Au TA de Mayotte : deux enseignants mutés pour cause de militantisme

Rejet de référés suspension au motif que la décision relève du ministère de l’éducation
mardi 14 février 2012

  • Communiqué de Michel Rhin (14 février 2012)

Je viens de prendre connaissance de l’ordonnance concernant le dépôt de mon référé au tribunal administratif.
Sans grande surprise, il a été rejeté. Le juge a en effet rappelé que le renouvellement de séjour ne relevait que de la compétence du ministère. Ce dernier n’envoyait sa décision que courant mai, ne faisant qu’entériner celle du vice-rectorat, jugée prise par autorité incompétente dans le jugement de mon collègue Yann. Ainsi rappelé à l’ordre, nous avons pu constater que le ministère avait cette fois-ci envoyé les arrêtés de renouvellement il y a un mois. Il le fera donc très certainement l’année prochaine dès le mois de décembre comme cela aurait toujours dû être. N’ayant à ce jour aucune nouvelle de la part du ministère, je considère ma demande comme ayant été implicitement refusée et vais déposer dans les jours qui viennent un nouveau recours, contre le ministère.
Je ne vous cache pas ma grande tristesse, d’être obligé d’en arriver à de telles extrémités pour que la discrimination dont je suis victime soit enfin reconnue, n’ayant à aucun moment pu rencontrer, malgré mes demandes, un représentant du vice-rectorat ou de la préfecture pour un dialogue.

  • 9 février : dépêche AFP : Mayotte : des enseignants militants sous la menace d’un non renouvellement (Mamoudzou)

La justice administrative de Mayotte a été saisie par deux fois par des professeurs militants, l’un au syndicat enseignant Snes-FSU, l’autre chez RESF, qui se sont vu refuser leur demande de renouvellement de poste, un imbroglio que le ministère devra trancher.
Jeudi, le tribunal administratif examinait la demande en urgence de Michel Rhin, professeur de mathématiques au collège de Koungou (nord de l’île) et président du Réseau Education Sans Frontières Mayotte (RESF) à qui la prolongation de sa mutation pour deux ans a été refusée.
Michel Rhin a fait valoir devant le tribunal que ce non renouvellement était dû à ses activités associatives au sein du RESF, souvent en opposition avec la politique migratoire mise en œuvre par les autorités.
Selon lui, la décision à son encontre a été prise par la préfecture étant donné qu’il bénéficie d’avis favorable de son chef d’établissement et du vice rectorat.
"Rien ne m’est reproché au niveau de mes compétences, ni au niveau de ma moralité puisque j’ai subi trois enquêtes de moralité menées par la police et la gendarmerie afin d’obtenir une habilitation pour visiter le centre de rétention et pour être sur la liste des assesseurs jurés au tribunal d’assises", a fait valoir M. Rhin à l’AFP.
Le jugement sur son cas sera rendu au courant de la semaine prochaine.

Le 20 janvier dernier, le même tribunal administratif avait rendu une ordonnance concernant le cas d’un autre enseignant, Yann Durozad qui dénonçait également le fait de ne pas être renouvelé à cause de ses engagements syndicaux.
Professeur d’histoire au collège de Dembéni (sud de l’île), Yann Durozad est secrétaire général du Snes-FSU, syndicat majoritaire chez les enseignants de Mayotte.
Le tribunal avait estimé dans sa décision que le vice recteur, François-Marie Perrin, et le préfet Thomas Degos avaient pris une décision pour laquelle ils n’étaient pas habilités.
M. Durozad et seize autres enseignants dont le séjour à Mayotte n’a pas été renouvelé attendent à présent une décision du ministère de l’Éducation nationale.
La Fédération Syndicale Unitaire (FSU) ultra majoritaire dans l’Éducation a lancé vendredi dernier avec la CGT une pétition contre ces décisions de non renouvellement de séjour.

  • 23 janvier : Malango actualité - Le vice-recteur non autorisé à délivrer un non renouvellement de poste
    Par : Annette Lafond.

C’est un délibéré révolutionnaire que vient de rendre le tribunal administratif : le vice-recteur pas plus que le préfet n’a compétence pour décider du non renouvellement d’un enseignant. Un article dénonciateur de Libération revient sur la bataille qui dure depuis deux mois maintenant.

