Discours de François Hollande au sommet de la Commission de l’océan Indien

Voyage présidentiel dans l’océan Indien - 22-23 août 2014
samedi 23 août 2014

Voir aussi, sur le site de l’Élysée, l’agenda de ce voyage dans l’océan Indien avec des vidéos et les textes des discours prononcés lors des étapes


Ce discours peut être retrouvé et écouté sur le site de l’Elysée

Moroni (Comores), Samedi 23 août 2014

Monsieur le Président de l’Union des Comores,
Monsieur le Président des Seychelles,
Monsieur le Président de Madagascar,
Monsieur le Premier ministre de Maurice,
Monsieur le Secrétaire général de notre Organisation
Mesdames, Messieurs les ministres,
Mesdames, Messieurs qui représentez les autorités comoriennes,

Je veux d’abord introduire mon propos par une gratitude. J’ai été très sensible à votre compréhension, Messieurs les chefs d’Etat et de Gouvernement, et à votre compassion à la suite de l’accident tragique de cet avion d’Air Algérie qui transportait, non seulement des compatriotes Français, mais d’autres, de Ouagadougou à Alger, et qui a justifié que je demande le report de notre Sommet.
Vous avez bien voulu l’accepter. Non seulement, vous avez pu permettre l’organisation de ce Sommet à la fin du mois d’août, mais vous avez tous confirmé votre présence. Car je tenais comme, Président de la République française, à être moi-même, ici, aux Comores.
Je veux remercier le Président DHOININE et la population comorienne pour l’accueil qui m’a été réservé, tout au long du parcours, entre l’aéroport et le lieu de cette conférence. J’ai vu des drapeaux français s’agiter, j’ai vu des mains s’ouvrir, j’ai vu des yeux de Comoriens qui savaient quels étaient les liens qui nous unissent et qui veulent, aussi, marquer leur esprit d’amitié à l’égard de la France. Je n’oublie pas aussi les Comoriens qui vivent en France et qui participent aussi au développement de leur propre pays, même s’ils sont pour beaucoup binationaux.

Ce qui nous rassemble ici, ce n’est pas simplement l’histoire ou la géographie, c’est la culture, c’est une volonté de développement et de coopération. Ce qui nous unit, c’est un océan, l’Océan Indien, mais c’est aussi une compréhension des enjeux pour la planète.
Notre Organisation a bien travaillé. La Commission de l’Océan indien ne s’était pas retrouvée depuis longtemps, puisque le dernier sommet s’était tenu en 2005. Nous en connaissons les raisons, elles n’ont rien à voir avec le fonctionnement de notre Organisation. La situation à Madagascar, justifiait au nom des valeurs que nous portons – les valeurs de liberté, les valeurs du droit, les valeurs de la démocratie – que nous soyons en attente, que Madagascar fasse enfin le choix qui est attendu d’un grand pays, d’un grand pays ami. C’est le cas aujourd’hui.
Je veux saluer le Président élu, le Président légitime de Madagascar, parce qu’il nous permet aujourd’hui, enfin, de nous rassembler pour l’Océan indien. Qu’il sache bien qu’il peut compter sur le concours de la France, sur l’appui de l’Organisation que nous formons, parce qu’il n’y aura pas de développement de l’Océan indien, sans développement de Madagascar.

Je suis ici aux Comores. Je souhaite retisser les fils d’une histoire commune, dont l’un des faits marquants, rappelé par le Président DHOININE, fut la venue, ici à Moroni, de François MITTERRAND en 1990. Dernière visite d’un Président de la République française ! L’enjeu aujourd’hui, pour reprendre les mots mêmes de François MITTERRAND il y a maintenant près de vingt-cinq ans, c’est de faire tomber les barrières qui nous séparent et de trouver une forme d’unité différente du passé.

