Mayotte en colère, notamment pour sa santé : syndicat de la médecine générale et SUD Santé Sociaux

dimanche 24 avril 2016

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I- Lettre ouverte du SMG à l’ARS : Face à une pénurie chronique de médecins à Mayotte, l’ARS-OI et le ministère bloquent-ils les créations de postes au CHM ? - avril 2016

L’insuffisance de la couverture médicale à Mayotte est très souvent dénoncée, de l’ARS à la cour des comptes, de médecins du monde au FEDOM [1], tous sont unanimes : Mayotte a une densité de médecins très insuffisante (trois fois inférieure à celle de l’hexagone).

1- Les particularités de Mayotte

  • 89 % de la population de l’île vit en dessous du seuil de pauvreté national [2, 3, 4, 5, 6].
  • 73 % de la population est sans moyen de transport individuel [7, 8].
  • 26 % des enfants sont en situation de sous-nutrition.
  • Population en forte croissance (9 000 naissances en 2015).
  • Population immigrée représentant 25 % à 40 % de la population de l’île (plus 50 à 60 000 immigrants clandestins) [sources préfecture].

Le seuil de pauvreté national en 2012 est de 828 € mensuel [2]. Pour Mayotte, les données disponibles (2004) situent 89 % de la population de l’île en dessous du seuil de pauvreté national [5, 6]. Mayotte possède son propre seuil de pauvreté, calculé à partir des revenus locaux, qui est bien inférieur au montant considéré au niveau national.
Si l’on considère que le coût de la vie n’est pas forcément bien plus faible à Mayotte qu’en métropole, ce chiffre en dit long sur la nécessité de disposer d’un réseau de soins de proximité. Le réseau actuel des dispensaires périphériques répond exactement à cette nécessité ; on pourrait juste lui reprocher de représenter une densité sur le territoire bien inférieure à ce qui serait nécessaire pour assurer l’égalité d’accès aux soins d’une population dépourvue de moyens de transport individuels ni collectifs [7, 8].
Un problème récurrent de malnutrition, conséquence de situations sociales précaires, persiste, montré par [INVS 2006], Médecins du monde. Une étude du vice-rectorat chez les enfants du cours préparatoire (en 2012) estime que 26 % des enfants étaient en situation de sous-nutrition.

2- L’accès aux soins

  • Pour 2014, 42 % des séjours au CHM concernent des malades non-assurés sociaux.
  • Soins de santé primaire assurés par 22 médecins généralistes libéraux et 65 médecins salariés du réseau de dispensaires du CHM [Statiss OI 2014].
  • Densité de 41 médecins pour 100 000 habitants.
  • Un dispositif de prise en charge assure la gratuité des soins dans le réseau de dispensaires pour les enfants, les assurés sociaux, les femmes enceintes, les malades atteints d’affections graves et durables.

La densité de médecins censée couvrir les besoins en soins de santé primaire de la population de l’île est extrêmement faible (Mayotte : 41 médecins/100 000 habitants ; La Réunion : 152 ; métropole : 156 [Statiss OI 2014]). Ainsi, Mme George Pau-Langevin a récemment déclaré : « Le désert médical causé par le déficit des spécialistes en médecine privée rend le rôle de l’hôpital public et des dispensaires encore plus important […] Ceux-ci offrent à la population une couverture sanitaire » [9].
La CMU n’existe pas à Mayotte. Mais elle n’aurait peut-être pas de sens puisque toute personne présente légalement sur l’île bénéficie de la Sécurité sociale ; et tout assuré social est soigné gratuitement dans le réseau des dispensaires du CHM (médicaments, radio, labo, etc. compris).
L’AME n’existe pas à Mayotte mais le CHM soigne gratuitement les mineurs, les femmes enceintes, les porteurs d’une affection grave et durable. Pour les autres, un système forfaitaire est proposé (10,00 € pour 7 jours).