L’actualité sur l’avenir aléatoire des enseignants militants à Mayotte est dense et tourne en faveur de ces derniers : un article de Libération et le délibéré favorable du jugement (voir Malango « L’épilogue Durozad contre Vice-rectorat se joue au tribunal » du 12 janvier) opposant le Vice-rectorat au co-secrétaire du SNES FSU Yann Durozad, non reconduit, l’attestent.
Le Tribunal administratif, par son délibéré du vendredi 20 janvier, déboute Yann Durozad de sa requête de traiter « dans l’urgence le différent qui l’oppose au vice-recteur, mais vient de reconnaît que le Vice-recteur n’était pas l’autorité compétente pour signer les documents de non renouvellement d’un enseignant à Mayotte » commente Me Tchibozo, avocat du plaignant. Pas plus que le préfet. Seul le ministre de l’Éducation nationale a cette prérogative. Le vice-rectorat anticipant ce verdict, avait signalé que les documents produits n’étaient que préparatoires. « Le tribunal dénonce encore ce fait en soulignant que les documents produits étaient bien destinés à ne pas renouveler mon poste » raconte Yann Durozad. Ce qui va semer la révolution, car il fait office de jurisprudence pour tous les autres enseignants.
Si le tribunal déboute l’enseignant sur sa requête en urgence, Yann Durozad se dit « plutôt heureux que cet abus de pouvoir soit sanctionné » et assure qu’il va annuler la demande de mutation qu’il avait été obligé de formuler, pour la Guyane, « en attendant la décision ministérielle qui devrait intervenir en mars- avril ».
Cette affaire fait d’autant plus de bruit que le cas de Yann Durozad n’est pas isolé : Michel Rhin, président du Réseau éducation sans frontière Mayotte (Resfim) avait vu, quelques semaines après son collègue, sa demande de renouvellement déboutée alors que, comme Yann Durozad, sa responsable d’établissement avait émis un avis favorable. Ce « doublé » sème la suspicion sur la motivation réelle du vice-rectorat. Il vient d’intenter également une action en justice.

Déboires que Rémi Carayol, journaliste à Libération et ancien collaborateur de Malango actualité, vient de reprendre dans un article au titre provocateur de Mayotte préfère les profs qui fayotent, expliquant que, « jugés trop militants, des fonctionnaires expatriés vont être renvoyés en France par le préfet ». Si le Tribunal administratif vient de dénoncer cette attribution, Yann Durozad précise que le décret de 93 stipule bien que la décision n’a pas besoin d’être motivée. L’enseignant apprenait donc son départ sans autre forme de procès… avant le cas Durozad ! Car, comme le précise Remi Carayol citant une enseignante qui vit depuis vingt ans à Mayotte « il faut en faire beaucoup pour ne pas être prolongé ! ». C’est à dire, et selon les syndicalistes, avoir un problème avec l’alcool ou autres comportements déplacés en langage prude.

Comme le rappelle Rémi Carayol, le Resfim, au sein duquel milite Michel Rhin, combat les manquements de l’État dans un désormais département où « plus de 26 000 personnes en situation irrégulière (dont 6 000 enfants) ont été reconduites à la frontière en 2010 ». Les deux enseignants avaient reçu, en décembre, le soutien d’un Collectif d’associations membres de migrants Mayotte, la Cimade, le Secours Catholique, le Resfim et le Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti), qui s’interrogeaient sur « les conséquences engendrées non seulement sur l’engagement de bénévoles issus de services étatiques au sein d’une association militante » mais aussi sur l’avenir de la défense des « droits des enfants à une scolarisation en respectant les règles de droit qui prévalent à Mayotte ».
Si elles sont bien liées aux activités syndicales des deux impétrants, outre la menace que ces décisions font peser sur la liberté d’expression, elles ne sont pas judicieuses, car les services de l’État savent ce qu’ils perdent sans savoir s’ils vont y gagner… en dehors d’une image donnée d’une Mayotte, terre de non droit.


Voir des articles de ce site antérieurs :

et la :