Mayotte, emblême d’une politique sécuritaire confondant délinquants et migrants

jeudi 21 novembre 2013

Débat du Sénat sur les chiffres de la délinquance - 21 novembre 2013

EXTRAIT

  • M. Abdourahamane Soilihi.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le recensement réalisé à Mayotte à un rythme quinquennal n’est plus en adéquation avec le rythme de la croissance démographique, car celle-ci tend à exploser. Cette inadéquation ne facilite guère la mise en œuvre de politiques publiques adaptées aux réalités du terrain.

À Mayotte, 50 % de la population a moins de vingt-cinq ans et 40 % de la population est en situation irrégulière. Selon le rapport du Défenseur des droits d’avril 2013, sur ce territoire exigu, le nombre de mineurs isolés est estimé à 3 000, dont 500 sont en situation de grande fragilité car livrés à eux-mêmes.
Tous les rapports publiés sur Mayotte font état d’un constat qui se répète de manière alarmante : Mayotte connaît une délinquance et une insécurité inquiétantes.

Voici donc quelques chiffres illustrant cette situation pour la période 2012-2013 : d’une année à l’autre, on est passé de 1 363 à 1 398 atteintes volontaires à l’intégrité physique, soit une hausse de 2,57 % ; les atteintes aux biens sont, elles, passées de 4 229 à 4 837, soit une progression de 14,38 % ; les escroqueries et infractions économiques et financières, qui étaient de l’ordre de 364 en 2012, ont baissé de 31,04 % en 2013, leur nombre étant ramené à 251 ; enfin, la délinquance juvénile, qui représentait un total de 5 956 infractions en 2012, est en forte progression, avec 6 486 infractions en 2013, soit une hausse de 8,90 %.
En matière d’immigration clandestine, là aussi, les chiffres parlent d’eux-mêmes : 13 000 illégaux en un an, selon Le Figaro du 7 novembre 2013, étant entendu que les reconduites aux frontières sont effectuées systématiquement. Le bras de mer séparant Mayotte et Anjouan est devenu un grand cimetière marin, avec des drames bien plus graves encore que celui s’est récemment déroulé à Lampedusa et a défrayé la chronique en Europe.

[...] Monsieur le ministre, il est fort regrettable de constater que des jeunes mal lotis, pour la plupart sans emploi, sont entraînés dans la délinquance.
Face à ce fléau que constitue une insécurité grandissante, quelles sont les mesures que le Gouvernement propose pour Mayotte ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

  • M. Manuel Valls, ministre.

Monsieur le sénateur, vous soulevez des questions justes sur la situation de Mayotte, mais vous conviendrez que les problèmes de délinquance sur votre territoire ne se posent pas seulement depuis dix-huit mois. Cela dit, je vous sais gré de ne pas chercher à polémiquer sur les chiffres de la sécurité.

Disons-le clairement, Mayotte souffre de la persistance de certaines formes de délinquance particulièrement inquiétantes. Votre département connaît aussi des problèmes de violences scolaires, qui surviennent aux abords des établissements ou à l’encontre des transports scolaires. Elles sont souvent le fait de très jeunes gens, appâtés par le gain facile et agissant parfois en bande.

Les forces de l’ordre ont déployé régulièrement des dispositifs de sécurisation adaptés aux circonstances.
Je rappelle aussi que la lutte contre l’immigration irrégulière à Mayotte fait l’objet d’efforts soutenus, qu’il s’agisse de l’interpellation des étrangers en situation irrégulière, du contrôle des documents d’identité ou de la lutte contre le travail illégal.

Je me rendrai prochainement à Mayotte, comme je me suis rendu aux Antilles il y a quelques semaines. La situation outre-mer fait l’objet de toute l’attention du Gouvernement, dont le rôle est de garantir la sécurité de nos concitoyens sur l’ensemble du territoire de la République.

Mayotte a besoin de la réussite de son projet de départementalisation, qui a été voté à l’unanimité par le Parlement. C’est sur tous ses aspects que nous gagnerons en efficacité : économie, éducation, soutien à l’administration, lutte contre l’immigration irrégulière et contre l’insécurité. À cette fin, je compte m’appuyer sur les propositions que me soumettront l’ensemble des élus du territoire lors de mon déplacement.