3- L’existant

Aucun centre hospitalier en Europe, en métropole ou à la Réunion n’est structuré pour répondre à la fonction que remplit le CHM à Mayotte. Aucun n’est confronté non plus aux mêmes défis.
La principale particularité de Mayotte en termes de soins de santé primaire est qu’ils reposent prioritairement sur le réseau des dispensaires du CHM. Ses médecins généralistes jouent donc non seulement le rôle de médecin traitant, mais assurent également la permanence des soins, les urgences, la prévention, des actions de santé publique complémentaires à la PMI et au pôle Prévention et Santé publiques du centre hospitalier (vaccinations, éducation thérapeutique, éducation à la santé, dépistage de la tuberculose et de la lèpre, etc.)
Le CHM est la seule structure prenant en charge l’accès à la santé des populations migrantes. Lier le trop faible nombre de médecins au problème d’immigration clandestine comme certains voudraient le faire croire, c’est oublier que nous devons prendre en charge la santé de tous si nous ne voulons pas transformer l’île en réservoir de pathologies infectieuses et surcharger les services du CHM.
Le réseau des dispensaires est organisé en 5 centres de référence (Dzoumogné, Kahani et M’ramadoudou, Dzaoudzi, Jacaranda) et 13 dispensaires. Tous assurent une activité de soins primaires incluant les soins infirmiers. Les centres de références assurent de plus la permanence des soins, la gestion avancée des urgences, les transferts médicalisés sur Mamoudzou. Ils possèdent une pharmacie qui dispense les médicaments.
Depuis une dizaine d’années, La création des centres de référence a été la cause de la fermeture de plusieurs dispensaires périphériques. De la même manière, la dispensation des médicaments est progressivement supprimée dans les dispensaires périphériques. Le maillage des dispensaires s’est donc réduit éloignant fortement les patients de l’accès aux soins et beaucoup d’entre eux recourent aux pompiers pour suppléer les moyens de transport trop rarement disponibles.

4- L’avenir

Le projet d’établissement 2015-2019 du Centre Hospitalier de Mayotte [10] indique : « Le médecin généraliste de centre périphérique à Mayotte […] intervient dans les soins primaires, de la délivrance des soins aux actions de santé publique, prévention et promotion de la santé : il est ainsi l’acteur structurant de l’organisation des parcours de soins à Mayotte. Dans ce cadre, il organise la coopération avec les autres structures et professionnels pour contribuer aux objectifs régionaux de santé publique et de réduction des inégalités de santé. […] Il garantit l’accès aux soins, droit fondamental des usagers, conformément à sa mission de service public, à toute personne quelle que soit sa situation sociale, sa nationalité, sa situation (régulière ou irrégulière), son état de santé. »

5- Conclusion

Constatant d’une part que le nombre de médecins généralistes à Mayotte est dramatiquement insuffisant, d’autre part que le CHM est la principale structure assurant les activités de santé primaire, nous demandons, en tant que médecins généralistes du Centre Hospitalier de Mayotte, le doublement immédiat de nos effectifs afin de pouvoir remplir la mission qui nous est confiée.
Nous pourrions comprendre que le CHM rencontre des difficultés à trouver de nouveaux médecins, mais nous ne saurions comprendre que l’ARS en rencontre à créer ces nouveaux postes.

Nota : Les données statistiques utilisées proviennent de l’INSEE. Elles n’incluent pas la population de « sans-papiers ». De la même manière, les questions de santé publique qui trouvent leur réponse dans un choix politique, par exemple la qualité et l’accès à l’eau, ne sont pas abordés.

