Trois communiqués du ministre de l’immigration

Facilités dérisoires du ministère de l’immigration et de la préfecture de Guyane
lundi 18 janvier 2010

  • Suspension des reconduites en cours, communiqué du 14 janvier
    Eric Besson, ministre de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Développement solidaire, a donné, mercredi 13 janvier 2010, instruction à ses services de suspendre immédiatement toutes procédures de reconduite dans leur pays d’origine des ressortissants haïtiens en situation irrégulière sur le territoire national.
  • Un dispositif exceptionnel d’accueil en France des victimes, communiqué du 14 janvier
    Compte tenu de l’ampleur et de la gravité de la catastrophe naturelle en Haïti, Eric Besson, ministre de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Développement solidaire, a décidé la mise en place d’un dispositif exceptionnel et temporaire d’accueil des victimes en France.
    Ce dispositif comprend :
    - Un allègement des conditions du regroupement familial. Près de 80.000 ressortissants haïtiens vivent en France et ont certains membres de leurs familles concernés par la catastrophe en Haïti.
    - Des facilités accordées pour la délivrance des visas pour visites familiales.
    - Des visas et autorisations de séjour délivrés à titre humanitaire pour les victimes dont l’état de santé nécessite un traitement médical spécialisé en France.
    La réaction de la France doit être à la hauteur de sa tradition républicaine d’accueil, de solidarité, et d’humanité, et des liens historiques et culturels profonds qu’elle entretient avec le peuple haïtien. Dans des circonstances aussi effroyables et douloureuses, tous nos efforts doivent se concentrer sur l’aide aux Haïtiens.
  • Facilitations accordées aux ressortissants haïtiens, communiqué du 18 janvier
    Pour répondre à la situation humanitaire en Haïti et faciliter l’aide aux victimes du séisme du 12 janvier 2010, le ministère de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Développement solidaire met tout en ouvre, en liaison avec la cellule de crise du Quai d’Orsay, pour faciliter les évacuations sanitaires et accélérer les procédures de regroupement familial.
    - Les personnes qui doivent être évacuées pour être soignées en France sont exonérées de visa préalable et les autorisations de séjour nécessaires leur seront délivrées dès leur arrivée sur le territoire national (autorisation de séjour de trois mois renouvelable).
    - Les personnes dont la demande de regroupement familial a été accueillie favorablement pourront sans délai et sans visa préalable venir en France.
    - Les dossiers de regroupement familial en cours d’instruction font l’objet d’un traitement prioritaire par les services préfectoraux.
    - Les ressortissants haïtiens en situation régulière sur notre territoire et dont les visas ou les titres de séjour arrivent à expiration postérieurement au 12 janvier 2010 bénéficieront d’autorisations provisoires de séjour (de 3 mois).
    Le ministère de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Développement solidaire suit la situation en Haïti, en étroite liaison avec le ministère des Affaires étrangères, afin de faciliter la mise en œuvre des dispositifs de secours.

Note de Mom :
Les mesures annoncées sont dérisoires :
a) une dispense de visa :
- pour les évacuations sanitaires,
- pour les très rares bénéficiaires d’un regroupement familial déjà accordé en France à l’issue d’une longue procédure préalable qui n’est accessible qu’à la famille d’un Haïtien bénéficiant en France d’une bonne situation économique et administrative ;
b) 3 mois d’autorisation provisoire de séjour pour un Haïtien ayant un titre de séjour dont la validité s’achève après le séisme ;
c) un examen des dossiers de regroupement familial "prioritaire" mais sans assouplissement des lourdes conditions de cette procédure.

En Guyane

Le 25 novembre, la préfecture donne des instructions analogues à celles du ministre de l’immigration
Communiqué de la préfecture de Guyane, relatif à la situation des ressortissants haïtiens suite au séisme du 12 janvier 2010, N° 34-01/10/Cab/Com A Cayenne, 25 janvier 2010
Le préfet de la région Guyane communique :
Compte tenu des difficultés actuelles en Haïti et devant l’affluence constatée ces derniers jours à l’accueil du bureau de la nationalité et de l’immigration, qui tend à paralyser le service le préfet de Guyane a pris les mesures suivantes :

  • Suspension des mesures d’éloignement pour les ressortissants haïtiens en situation de séjour irrégulier en Guyane.
  • Examen prioritaire des demandes de visa d’entrée en Guyane pour les familles de Français actuellement en Haïti.
  • Examen prioritaire des demandes de regroupement familial déposées par les ressortissants haïtiens en situation régulière de séjour exclusivement. La demande ne peut concerner que les enfants mineurs et les conjoints.
  • L’examen au cas par cas des demandes de rapprochement familial concernant les frères, sœurs, parents, neveux et nièces ne sera réalisé que sur demande motivée (personne blessée, etc…) formulée uniquement par courrier.
  • Les personnes ayant déposé des demandes d’admission au séjour avant le 12 janvier 2010 verront leur dossier examiné en tenant compte des difficultés actuelles, en lien avec les autorités haïtiennes en Guyane. Leur déplacement en préfecture n’est pas nécessaire, les personnes concernées seront contactées individuellement par les services préfectoraux dès que possible.

Par ailleurs, la préfecture précise qu’aucune mesure de régularisation massive n’est envisagée, les personnes ne courant aucun danger en Guyane.
Enfin, la préfecture indique que, pour permettre un examen rapide des situations humanitaires difficiles, les ressortissants haïtiens ne relevant pas de ces catégories ne seront pas reçus dans l’immédiat.

