La prison dans les outre-mer : une surpopulation endémique aux conséquences alarmantes

jeudi 10 octobre 2013

Avis fait par M.Alfred Marie-Jeanne au nom de la Commission des lois sur le projet de loi de finances pour 2014, Tome X - Outre-mer (10 Octobre 2013)

INTRODUCTION

I. LA PRISON DANS LES OUTRE-MER : UNE SURPOPULATION ENDÉMIQUE AUX CONSÉQUENCES ALARMANTES

  • A. UN ÉTAT DE SURPOPULATION CARCÉRALE CHRONIQUE
  • B. DES CONSÉQUENCES ALARMANTES SUR LES CONDITIONS DE VIE EN DÉTENTION ET LES PERSPECTIVES DE RÉINSERTION…
  • C. UNE SURPOPULATION, PRODUIT DE MULTIPLES FACTEURS

II. SE DONNER LES MOYENS DE LUTTER CONTRE LA SURPOPULATION DES PRISONS OUTRE-MER POUR REDONNER AUX DÉTENUS TOUTE LEUR DIGNITÉ

  • A. MENER UNE POLITIQUE ACTIVE DE RÉNOVATION ET D’EXTENSION DES ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES
  • B. ENCOURAGER ET DÉVELOPPER LES AMÉNAGEMENTS DE PEINES 21
  • C. LUTTER CONTRE L’INACTIVITÉ EN PRISON POUR FAIRE DE LA DÉTENTION UNE ÉTAPE UTILE VERS LA RÉINSERTION

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

« On ne peut imaginer qu’il y ait deux qualités de normes selon qu’il s’agit d’un citoyen libre ou d’un citoyen détenu. La garantie des droits est la même, le détenu n’étant privé que de sa liberté d’aller et de venir ». C’est par ces mots que l’Assemblée nationale avait, en 2000, rappelé que l’exigence morale de dignité ne doit pas s’arrêter aux portes des prisons.

Or, en détériorant de manière très significative les conditions d’existence de chaque détenu et en provoquant des ruptures dans chacune de leur vie personnelle, la surpopulation carcérale porte atteinte aux droits fondamentaux des personnes incarcérées, comme l’ont jugé à la fois le juge national et la Cour européenne des droits de l’homme.

Le thème de la surpopulation des établissements pénitentiaires remonte à plusieurs années déjà et fait partie intégrante des débats sur la prison. Votre rapporteur pour avis constate d’ailleurs que de nombreux rapports émanant d’instances nationales et internationales lui ont été régulièrement consacrés.

Toutefois, l’ampleur de la surpopulation carcérale dans les départements et collectivités d’outre-mer, plus que nulle part ailleurs sur le reste du territoire, nécessite qu’en soient analysés les ressorts, en vue de dégager quelques solutions durables.

À cet égard, le présent avis n’est pas un réquisitoire. Il est à la fois un rappel et un appel. Un rappel sincère et objectif des faits et des données sur la surpopulation carcérale outre-mer. Un appel au Gouvernement pour remédier durablement à cette situation déplorable, qui va jusqu’à menacer nos fragiles sociétés.

Compte tenu de l’importance prise par ce phénomène outre-mer, votre rapporteur a souhaité, dans le cadre de son avis sur les crédits pour 2014 relatifs aux départements d’outre-mer, poursuivre la veille, initiée lors du précédent exercice budgétaire de la XIVe législature, sur l’état et le taux d’occupation préoccupants des établissements pénitentiaires situés outre-mer.

En effet, même si votre rapporteur pour avis a pour mission d’étudier les crédits relatifs aux seuls départements d’outre-mer – Guadeloupe, Guyane, Martinique, Mayotte et La Réunion –, il lui est apparu indispensable, s’agissant de la surpopulation carcérale, d’inclure dans son analyse l’ensemble des collectivités, lesquelles sont confrontées dans ce domaine aux mêmes difficultés.

Or, les crédits destinés à permettre à toute personne condamnée à une peine d’emprisonnement d’exécuter sa peine dans des conditions dignes et propices à sa réinsertion, quelle que soit sa situation sociale et où qu’elle se trouve sur le territoire, ne relèvent pas directement de la mission « Outre-mer », dont votre Commission s’est saisie pour avis. Ces crédits sont en effet regroupés dans le programme « Administration pénitentiaire », lui-même situé au sein de la mission « Justice », laquelle a fait l’objet de plusieurs rapports pour avis au nom de votre Commission.

Ces divers travaux, dont votre rapporteur pour avis tient à saluer la très grande qualité, n’envisagent cependant la problématique de la surpopulation carcérale que dans sa globalité. Dans cette perspective, votre rapporteur pour avis a souhaité faire de l’examen du budget pour 2014 de la mission « Outre-mer » l’occasion d’apporter un nouvel éclairage sur cette question, en vue de mieux faire ressortir les contraintes particulières que la surpopulation carcérale fait peser sur l’équilibre des départements et collectivités d’outre-mer. Au-delà du simple constat, votre rapporteur pour avis s’est enfin attaché à dégager plusieurs propositions, afin de lutter de manière plus efficace contre la surpopulation carcérale dans les outre-mer et redonner aux détenus incarcérés dans ces territoires toute leur dignité de justiciables.

I. LA PRISON DANS LES OUTRE-MER : UNE SURPOPULATION ENDÉMIQUE AUX CONSÉQUENCES ALARMANTES

Depuis plusieurs années, le service public pénitentiaire est confronté dans les outre-mer, plus encore que sur le reste du territoire de la République, à des défis particulièrement lourds, que sont la surpopulation carcérale (A) ainsi que la dégradation de plus en plus préoccupante, des conditions de détention et de réinsertion des personnes incarcérées (B). Afin de mieux comprendre l’importance de ce phénomène, il s’avère nécessaire d’en rappeler les principales causes, qu’elles soient d’ordre conjoncturel ou structurel (C).

  • A. UN ÉTAT DE SURPOPULATION CARCÉRALE CHRONIQUE

Dans les outre-mer, l’ensemble du parc pénitentiaire souffre d’une surpopulation chronique, comme en attestent les chiffres régulièrement publiés et les données fournies par l’administration pénitentiaire. Le taux d’occupation moyen des quatorze établissements pénitentiaires situés dans les départements et collectivités d’outre-mer est aujourd’hui très élevé, puisqu’il s’établit à 129,8 % au 1er juillet 2013.
Alors que ce taux avait été réduit ces dernières années, passant de près de 150 % en 2008 à 126,6 % en 2011 (5), il semble depuis lors vouloir se stabiliser à un niveau particulièrement élevé, avoisinant les 130 %.
Cette situation est d’autant plus inquiétante que le taux d’occupation des établissements pénitentiaires situés dans les départements et collectivités d’outre-mer est de dix points supérieur à celui observé en moyenne sur l’ensemble du territoire national, où ce taux était de 119,6 % au 1er juillet 2013.

Le manque de places est particulièrement fort dans trois établissements : au centre pénitentiaire de Faa’a-Nuutania en Polynésie française, où le taux d’occupation est stable à 255 %, à la maison d’arrêt de Majicavo à Mayotte, où le taux d’occupation a reculé, passant de 229 à 195 % entre 2012 et 2013, et au centre pénitentiaire de Nouméa, où la situation continue de s’améliorer progressivement, le taux d’occupation étant de 150 % en 2013 contre 186 % l’an passé.

Le tableau ci-après présente le taux d’occupation des établissements pénitentiaires dans les départements et collectivités d’outre-mer au 1er juillet 2013, en le comparant au taux moyen observé sur l’ensemble du territoire français.

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