Références :

1. (FEDOM 22/05/2015) : ’ »Si la densité médicale, Outre-mer, est encore en moyenne inférieure d’un tiers à celle constatée dans l’Hexagone, la situation à Mayotte est particulièrement critique. Le nombre de médecins pour 100 000 habitants en 2013 s’élève à 335 en métropole, à 285 à La Réunion, à 258 en Martinique, à 250 en Guadeloupe et en Nouvelle-Calédonie, à 200 en Guyane, 142 à Wallis et Futuna et à… 83 à Mayotte, soit une densité quatre fois inférieure à celle de l’hexagone !’ »

2. Observatoire des inégalités ; Les seuils de pauvreté en France ; 09/09/2014 ; http://www.inegalites.fr/spip.php?article343

3. Site internet de l’Insee ; Revenus-Salaires ; Pauvreté ; Seuils de pauvreté mensuels ; http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?ref_id=natsos04401

4. Site internet de l’Insee ; Revenus-Salaires ; Protection et aides sociales ; indicateurs sociaux départementaux ; http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?reg_id=24&ref_id=20236

5. Site internet de l’Insee ; Conditions de vie – Société ; Consommation et équipement des ménages ; 2011 ; http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?reg_id=27&ref_id=21878

6. Document Insee Infos n°28 ; Février 2007 ; http://www.insee.fr/fr/insee_regions/mayotte/themes/infos/insee_infos_28.pdf
7. Site internet Iedom ; 2014 ; http://www.iedom.fr/IMG/pdf/ra2014_mayotte.pdf

8. Insee ; document princ6_auto

9. Discours de George Paul-Langevin à Mayotte ; 24/08/214 ;
http://mayotte.la1ere.fr/2014/08/24/george-pau-langevinministre-des-outre-mer-inaugure-le-samu-976-etle-pole-mere-enfant-du-centre-hospitalier-de-mayotte-chm-180228.html

10. Le projet d’établissement 2015 – 2019 du Centre Hospitalier de Mayotte ; Mai 2015

SMG Mayotte – contact : smg97640@gmail.com

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II- Communiqué de SUD Santé sociaux, 14 avril 2016

A Mayotte, la situation est explosive…

La France a départementalisé ce territoire en 2011. L’intégration de territoire n’est pas sans intérêts pour l’état français.
Intérêts économiques qui permet à la France de percevoir des droits de pêche sur une zone très giboyeuse et des droits de passage sur le détroit du Mozambique, route maritime très fréquentée. Mais avant tout la France s’assure d’une implantation militaire stratégique très importante.

La France a adopté une attitude néocolonialiste, digne des pires égarements du siècle passé en imposant des devoirs au peuple de Mayotte, sans tenir compte de la culture locale préexistante et sans lui reconnaître les mêmes droits qu’en métropole.
Ainsi les Mahorais se voient imposer les mêmes devoirs, impôts, cadastre (sans une période de transition nécessaire pour une population de culture agricole et orale)…
Par contre le Code du Travail ne s’y applique pas totalement tout comme les Conventions Collectives…
Les Mahorais revendiquent outre l’application des droits du travail :

  • le droit à la solidarité nationale pour les pensions de retraites,
  • la reconstitution de carrière prenant en compte la totalité de l’ancienneté de service des agents concerné-es par l’intégration dans la fonction publique,
  • la révision de l’indexation des salaires à hauteur d’au moins 53%.

Autres difficultés que rencontrent les mahorai-ses, l’insécurité liée à la forte attraction de l’île qui pousse de plus en plus de comorien-nes à venir s’y installer dans des conditions miséreuses. Là aussi l’état doit prendre ses responsabilités pour garantir la paix sociale.

La Fédération SUD Santé Sociaux est totalement solidaire des mahorais-ses dans leur revendication d’égalité de droits et condamne l’esprit colonialiste qui persiste à travers cette récente départementalisation. L’état, en prenant cette décision, aurait dû en prévoir l’accompagnement social et financier. SUD Santé Sociaux soutient les militant-es et la population mahoraise dans ses revendications et apportera toute son aide pour que cette lutte juste aboutisse.

SUD Santé Sociaux s’associe à l’Union Syndicale Solidaires pour exiger une audience auprès du premier Ministre lors de la venue de la délégation Mahoraise ce 15 Avril.

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