Document de circulation pour étranger mineur (DCEM) : circulation réduite pour les jeunes résidant à Mayotte

Modifications prévues par le projet de loi immigration et asile du 21 février 2018
vendredi 2 mars 2018

L’article 24 du projet de loi supprime l’ancien titre d’intégration républicaine (TIR). Le DCEM devient le seul document de circulation qui dispense de visa un étranger mineur (qui n’en est pas dispensé en raison de sa nationalité) lorsqu’il revient en France après un séjour ailleurs.
Dans le Ceseda actuel, ce dispositif n’était dérogatoire dans aucun des DOM. Il sera, si ce projet de loi est adopté, considérablement restreint à Mayotte
.

D’une part, la validité de ce nouveau DCEM délivré à Mayotte est restreinte au retour à Mayotte comme l’étaient déjà la plupart des titres de séjour selon l’art. L.832-2 du Ceseda. Son titulaire présent à Mayotte ne peut se rendre en métropole ou à la Réunion que si la préfecture lui délivre un visa.
D’autre part, deux catégories essentielles de délivrance du DCEM sont délivrées sous des conditions très restrictives.

Art. L. 321-3 modifié par le projet de loi. - Le titulaire du document de circulation pour étranger mineur peut être réadmis en France, en dispense de visa, sur présentation de ce titre accompagné d’un document de voyage en cours de validité.
Le document de circulation pour étranger mineur délivré par le préfet de Mayotte, ne permet la réadmission de son titulaire, en dispense de visa, qu’à Mayotte, sur présentation de ce titre accompagné d’un document de voyage en cours de validité. Le mineur ressortissant de pays tiers figurant sur la liste, annexée au règlement (CE) no 539/2001 du conseil du 15 mars 2001 des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l’obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des États membres, qui réside à Mayotte et qui souhaite se rendre dans un autre département doit obtenir un visa. Ce visa est délivré dans les conditions prévues à l’article L. 832‑2.

Art. L. 321-4. - Un document de circulation pour étranger mineur est délivré de plein droit à l’étranger mineur, résidant en France :

1° Dont au moins l’un des parents est titulaire d’une carte de séjour temporaire, d’une carte de séjour pluriannuelle ou d’une carte de résident, ou, à Mayotte, au mineur né sur le territoire français, dont au moins l’un des parents est titulaire d’une carte de séjour temporaire, d’une carte de séjour pluriannuelle ou d’une carte de résident ;

2° Qui est un l’enfant étranger d’un ressortissant français ou un descendant direct d’un ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne, d’un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse satisfaisant aux conditions énoncées aux 1° ou 2° de l’article L. 121-1 ou qui est l’enfant à charge d’un ressortissant d’un de ces mêmes Etats satisfaisant aux conditions énoncées au 3° de l’article L. 121-1 ;

3° Qui est un descendant direct à charge du conjoint d’un ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne, d’un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse satisfaisant aux conditions énoncées aux 1° ou 2° de l’article L. 121-1 ;

4° Dont au moins l’un des parents a acquis la nationalité française ;

5° Qui relève, en dehors de la condition de majorité, des prévisions du 2° bis de l’article L. 313-11 ;

6° Qui s’est vu reconnaitre la qualité de réfugié ou s’est vu accorder le bénéfice de la protection subsidiaire ;

7° Qui est entré en France sous couvert d’un visa d’une durée supérieure à trois mois en qualité d’enfant de Français ou d’adopté ;

8° Qui est entré en France avant l’âge de treize ans sous couvert d’un visa d’une durée supérieure à trois mois délivré en qualité de visiteur et qui justifie avoir résidé habituellement en France depuis ;

9° Qui, né à l’étranger, est entré à Mayotte, hors regroupement familial, avant l’âge de treize ans sous couvert des documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur et dont au moins l’un des parents est titulaire d’une carte de séjour temporaire, d’une carte de séjour pluriannuelle ou d’une carte de résident.

Le document de circulation pour étranger mineur est délivré dans des conditions fixées par décret.


