Rapport n°1776 de l’assemblée nationale sur les centres de rétention administrative et les zones d’attente

Rapport présenté par Thierry Mariani le 24 juin 2009 en conclusion des travaux d’une mission d’information
mercredi 24 juin 2009

On y relève, hors de la France d’Europe, un nombre important de zones d’attente, centres et locaux de rétention, dont certains n’existent semble-t-il que sur le papier [1] .

Bien que la moitié des éloignements effectués à partir du territoire français provienne de l’Outre-mer, seul le centre de rétention de Mayotte tristement célèbre notamment par une vidéo diffusée le 18 décembre 2008
a eu l’honneur d’une visite de la mission.

Présentation du rapport extrait de Malango

Le rapport d’information sur les CRA et les zones d’attente présenté par Thierry Mariani juge que « dans la très grande majorité des cas, les conditions d’existence dans ces lieux sont correctes et ne méritent pas les critiques ». Il estime également que les autorités de ces lieux « mettent tout en œuvre » pour permettre aux étrangers d’exercer leurs droits de façon effective. Dans quelques centres néanmoins, – le CRA du dépôt du palais de justice de Paris, celui de Mayotte et la zone d’attente d’Orly en particulier –, la situation n’est pas satisfaisante, reconnaît-il.

Des conclusions jugées complaisantes et partielles par les députés socialistes et les radicaux de gauche (groupe SRC), qui estiment que « la mission a éludé de nombreuses dérives qui ont pour origine la politique du chiffre menée par le gouvernement. Elle s’est focalisée sur les conditions de vie au sein des centres de rétention, alors que c’est tout une chaîne de dysfonctionnement qui est en cause. » Les députés SRC recommandent que des alternatives à l’enfermement soient développées pour les mineurs et les personnes vulnérables.

Extrait du rapport : Le cas particulier de Mayotte

Le CRA de Mayotte a une double spécificité. Tout d’abord, Mayotte relevant encore de la spécialisation législative, le CESEDA ne s’y applique pas directement, et notamment pas les normes minimales d’accueil dans les CRA. En outre, le CRA de Mayotte constitue en fait davantage une zone d’attente, puisqu’il accueille essentiellement des personnes venant par bateau d’Anjouan et interceptées en mer. Cette double spécificité explique que le CRA soit souvent saturé, hébergeant souvent le double de personnes de son effectif théorique de 60 personnes : le jour de la visite de la mission d’information, il accueillait par exemple 110 personnes.

La mission d’information a ainsi pu constater, comme l’avait dénoncé devant elle M. Roger Beauvois, président de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, que les conditions d’hébergement y étaient rudimentaires : hébergement dans une salle dépourvue de fenêtre, absence d’espace de promenade ou de détente et de télévision, couchage et repas pris au sol…

Incontestablement, ces conditions d’hébergement sont indignes, malgré la bonne volonté des fonctionnaires de la PAF qui font tout leur possible pour faire face à une situation rendue très difficile par l’afflux continuel de migrants en provenance d’Anjouan. Néanmoins, il faut remarquer que la durée de rétention y est extrêmement courte, une à deux journées, et que ces conditions de rétention difficiles ne sont pas critiquées par les personnes retenues elles-mêmes.

Pour tenir compte des critiques suscitées par cette situation, le secrétaire d’État à l’outre-mer, M. Yves Jégo, a annoncé la reconstruction du CRA de Mayotte en 2010. De plus, des travaux de rénovation ont d’ores et déjà été lancés qui ont abouti, comme la mission d’information a pu le constater, à isoler les sanitaires et les douches, à créer des espaces distincts pour les hommes et les femmes ainsi que pour la restauration. Le directeur adjoint de l’immigration, M. Jean de Croone, a indiqué à la mission d’information que ce projet constituait une priorité du ministre, mais que se posait un problème de financement, compte tenu de son coût budgétaire était élevé (18 à 20 millions d’euros pour un centre de 140 places). La mission d’information souhaite que les arbitrages interministériels permettent le financement rapide du nouveau CRA dont Mayotte a un besoin impératif.

Proposition n°13 : Doter dans les plus brefs délais Mayotte d’un CRA lui permettant d’accueillir dignement les étrangers en instance d’éloignement.

Extrait de la contribution de Mme George Pau-Langevin et de M. Serge Blisko, membres du groupe socialiste, radical, citoyen et de divers gauche

Outre-mer

En 2007, le nombre d’étrangers éloignés depuis l’Outre-mer s’élevait depuis les seuls départements de Guyane et de Guadeloupe à 10 857 et depuis Mayotte à 13 990, soit au total à 25 210 contre 23 831 en métropole.

Les CRA en outre-mer font face à des difficultés importantes, dénoncées par de nombreux organismes et associations, mais que le rapport parlementaire sous-estime. La présence d’associations confirmées y est donc déterminante, d’autant plus que le droit des étrangers en outre-mer est régi par la spécificité législative. Les députés ne peuvent donc que se réjouir que le « Collectif Respect », dans un premier temps attributaire du marché « outre-mer » ait finalement été écarté. Cette association, née en 2002 « au lendemain des sifflets contre la Marseillaise au Stade de France », lors du match France-Algérie d’octobre 2001, n’a pas fait la preuve de ses compétences ni de son expertise en terme de respect du droit des étrangers. Pour preuve, alors qu’elle avait pour seul objet de « promouvoir le respect dû à l’autorité légitime, et en particulier aux institutions et au Président de la République », elle a changé ses statuts en préfecture six jours avant la parution du décret portant attribution des lots, pour y mentionner un nouvel objectif : « informer les étrangers, les aider à exercer leurs droits, [...] défendre et promouvoir le concept de respect sous toutes ses formes ».

Les députés SRC rappellent que la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité a désigné le CRA de Mayotte comme « indigne de la République (56) » et demandent de mettre fin sans délai à une telle situation. Celle-ci a également demandé qu’en l’état actuel, les mineurs ne soient plus placés dans ce centre. Thomas Hammarberg, Commissaire aux Droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, a quant à lui « appelé les autorités françaises à ce que les droits de l’homme et la dignité humaine soient respectés dans l’ensemble des centres de rétention administrative et que les conditions de vie offertes aux étrangers retenus à Mayotte soient immédiatement améliorées ».

En ce qui concerne Cayenne, la CNDS a également dénoncé « la déshumanisation et les conditions de vie arbitraires ». Elle a estimé que « ni les économies budgétaires, ni la primauté donnée aux résultats chiffrés en nombre de reconduites effectives à la frontière ne peuvent justifier l’abandon des cadres légaux d’intervention et la présentation de procès-verbaux contenant des réponses pré-remplies faussement prêtées aux personnes interpellées ».

Voir le rapport 2008 de la CNDS


Rapport n°1776 sur les centres de rétention et les zones d’attentt


Brèves

Mise à jour de "Singularités du droit des personnes étrangères dans les Outre-mer"

mardi 1er janvier 2019

Gisti et Mom, cahier juridique, paru en janvier 2018 ; mise à jour 1er janvier 2019

CJ "outre-mer" paru en janvier 2018- Mise à jour 1er janvier 2019

Ouvrage en vente sur la boutique en ligne du Gisti (avec la mise à jour) format papier ou ebook

CNCDH - L’effectivité des droits dans les Outre-mer

mardi 24 octobre 2017

Une étude de la Commission nationale consultative des droits de l’homme effectuée en 2017, publiée par La documentation française en mars 2018

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