Nous avons pu sceller avec le Président de l’Union des Comores, une déclaration lors de sa visite à Paris. Cette déclaration de 2013 nous permet d’envisager des relations apaisées et constructives. Il y a d’abord le développement que nous devons appuyer, nous la France, et pas simplement la France, à l’égard de l’Union des Comores. C’est pourquoi j’ai voulu porter un geste, en venant ici, en annulant la dette des Comores pour que nous puissions contribuer à l’assainissement de la situation budgétaire.
Nous avons aussi, le Président l’a rappelé, des drames. Des drames qui appellent forcement des solutions. Nous devons prévenir l’immigration, parce que nous ne pouvons pas laisser penser que des familles peuvent s’embarquer sur des bateaux de fortune et espérer, en franchissant un bout d’océan, accéder à la prospérité. Nous devons travailler ensemble et il n’y aura pas de lutte contre l’immigration clandestine s’il n’y a pas un combat pour le développement et notamment pour le développement, ici, des Comores. C’est l’esprit que nous avons arrêté avec le Président, de façon à ce que nous puissions prévenir l’immigration et faire en sorte d’engager une politique de développement.

Les liens qui nous unissent, c’est aussi la question de l’économie, de la technologie, de la recherche, de tout ce que nous pouvons tirer de l’Océan indien. C’est l’enjeu même de cette rencontre de la Commission de l’Océan indien. Nous avons en partage un bout de l’humanité qui s’appelle l’Océan indien. Nous avons une volonté, le développement, la coopération. Nous avons des projets. Des projets autour de la connectivité c’est-à-dire, en fait, des échanges, des transports, des flux que nous devons faciliter.
Nous avons cette chance, c’est d’être sur une partie du monde qui va connaître une croissance très forte dans les prochaines années. Est-ce que nous en subissons les effets ? Ou est-ce que nous essayons d’en saisir les opportunités. C’est l’enjeu de l’Organisation que nous avons décidée, il y a bien longtemps, de former.
A l’époque, il y avait ce que l’on appelait déjà la mondialisation. Elle a pris un tour nouveau. Il y a aujourd’hui beaucoup plus de trafic, beaucoup plus de transport, beaucoup plus de développement. Et puis, nous découvrons aussi ce que la mer peut offrir comme ressource.

Je ne parle pas simplement du tourisme, qui est néanmoins un levier de développement ; je ne parle pas simplement de la pêche ; je parle aussi des ressources naturelles que nous pouvons puiser dans la mer et dans l’Océan indien.
Il y a beaucoup d’espoir sur des gisements que nous pouvons exploiter. Il y a aussi beaucoup de technologies nouvelles que nous pouvons valoriser, utiliser, pour tirer de la mer des richesses nouvelles sans mettre en cause l’environnement.
C’est cette volonté là que nous devons porter, pas simplement dans les paroles, mais dans les actes.

D’abord, l’Océan indien est menacé par le changement climatique. Cela a très bien été dit par M. le Premier ministre de Maurice, parce que la montée des eaux n’est pas une menace virtuelle, n’est pas une hypothèse, c’est une réalité. Faut-il encore lancer de nouveaux cris d’alarme ! Tant avant moi en ont prononcés...
Mais là, maintenant, il n’est plus temps. Nous devons engager, à travers la Conférence qui va se tenir à Paris sur le climat, une grande mobilisation. D’abord ici, dans l’Océan indien. Saisissons cette opportunité pour mettre en évidence que le réchauffement climatique peut avoir, pour des territoires, une conséquence ultime, c’est-à-dire leur disparition. Cela peut mettre en cause des Etats insulaires. Il est vrai que la formule utilisée par son Ambassadeur pour la planète, Nicolas HULOT, est la bonne. L’humanité est aussi une ile qui doit se protéger, parce qu’elle peut être également atteinte. Toute l’humanité…
Nous devons faire aussi en sorte de mettre en cause la responsabilité des principaux pays émetteurs de gaz à effet de serre. Nous devons obtenir à la fin de l’année 2015, lors de cette conférence de Paris, un accord. Un accord équilibré, qui demandera plus aux pays qui polluent le plus et qui demandera moins aux pays qui veulent assurer leur développement. Mais aujourd’hui, les victimes, ce sont les pays les plus pauvres et les responsables, ce sont les pays les plus riches. Alors, nous devons mettre en cause cette inégalité supplémentaire.

