Kwassas interceptés

Année 2011 2012 2013 2014
Embarcations 449 412 476 597
« Passeurs » 623 478 518 610
Passagers 11 412 10 132 10 610 12 879

Source : Préfet de Mayotte, conférences de presse, 3 février 2014 et 11 avril 2015

Total des reconduites en 2014 (adultes + enfants) : 19 991. En 2013 : 15 908.

III. Thèmes transversaux

Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) : observations finales sur les 20e et 21e rapports périodiques de la France
Points 12 et 13 sur les peuples autochtones de Guyane et de Nouvelle-Calédonie ; 14 sur Mayotte et 16 sur le faible accueil des demandeurs d’asile en outre-mer.

Migrations, santé et soins en Guyane (Human health and pathology)
par Anne Jolivet
Thèse de l’Université Pierre et Marie Curie - Paris VI, 2014
https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01067997.

La lettre 4 de la LDH sur l’outre-mer, avril 2015

  • Dossier "Outre-mer, état de santé"
  • Actualités

Nationalité française : nouvelle offensive contre le droit du sol
Déclarations de trois députés en mai 2015... Comme, depuis dix ans, en période de réformes législatives, l’outre-mer sert de "laboratoire des reculs des droits des étrangers.

Rapports institutionnels

Population : totale (toutes nationalités), étrangère en situation régulière, étrangère en situation irrégulière (estimation)

DOM Totale Situation régulière Situation irrégulière
Mayotte 217091 21741 75000
Guyane 229040 38911 45000
Guadeloupe 403355 18858 15000
Martinique 394173 6280 2000
Réunion 821136 8121 1500

Éloignements depuis les Dom 2005-2013

Année 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013
Mayotte 7714 13253 13990 13329 16726 20429 16374 13001 11861
Guyane 5942 8145 9031 8085 906 69458 9410 9757 6824
Guadeloupe 1253 1964 1826 1682 1023 514 546 651 529
Martinique 603 432 390 404 327 454 454 499 344
Réunion 56 64 53 52 73 67 74 70 74

Les enfants ne sont pas compris dans ces chiffres.