"Délit de solidarité" à Mayotte : une bataille juridique

Prochain épisode : TA de Mayotte le 23 mai
vendredi 18 mai 2012

Rappel des faits


  • TA de Mayotte, 22 mars 2012, n° 1200111

Un référé suspension avait été présenté par Michel Rhin sur la décision implicite de rejet de son renouvellement de séjour professionnel à Mayotte dont il invoquait l’illégalité au nom d’une présomption de l’existence d’une discrimination.
« Les éléments de fait produits par M. Rhin, alors que les éléments produits par le Ministre dans son mémoire en réponse ne permettent pas d’établir que la décision litigieuse repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination propres », [paraissent] « en l’état de l’instruction, propres à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ».
Il est enjoint au Ministre de l’éducation de statuer à nouveau dans un délai d’un mois.

    • Voir la décision
    • Michel Rhin, renouvelable
      Malango actualité, 26 mars 2012
      par Annette Lafond
      S’il n’est pas encore certain à 100% de passer du statut de renouvelable à celui de renouvelé, Michel Rhin se réjouit de la décision du tribunal administratif qui suspend son non renouvellement de poste. Un genre de victoire de pot de torchis contre pot de fer.
      C’est sans avocat que Michel Rhin s’est défendu au TA

C’est une saga dont les épisodes principaux concernant Michel Rhin, le professeur de mathématique militant dans le Réseau éducation sans frontière (RESFIM), qu’il préside d’ailleurs, sont marqués par l’avis favorable du vice-recteur concernant sa demande de renouvellement de poste au bout des deux ans d’exercice à Mayotte, et défavorable du préfet. La décision définitive, émanant du ministère de l’Education nationale, ne tombait jusqu’à présent qu’après la demande de mutation des enseignants qui faisait suite aux deux avis suscités lorsqu’ils étaient négatifs. Le délibéré Durozad ayant changé la donne (Malango « Le vice-recteur non autorisé... » du 23-01-12), il est apparu que seule le verdict ministériel faisait force de loi. Mais, celui-ci n’ayant pas été émis pour 17 enseignants, il est considéré comme un refus implicite de renouvellement.
C’est contre ce refus que se bat Michel Rhin, qui a obtenu une appréciation favorable de sa hiérarchie, du vice-recteur et qui ne peut être targué de moralité défaillante ayant été l’objet pour ses diverses activités, « de trois enquêtes de moralité pour pouvoir être notamment assesseur au tribunal pour enfants et au tribunal d’assise, ce que je suis toujours » annonçait-il à Jean Brenier, président du tribunal administratif de Mayotte, mais aussi de La Réunion ce qui a valu au jugement d’être transmis en visioconférence, avec des interruptions momentanées d’images, ce qui posait des problèmes au président Brenier depuis l’île Bourbon. Pour l’enseignant, une seule hypothèse : « je suppose que ce sont mes occupations au sein du RESFIM qui me valent se traitement de la part du préfet ». On se souvient en effet du poster de reconstitution d’un naufrage de kwassas avec des visages de noyés dans le sable et mettant en cause l’Etat Français.

De son côté, le préfet Thomas Degos a toujours nié avoir donné un avis en fonction des activités militantes de Michel Rhin, et l’a d’ailleurs répété à la délégation de sénateurs de la Commission des Lois menée par Jean-Pierre Sueur.
Michel Rhin avait demandé de passer en procédure d’urgence, appelée référé, « la requête devant examiner la décision de renouvellement l’aurait été dans quelques mois, soit après mon éventuel départ de Mayotte, ce qui aurait été une aberration ! ». En suspendant le non renouvellement de l’enseignant, le juge a décidé que la décision prise par le ministère était visiblement illégale et qu’il était urgent d’agir. Il se dit confiant pour la suite, alors que le juge a demandé au ministère de réexaminer la demande de l’enseignant dans un délai maximal d’un mois.


  • Décision du ministère de l’éducation, 25 avril 2012

« Après avoir pris en compte notamment l’avis défavorable du Préfet représentant du gouvernement à Mayotte, je vous informe que j’ai décidé de ne pas vous accorder le renouvellement de séjour sollicité. »

Presse

Plusieurs interlocuteurs rencontrés tout au long de ses démarches l’avaient prévenu : il est rare que les avis du préfet de Mayotte soient remis en question. Pourtant, Michel Rhin restait confiant. « Rare ne veut pas dire jamais » espérait-il encore. Naïvement, il pensait que l’intervention du médiateur (qui avait demandé au ministre de « faire un geste ») de plusieurs parlementaires, du Sénateur de Mayotte Thani Mohammed, mais surtout la décision de justice rendue en sa faveur allaient faire pencher la balance de son côté. Eh bien non. S’abritant derrière le décret du 26 novembre 1996, le ministre de l’éducation nationale a « décidé de ne pas (...) accorder le renouvellement de séjour sollicité ». Ce décret qui permet au ministre de décider du renouvellement ou non des fonctionnaires à Mayotte, sans avoir à fournir aucune justification est d’ailleurs devenu incompatible avec le statut de Mayotte, département depuis maintenant plus d’un an. « Nous sommes les derniers à faire les frais de cette mesure discrétionnaire » constate amèrement Michel Rhin qui se considère comme « expulsé » de Mayotte « pour des raisons politiques ». En 2014, ce décret tombera de lui-même puisque ce type de contrat improprement appelé ’’d’expatrié’’ ne sera plus applicable Mayotte.

Pourtant, suite au dépôt d’un référé au tribunal administratif, le juge avait suspendu cette décision le 23 mars, considérant qu’au regard de l’instruction et des différents éléments apportés il y avait manifestement « présomption de l’existence d’une discrimination ». Le ministre avait un mois pour réexaminser cette décision et Michel Rhin relève également que la décision est parvenue au tribunal « le dernier jour avant l’astreinte ». Le ministre avait en effet jusqu’à lundi pour la rendre et ce n’est que vendredi qu’il l’a fait. Une autre façon, selon lui, de le brimer, mais surtout tenter de l’empêcher d’utiliser d’autres recours, ce que compte bien faire l’enseignant. « Nous travaillons également avec des juristes et des avocats sur les possibilités d’une plainte au pénal afin que les personnes responsables de cette décision assument entièrement la responsabilité de leur choix ».
Ce combat qu’il veut continuer à mener, Michel Rhin le voit comme une manière de dénoncer des « décisions politiques [qui] prennent le dessus face au bon sens et contre l’avis de la justice, confirmant les abus de pouvoir et la discrimination dans un pays qui se targue d’être une référence en matière des droits de l’homme ».
Mais, ce qui révolte le plus celui qui apparaît comme le professeur modèle, contre lequel aucun reproche n’a pu être fait, c’est qu’il n’a toujours reçu aucune explication. « Comment avouer l’inavouable ? », explique-t-il, puisque maintenant pour lui ça ne fait aucun doute : « c’est mon activité au sein du Resfim (réseau éducation sans frontière île de Mayotte, ndlr) qui me vaut cette mesure discriminatoire ».


  • Requête de Michel Rhin en référé suspension contre la décision prise par le ministère de l’éducation, 9 mai 2012
  • Mémoire en réponse du ministère de l’éducation, 16 mai 2012
  • Audience du tribunal administratif prévue le 23 mai
  • Avis du Défenseur des Droits prévu le 26 mai