Commentaires

A. Conseil d’État, Assemblée générale, 15 février 2018, n° 394206, avis sur le projet de loi immigration-asile du 21 février 2018

63. L’unification des titres de circulation délivrés aux mineurs étrangers n’est pas une mesure de simplification mais de renforcement des restrictions apportées à leur circulation. Ces restrictions portent notamment (nouvel article L. 321-3) sur les mineurs étrangers admis au séjour à Mayotte. Bien que gouverné par le principe d’identité législative, il a été admis que dans ce département pouvaient continuer à s’appliquer des dispositions antérieures à la départementalisation alors même qu’elles excédaient les limites de l’adaptation que permet la Constitution.

L’extension aux mineurs du régime dérogatoire de visa intérieur, interdisant aux
personnes majeures, admises au séjour à Mayotte, de pénétrer dans d’autres départements français sans visa excède tout autant les limites de l’adaptation nécessaire. Le Conseil d’État regarde cependant comme possible, au regard des exigences constitutionnelles, l’alignement du régime des mineurs sur celui des majeurs : d’une part leur disharmonie actuelle conduit à des contournements de la législation en utilisant le possible séjour des mineurs sur le territoire métropolitain pour faciliter l’entrée des majeurs les rejoignant ; d’autre part, l’intérêt des enfants,
que l’article 1 du pacte de New York impose de privilégier, n’est pas de servir de prétexte à de pareils contournements, mais, conformément aux valeurs constitutionnelles, de séjourner auprès de leur famille.

B. Extraits de l’étude d’impact

  • Diagnostic (2.A, p.194)

Compte tenu de l’augmentation importante du nombre de documents délivrés depuis 2014 à Mayotte, du contexte de fraude documentaire et de la nécessité de maîtriser les flux migratoires prégnants dans ce département, il est indispensable d’élaborer une législation spécifique. En effet, le TIR et le DCEM permettent aux mineurs de quitter le département de Mayotte et d’entrer dans l’espace Schengen sans aucune autre formalité à la différence des ressortissants étrangers adultes, titulaires de certains titres de séjour n’autorisant le séjour qu’à Mayotte (cf. article L. 832-2 du CESEDA), sauf délivrance d’un visa par le préfet de Mayotte.

Premiers titres de séjour, TIR ou DCEM à Mayotte

Année 2012 2013 2014 2015 2016 2017
TS 1903 3601 4148 5988 2594 2914
TIR 441 595 711 770 1 155 1 137
DCEM --- --- 1 643 2 704 2 109 1 874

Source : AGDREF, *2017 : données provisoires

  • Limiter et sécuriser la délivrance des DCEM à Mayotte (2.2.2, p.197

Dans un contexte de fraude documentaire important (cf. rapport annuel de 2016 de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales) et afin de limiter la délivrance du DCEM qui permet de pénétrer dans l’espace Schengen, il est nécessaire de prévoir une réglementation spécifique pour ce département soumis à une forte pression migratoire.

  • Impacts outre-mer (2.4.2, p.199

Une adaptation est prévue pour Mayotte.

Les dispositions des 2°, 3°, 4°, 5°, 6°, 7° et 8° de l’article L. 321-4 du CESEDA seraient applicables à Mayotte.
Un DCEM pourra être délivré au mineur né en France dont l’un des parents est titulaire d’un titre de séjour (1° de l’article L. 321-4 du CESEDA).
S’agissant du mineur né à l’étranger, compte tenu du flux important de mineurs
étrangers entrés à Mayotte de manière irrégulière et dans des conditions parfois de mise en danger, pour se voir délivrer un DCEM, il doit être entré à Mayotte avant l’âge de 13 ans, sous couvert d’un visa lorsqu’il est requis et l’un de ses parents doit être titulaire d’un titre de séjour (9° de l’article L. 321-4 du CESEDA).

La présentation d’un passeport revêtu d’un visa vise à permettre la diminution des cas de fraude par la présentation de documents d’état civil étrangers dont l’authenticité est difficilement vérifiable par les services préfectoraux lorsque l’enfant est né à l’étranger.
La condition d’âge de l’entrée en France fixée à 13 ans est cohérente avec une admission au séjour à la majorité de l’intéressé, qui justifierait au minimum de 5 années de présence en France.
Par ailleurs, il est prévu que le DCEM délivré par le préfet de Mayotte ne permette la réadmission qu’à Mayotte (1° de l’article L. 321-4 du CESEDA) de la même manière qu’en application de l’article L. 832-2 du CESEDA, certains titres de séjour n’autorisent le séjour qu’à Mayotte.