Textes
- La "petite loi" adoptée par l’assemblée nationale le 23 juillet 2015
Elle doit être ensuite examinée par le Sénat.
- Le chapitre ce cette analyse consacré à l’outre-mer
- Les amendements et des débats à l’assemblée nationale portant sur l’outre-mer
Les (brèves) discussions par l"assemblée nationale ont porté sur les articles 16, 24, 31 et 34 de la loi.
Pas de jour franc avant l’exécution d’une OQTF sans délai dans cinq terres ultramarines
Le premier concerne l’article L.514-1 du Ceseda concernant l’OQTF sans délai en Guyane, en Guadeloupe, à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy et à Mayotte. Les personnes concernées sont privées des garanties procédurales en vigueur selon le droit commun, notamment du délai de 48 heures après la notification pendant lequel l’éloignement ne peut pas être effectué - laissant ainsi la possibilité de déposer un recours contre cette décision. Dans ces cinq terres ultramarines la police peut effectuer la reconduite à la frontière sans aucun délai.
Les amendement n° 292 et n° 345 prévoyaient un jour franc ; le premier donne lieu à un court débat avant d’être rejeté, le second n’est pas défendu.
Extrait de la discussion de l’assemblée nationale du 23 juillet 2015
Mme la présidente.
La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement no 294.
M. Denys Robiliard.
Cet amendement propose que l’exécution d’une mesure d’éloignement ne puisse être mise en œuvre qu’après « l’expiration du délai d’un jour franc courant de sa notification ». En effet, si la mesure est exécutée aussitôt après que le juge administratif l’a validée, l’intéressé n’aura pas eu le temps de saisir le juge du référé-liberté et cette procédure n’aurait dès lors plus lieu d’être. Il faut donc prévoir un délai minimum pour saisir le juge au titre du recours référé-liberté afin de permettre l’effectivité du droit. Le délai proposé n’est pas énorme. J’ai beaucoup apprécié la discussion qui portait sur l’amendement du rapporteur à l’article 15 car on a ainsi très clairement compris qu’il s’agissait pour M. Larrivé d’éloigner le juge pour qu’il ne puisse pas sanctionner des procédures irrégulières et qu’il en faisait une condition d’efficacité du dispositif. Or, dans un État de droit, il faut que la législation prévoit que le juge puisse être réellement saisi pour que les droits du requérant soient effectifs.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Erwann Binet, rapporteur.
La situation ultramarine en matière de séjour ne permet pas d’émettre un avis favorable à cet amendement, qui mettrait grandement à mal les conditions de rétention des étrangers. Il emboliserait vraiment le système. J’ai fait un déplacement à Mayotte dans le cadre des travaux de la commission et, sans entrer dans le détail, je peux vous affirmer, mon cher collègue, que l’application du délai d’un jour franc paralyserait totalement là-bas le système, probablement aussi en Guyane.
Mme la présidente.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre.
Avis défavorable.
[...]
(L’amendement no 294 n’est pas adopté.)
(L’article 16 est adopté.)
Extension de plusieurs dispositions dérogatoires à la Martinique
L’article 24 du projet de loi étend à la Martinique les diverses formes de contrôles dérogatoire déjà en vigueur dans les cinq terres d’outre-mer mentionnées ci-dessus (articles 78-2 du code de procédure pénale ; L. 611-8 à L. 611-11 du Ceseda).
L’amendement n° 56 suppose sa suppression.
Extrait de la discussion de l’assemblée nationale du 23 juillet 2015
M. le président.
La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 56, tendant à supprimer l’article 24.
M. Sergio Coronado.
L’article 24 introduit des dérogations au droit commun en Martinique. Il permet en effet de procéder à la visite sommaire de véhicules circulant sur la voie publique et, dans certaines zones, de procéder à des contrôles d’identité sans réquisition du procureur de la République.
La Martinique est pourtant une région peu concernée par l’immigration. Les étrangers en situation irrégulière représentent seulement 1,4 % de la population locale. Le Gouvernement justifie cet article par la nécessité d’harmoniser la situation avec d’autres départements français de l’Atlantique, ce qui nous paraît très curieux. Il serait plus juste de procéder à une harmonisation avec la loi commune. C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
M. le président.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Erwann Binet, rapporteur.
Monsieur Coronado, je suis désolé de ne donner un avis favorable que sur les amendements que vous ne défendez pas. (Sourires.)
L’avis de la commission est ici défavorable : il n’y a pas lieu de supprimer l’article 24, dans la mesure où l’extension à la Martinique de tels moyens de contrôle est cohérente avec le projet de déployer localement des radars pour améliorer la surveillance des approches maritimes, notamment pour lutter contre les trafics illicites, en particulier le narcotrafic.
L’article 24 permet également l’harmonisation des dispositifs de contrôle dans l’ensemble des départements et des collectivités françaises d’Amérique, ce qui permettra de lutter plus efficacement contre les entrées irrégulières de ressortissants étrangers sur le territoire français.
M. le président.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre.
Même avis.
(L’amendement no 56 n’est pas adopté.)
(L’article 24 est adopté.)
Ratification de l’ordonnance du 7 mai 2014 étendant le Ceseda à Mayotte ... avec de très nombreuses mesures dérogatoires
Commentaire du député de Mayotte
M. Ibrahim Aboubacar (député de Mayotte).
L’article 31 porte sur l’adaptation de quelques dispositions de ce projet de loi à Mayotte, étant entendu que l’ordonnance du 7 mai 2014 que nous aurons à ratifier à l’article 34 constitue le socle de l’adaptation du CESEDA dans ce département. Il s’agit ici de prendre en compte la réalité locale dans le processus d’intégration des étrangers accueillis, s’agissant notamment de la formation linguistique décrite à l’article 1er. Cette réalité locale s’apprécie sous la double dimension de la pratique de la langue française dans la société mahoraise, d’une part, et de la réalité des demandeurs de titre de séjours, venant très majoritairement de zones où la langue française n’est pas davantage parlée, d’autre part.
Une autre réalité réside dans le volume de personnes – je vous épargne les chiffres – qui sollicitent les pouvoirs publics pour entrer ou séjourner à Mayotte, qui pénètrent dans le territoire, qui tentent d’y pénétrer ou qui y restent illégalement. Tout cela a pour conséquence un volume très élevé de reconduites à la frontière. Cette réalité, mise en face de la capacité des pouvoirs publics à la traiter selon nos normes de droit commun, conduit immanquablement à des adaptations.
Celles-ci, je le sais, peuvent heurter des consciences, ou des principes, quoique l’ordonnance précitée les ait rendues compatibles avec nos engagements européens notamment. Mais quiconque a séjourné à Mayotte se rend compte de leur caractère nécessaire et parfois impératif : c’est le cas du ministre de l’intérieur, de notre rapporteur et du président de la commission des lois, qui s’y sont rendus ces derniers mois.
Pour ma part, conscient de la complexité de cette situation, de sa sensibilité au regard de l’ordre public, de ses incidences sur de nombreuses politiques publiques, je m’exprime avec retenue et prudence et j’approuve les adaptations qui nous sont soumises dans cet article, ainsi que celles faisant l’objet de l’ordonnance d’application du CESEDA à Mayotte, dont j’approuve la ratification prévue à l’article 34.
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