Recommandations du contrôleur général des lieux de libertés communes au centre de rétention et à la maison d’arrêt de Mayotte

30 juin 2010 - JORF du 25 juillet
dimanche 25 juillet 2010

Recommandations du 30 juin 2010 communes au centre de rétention et à la maison d’arrêt de Mayotte

NOR : CPL/X/101968/6X

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté a décidé de rendre publiques simultanément les deux recommandations, ci-dessous, relatives aux visites effectuées au centre de rétention et à la maison d’arrêt de Mayotte. De manière exceptionnelle, il souhaite marquer au préalable les six observations suivantes, communes aux deux établissements :
1. Au centre de rétention administrative comme à la maison d’arrêt, les conditions de vie des personnes retenues et détenues sont indignes. Les locaux présentent de graves insuffisances et affectent le respect du droit à l’intimité et à l’intégrité. Les conditions d’hébergement et d’hygiène portent d’évidence atteinte aux droits fondamentaux des personnes présentes.
2. Les deux établissements visités ont une capacité insuffisante pour remplir leur mission. Les projets de reconstruction ou d’extension qui ont été annoncés doivent prendre en compte la nécessaire adaptation des cahiers des charges administratifs à l’environnement climatique, culturel et social de Mayotte. Les personnels devront être associés à la conception des locaux.
3. L’amélioration nécessaire ne peut attendre la reconstruction ou l’extension prévue.
4. En particulier, le maintien des liens familiaux n’est pas garanti de façon satisfaisante, ni au centre de rétention administrative, ni à la maison d’arrêt.
Des conditions d’accueil décentes et sereines doivent être faites aux familles ou aux proches des personnes placées en rétention ou incarcérées. Les modalités de visite doivent être améliorées. La lutte contre l’immigration clandestine ne saurait restreindre le droit à la vie familiale.
5. Une attention particulière doit être portée aux mineurs, tant pour la clarification de leur état-civil que pour l’adaptation des modalités de leur prise en charge. Des solutions en aval de la rétention comme de la détention doivent être imaginées pour prévenir la rupture des liens familiaux et garantir la scolarisation.
6. L’automaticité du traitement de certaines procédures (éloignement, libération conditionnelle) est manifestement inspirée par la nécessité de réguler les taux d’occupation des lieux concernés. Il semble impératif de revenir à une approche individualisée des situations.

J-. M. Delarue

Voir les recommandations détaillées et les rapports des visites du Contrôleur concernant


Les collectifs Mom (Migrants Outre-mer) et Migrants Mayotte avaient présenté le 3 février 2009 une saisine relative aux conditions des mesures
d’éloignement et de la rétention à Mayotte
auprès du contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Lire


Mayotte - Conditions de détention affligeantes, Nicolas Bérard, Malango actualité, 14 août 2010

C’est peu dire que le rapport du contrôleur général des lieux de privation de liberté est sévère sur les conditions de détention qu’il a constatées à Mayotte.

C’est une nouvelle alerte donnée au niveau national sur les conditions de détention et de rétention à Mayotte. L’opinion avait pour la première fois été sensibilisée aux conditions exécrables du centre de rétention administrative (CRA) de Pamandzi par la diffusion d’une vidéo montrant l’intérieur sur-chargé du bâtiment sur le site du journal Libération.
Cette fois, c’est Jean Marie Delarue, contrôleur général des lieux de privation de liberté, qui a rendues publiques ses observations faites fin mai début juin 2009 sur le centre de rétention de Pamandzi et la maison d’arrêt de Majicavo. Et les constatations réalisées sur place sont une nouvelle fois pour le moins affligeantes.
Selon lui en effet, "les conditions de vie des personnes retenues et détenues sont indignes. Les locaux présentent de graves insuffisances et affectent le res-pect du droit à l’intimité et à l’intégrité. Les conditions d’hébergement et d’hygiène portent d’évidence atteinte aux droits fondamentaux des personnes présentes".
Le jour de sa visite, 140 personnes étaient retenues à Pamandzi, dans les deux salles "dont la surface cumulée est de 137 m2".

Des conditions d’hygiène proches de zéro
Outre la "grande promiscuité" dans laquelle doivent vivre les retenus, il dénonce également les conditions d’hygiène quasi-inexistantes : "les hommes ne peuvent se rendre librement aux toilettes et aux points d’eau" ; "les toilettes à la turque et les cabines de douche sont en nombre insuf-fisant et dans un état dégradé ; elles donnent directement dans le hall et sont fermées par un simple volet de séparation d’un mètre de hauteur" ; "bien que prévue par le règlement intérieur, aucune distribution de produits d’hygiène (brosse à dents, dentifrice, rasoir ou shampoing) n’est effectuée à l’arrivée" ; "après la douche, la personne retenue ne dispose ni de serviette, ni de vêtement ou sous-vêtement propre".

Maintien des liens familiaux
La situation qu’il a découverte à la maison d’arrêt de Majicavo n’est pas plus réjouissante. Il note ainsi "la suroccupation chronique et dramatique de l’établissement, avec un taux d’occupation lors de visite de 294% au quartier adulte 2 et de 333% au quartier fin de peine". La surface au sol dont dispose les personnes enfermées est ainsi "inférieure par endroit à 2m2 par personne". Il fait aussi état d’une "personne handicapée devant utiliser une chaise percée pour aller aux toilettes…".
Jean Marie Delarue accorde aussi une attention particulière au maintien des liens familiaux des détenus. Il demande notamment que les "transferts de détenus condamnés (…) vers les établissements pénitentiaires de la Réunion (…) [ne soient pas envisagés] de manière systématique au seul motif d’alléger la surpopulation", et estime que "les familles de détenus ne doivent pas craindre de se rendre au parloir du fait d’un risque d’interpellation par les services chargés de la sécurité publique, compte tenu de leur propre situation administrative".
En tout état de cause, il signale que "les conditions de vie indignes imposées aux détenus (…) ne sauraient perdurer jusqu’à l’extension de la maison d’arrêt de Majicavo prévue en 2014 ou en 2015".