Suspension des expulsions mais ni des arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière, ni même en Guyane de la rétention

S’il fallait une preuve du caractère provisoire de la "suspension" des éloignements, elle est donnée par les arrêtés de reconduite à la frontière que des préfectures continuent à délivrer à des Haïtiens en janvier 2010.

  • 22 janvier 2010, préfecture du Val de Marne - deux APRF contre un couple d’Haïtiens
    • "Deux Haïtiens reconduits à la frontière", Bakchih info, Sismique, Anaëlle Verzaux, 24 janvier.
    • Deux Haïtiens sous le coup d’un arrêté de reconduite à la frontière, Le Monde.fr, 26 janvier.
      Extraits
      Les deux ressortissants haïtiens ont été interpellés jeudi à leur arrivée à l’aéroport parisien d’Orly, alors qu’ils étaient en possession de passeports falsifiés, a précisé une source judiciaire. Aucune poursuite n’a été engagée, le parquet de Créteil ayant préféré classer l’affaire sans suite. Sur le plan administratif, un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière a en revanche été signé, "sans toutefois être exécuté", selon la préfecture du Val-de-Marne.
      "Il s’agit d’une simple formalité administrative, pour clore la procédure. Nous avons décidé, bien entendu, de ne pas la mettre en application", a assuré le directeur de cabinet du préfet du Val-de-Marne, Patrick Dallennes. "Ces deux personnes ont été prises en charge par le SAMU social, puis par le comité Urgence Haïti. Pour le moment, il n’est pas question de les renvoyer dans leur pays", a poursuivi M. Dallennes. "Pour l’avenir, je ne sais pas ce qui peut arriver", a-t-il néanmoins reconnu.
      "C’est le cynisme habituel du ministère. Mais en vérité, cette ’formalité administrative’ n’a rien d’anodin. Le préfet n’était absolument pas obligé d’émettre cet arrêt", s’emporte Stéphane Maugendre, président du Gisti (Groupe d’information et de soutien aux immigrés) et avocat au barreau de la Seine-Saint-Denis. D’abord, dès lors qu’un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière (APRF) est émis, les personnes concernées sont immédiatement inscrites au fichier des personnes recherchées. Valable un an, c’est un document qui a une valeur exécutoire. "S’ils sont arrêtés par la police et que le procureur constate qu’ils sont en infraction parce qu’ils n’ont pas exécuté l’APRF, ils peuvent être condamnés à la prison", explique Stéphane Maugendre.
      Par ailleurs, l’existence de cet arrêté est un frein à une éventuelle régularisation. "Il faut d’abord que l’arrêté soit abrogé par le préfet qui l’a émis avant qu’un autre préfet statue. C’est un blocage", note le président du Gisti. "Et si le préfet avait vraiment voulu tenir compte de la décision d’Eric Besson de suspendre les procédures de reconduite, il n’aurait pas notifiée d’APRF", conclut-il.
  • 24 janvier, préfecture de Guyane - un APRF avec placement en centre de rétention administrative
    • Communiqué de la Cimade, 26 janvier 2010.
      Extrait : Faute d’avoir pu organiser son départ pour Haïti dans les premières 48 heures, ce Monsieur a été présenté au juge des libertés et de la détention afin d’être autorisée à le maintenir en rétention. Bien que le juge ait ordonné sa libération, la Préfecture a persisté et fait appel de cette décision.
      Ce Monsieur est aujourd’hui libre mais la Préfecture souhaite toujours le renvoyer. L’appel sera jugé demain matin.

Commentaires

  • Haïtiens de France, Médiapart - Blof "Fini de rire", 2 février par Martine et Jean-Claude Vernier
    Une bonne synthèse de la situation et des commentaires associatifs.
    Extraits
    Le nombre de Haïtiens vivant en France métropolitaine n’est pas précisément connu. Il est estimé à quelques dizaines de milliers, surtout en Seine Saint Denis et en région parisienne. Parmi eux, 15 000 à 20 000, selon France Terre d’Asile, ne réussissent pas à obtenir "les papiers". Ils vivent dans une grande précarité, qui leur semble cependant préférable aux dangers qu’ils ont fuis. Environ 3000 ont le statut de réfugiés.
    Selon l’OFPRA, en 2008 "les Haïtiens constituent l’écrasante majorité des demandeurs d’asile en Guadeloupe (96%) et en Martinique (97%). En revanche, leur part est beaucoup plus faible en Guyane (31%)" sur un total d’environ 500, à quoi s’ajoutent environ un millier de demandes déposées en métropole. "Les motivations des demandeurs sont soit d’ordre politique (militants associatifs, anciens membres de partis politiques, opposants au nouveau régime) soit d’ordre sécuritaire (commerçants ou particuliers se disant victimes de racket et de menaces). A noter un nombre croissant de femmes qui font état d’enlèvements et de sévices". Entre 2004 et 2008, Haïti a été au quatrième rang des pays comptant le plus de déboutés de l’asile, derrière la Turquie, la Chine et la République Démocratique du Congo, et devant l’Algérie.
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  • Collectif Haïti de France, une semaine en Haïti, 1er février 2010
    Les associations d’aide aux personnes en situation irrégulière notent une désorganisation et un manque d’informations criant quant aux réalisations relatives aux nouvelles procédures annoncées.
    Par exemple, plusieurs dizaines de personnes sont arrivées au local du Collectif Haïti de France avec des papiers de l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration (OFII) indiquant que le Collectif Haïti pouvait les aider pour les demandes de régularisation ou de regroupement familial.
    Or il est évident que le Collectif Haïti n’est pas en mesure de répondre à ce type de demande.
    C’est à l’OFII et au ministère de prendre leurs responsabilités.

Voir le communiqué "Un impératif après le séisme : régulariser tous les exilés haïtiens"