Un accueil plus digne dans le CRA de Mayotte ? 1,37 m2 par personne au lieu d’un m2...

Intervention de Manuel Valls à l’assemblée nationale le 11 décembre 2012 et commentaire de La Cimade
mardi 11 décembre 2012
par  Nicole

Intervention de Manuel Valls, le 11 décembre 2012, au début du débat de l’assemblée nationale sur le projet de loi relatif à la retenue pour vérification du droit au séjour et modification du délit d’aide au séjour irrégulier (extraits)

[...] Enfin, vous l’avez souvent indiqué, ce texte ne prévoit aucune disposition applicable à Mayotte. Comme vous le savez, le cas de cette île est très spécifique puisque près d’un habitant sur trois s’y trouve en situation irrégulière. Je veux y améliorer rapidement les conditions de la rétention, sans attendre la prochaine refonte du droit des étrangers dans l’île. Le Gouvernement entend donc agir. Des travaux sont actuellement en cours, qui permettront bientôt à Mayotte de disposer d’un nouveau centre de rétention conforme aux standards nationaux.

Mais d’ores et déjà, en accord avec le ministre des outre-mer, Victorin Lurel, je suis heureux de vous annoncer que la capacité du centre de rétention sera limitée, avant la fin de l’année 2012, à 100 places, contre 140 aujourd’hui, afin d’accueillir plus dignement les personnes retenues.

[...] En outre, dès la fin de ce mois, une partie de ces 100 places sera réservée aux familles, avec des locaux dédiés… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Y êtes-vous allés, à Mayotte, mesdames et messieurs les députés de l’opposition ? Avez-vous constaté la situation ? Pensez-vous que, la représentation nationale ayant fait de Mayotte un département, nous pouvons accepter la situation des étrangers dans cette île ?

Vous avez gouverné pendant dix ans et vous avez laissé perdurer cette situation. Alors ne ricanez pas quand on parle d’hommes et de femmes qui meurent au large de Mayotte à cause de la situation que vous n’avez pas été capables de régler.

L’accueil des familles aura été complètement reconfiguré. Elles seront isolées du reste du centre et bénéficieront d’espaces d’intimité.
Par ailleurs, d’autres travaux ont été réalisés, comme la rénovation du réseau d’assainissement, la restructuration des salles dédiées aux femmes d’une part et aux hommes d’autre part, ou encore la création d’un espace de détente extérieur. La mise aux normes sanitaires de la cuisine a également été décidée. Si j’entre ainsi dans le détail, c’est parce qu’il s’agit de la situation que nous avons trouvée.

M. Alain Christnacht, conseiller d’État, a été chargé d’un rapport sur l’immigration comorienne à Mayotte – car c’est bien là, évidemment, le fond du problème. Il constituera une base utile pour nos travaux futurs, et j’imagine que votre collègue Bernard Lesterlin y contribuera. L’Assemblée a ainsi voté une loi d’habilitation qui doit nous permettre d’adapter l’ordonnance du 26 avril 2000 régissant exclusivement le droit des étrangers sur l’île. L’enjeu est crucial : il s’agit de réduire le caractère d’exception de Mayotte du point de vue du droit des étrangers, en lui permettant de se conformer à la directive retour, qui sera applicable sur l’île au 1er janvier 2014.

Il s’agit aussi, comme vous l’avez rappelé dans l’article d’habilitation, d’adapter nos règles aux spécificités des flux migratoires existant sur l’île. L’ordonnance qui sera prise par le Gouvernement au cours du premier semestre de l’année 2013 devra rendre applicables les principes de la présente loi à Mayotte : les dispositions relatives à la retenue comme celles relatives à la suppression du délit de solidarité.


Commentaire de La Cimade : à Mayotte, le gouvernement offre 1.37 m2 aux personnes qu’il enferme dans le centre de rétention de Pamandzi

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Mardi 11 décembre, Manuel Valls, ministre de l’Intérieur, a annoncé un ensemble de mesures visant à « améliorer à échéance immédiate les conditions de rétention » à Mayotte. Malheureusement, ces mesures sont très insuffisantes et ne suffiront aucunement pour mettre un terme au traitement indigne dont sont victimes les personnes enfermées au centre de rétention de Pamandzi. La Cimade répète qu’il faut fermer ce lieu d’enfermement déplorable immédiatement.

Le ministre annonce ainsi que la police ne pourra plus enfermer 140 personnes au maximum mais seulement 100 personnes. Quelle amélioration ! Il faut savoir que lorsque 100 personnes sont enfermées dans ce centre, elles disposent chacune d’1,37m2. À titre de comparaison, dans les centres de rétention de l’hexagone, les personnes enfermées disposent de 10 m2.

De même, le ministre se réjouit de l’aménagement d’un espace réservé aux familles. D’abord, il faut rappeler que le centre de rétention de Pamandzi n’est pas habilité à enfermer des familles. Ensuite, s’il n’est pas tolérable que des enfants soient enfermés dans l’hexagone pour le seul fait que leurs parents n’ont pas de papiers, cela ne l’est pas plus à Mayotte. Aucun contexte régional particulier ne peut justifier d’accepter d’enfermer des enfants, même lorsque le lieu d’enfermement est « aménagé ». Comme l’a exprimé Christiane Taubira, ministre de la Justice et Garde des Sceaux lors d’un entretien publié dans Causes Communes « Si les territoires d’Outre-mer relèvent de l’État de droit, il ne peut y avoir de dérogations qui, sous couvert d’adaptation à la situation locale, sont en réalité des dispositions restrictives de liberté. »

Au lieu d’aménager le centre de rétention pour y enfermer des familles, il faut appliquer à Mayotte la promesse de François Hollande de mettre fin à l’enfermement d’enfants en centres de rétention. Plus de 5 000 mineurs sont enfermés chaque année, avec ou parfois sans leurs parents, dans le centre de rétention de Pamandzi.

La Cimade rappelle qu’il faut urgemment mettre un terme à la situation d’exception dans laquelle est placé ce 101ème département français, exclu jusqu’ici du peu de mesures d’assouplissement prises par le nouveau gouvernement.