Ce qui nous menace également et nous devons regarder aussi ce défi en face, c’est l’insécurité sur les mers et la lutte contre la piraterie ; et l’insécurité aussi sur nos propres terres. Sans sécurité, il n’est pas possible de valoriser le formidable potentiel des ressources de l’Océan indien. Là aussi, nous menons des actions, nous avons commencé à les faire, pour lutter contre la piraterie, contre la pêche illégale, contre le pillage des ressources, contre les filières mafieuses de trafics de marchandises ou d’êtres humains, y compris ces filières d’immigration.
C’est pourquoi je me réjouis de la mise en place prochaine d’un centre qui fusionnera les renseignements en matière de sécurité maritime. La France y prendra toute sa place et nos forces armées de la zone sud de l’Océan indien seront là pour lutter contre tous les fléaux qui menacent notre Océan indien.
Au-delà des menaces, il y a ce que nous pouvons espérer de l’Océan indien. C’est ce que l’on appelle « l’économie bleue ». Grâce à la COI, nous pouvons mieux valoriser les ressources maritimes. Là encore, la France est à vos côtés, prête à discuter avec tous, parce que je pense que nous avons besoin de dialogue, de négociation, de coopération pour agir en matière de pêche, de tourisme, d’énergie renouvelable, d’exploitation des hydrocarbures pour porter des projets conjoints. Je pense que nous devons donner une traduction à notre Sommet, il doit y avoir des projets concrets pour l’exploitation des ressources maritimes.
La France mettra en œuvre tous les moyens de l’Agence française de développement, tout son soutien à la politique de coopération pour que nous puissions investir davantage ensemble pour l’Océan indien.

Je voulais donc vous adresser un message simple : nous avons l’Océan indien en partage, c’est une responsabilité. Nous avons cette capacité de pourvoir valoriser au mieux cette ressource qui est votre environnement, qui est notre patrimoine. Nous avons beaucoup à faire ensemble.
Ce sommet doit maintenant ouvrir d’autres étapes et d’autres échéances. Nous pouvons maintenant nous réunir plus fréquemment, faire en sorte que les forces vives de nos pays respectifs, les acteurs économiques se voient aussi pour en délibérer. Nous devons également faire en sorte que les acteurs politiques de nos différents pays se retrouvent. Je suis venu avec des parlementaires de toute la France et de l’Outre-mer, pour partager justement cette préoccupation.

Enfin, j’évoquais la langue. Je participe à de nombreux sommets, mais ceux que j’apprécie le plus, ce sont les sommets où l’on parle français. Ce que j’apprécie le moins, c’est quand les Français parlent une autre langue que la leur – cela peut arriver – parce que ce que nous avons en bien commun la langue française. Je le dit souvent, la langue française n’appartient pas à la France.
La France a fait don de sa langue à l’humanité. Cette langue porte de la culture. En apprenant le français, on apprend la littérature, on apprend aussi à mieux connaître la science, la philosophie… En apprenant le français, et en le parlant, vous contribuez à la diversité, à a pluralité du monde. En parlant le français, nous diffusons un esprit, une mentalité, une conviction que la dignité humaine, la liberté et l’égalité peuvent être partagées.
François MITTERRAND avait des ressources liées à l’histoire. Il rappelait qu’aux Comores étaient venus les jacobins qui avaient été chassés après quelques tumultes durant la Révolution française. Il rappelait également que c’était aux Comores que s’étaient réfugiés ceux qui avaient été repoussés par Napoléon. Vous êtes une terre de liberté.
L’Océan indien, c’est un esprit de liberté. Il était bon que le Premier ministre de Maurice dise combien il était attaché à la francophonie. Pas simplement parce qu’il y a un candidat pour l’Organisation, mais parce que la francophonie, c’est notre patrimoine commun. Et l’Océan indien doit être un espace de francophonie. Ce n’est pas l’influence de la France, c’est l’influence de la culture que vous avez aussi choisi de partager avec nous.

Mesdames et Messieurs, Messieurs les chefs d’Etat et de Gouvernement, faisons en sorte de faire de l’Océan indien une terre de développement, de culture, de prospérité.

Vive la Commission de l’Océan indien !