Un référendum contestable en Crimée comme, neuf ans plus tôt, à Mayotte

mardi 18 mars 2014

Déclarations officielles

  • François Hollande
    18 mars 2014
    « Le Président de la Fédération de Russie a signé aujourd’hui un traité qui intègre la Crimée à la Russie. Cet acte intervient après la tenue d’un référendum illégal en Crimée, au regard du droit ukrainien comme du droit international.
    Je condamne cette décision. La France ne reconnaît ni les résultats du référendum tenu en Crimée le 16 mars dernier, ni le rattachement de cette région d’Ukraine à la Russie.
     »
  • Laurent Fabius, ministre français des affaires étrangères
    6 mars 2014 à Rome
    « Si vous admettez le principe qu’une région, n’importe laquelle, dans un pays, en contradiction avec les règles constitutionnelles de ce pays, peut décider de se rattacher à un autre pays, surtout si cet autre pays l’a encouragée à le faire, cela veut dire qu’il n’y a plus de paix internationale et de frontières assurées, donc il faut être très vigilant là-dessus. Imaginez ce que cela pourrait vouloir dire en Europe. Telle région, en contradiction avec les règles constitutionnelles et ce que souhaite son gouvernement, déciderait de changer de pays ? Imaginez ce que cela pourrait vouloir dire en Afrique, au Proche et Moyen-Orient, (...) ».
    « En droit international, on ne peut pas faire un référendum pour modifier des frontières. Imaginez un département de France qui demande son indépendance ! Et si cela se généralisait à d’autres États... Après, tout dépend de la question qui va être posée. S’il s’agit d’aller vers davantage de décentralisation, d’accord. Mais si, en revanche, c’est une manière de changer les frontières, cela pose problème. »
  • Sergueï Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères
    Interrogé à propos du prochain référendum en Crimée susceptible de déclencher des sanctions à l’encontre de la Russie, il a exprimé l’espoir que les partenaires occidentaux « comprendront qu’il s’agit en effet d’un cas qui ne peut pas être considéré isolément hors du contexte historique ». «  S’il y a des précédents ou non en droit international - et il y en a d’ailleurs - tous comprennent ce que la Crimée représente pour la Russie. La Crimée représente pour la Russie beaucoup plus que les Comores pour la France ou les Malouines pour la Grande-Bretagne ».
    Source : La voix de la Russie, 14 mars 2014

Commentaires

  • Quand Mayotte sert de jurisprudence à la Crimée
    par Anne Perzo-Lafond, [Journal de Mayotte, 9 mars 2014-

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Extrait : Une voie sans issue
En effet, dans le cadre de la décolonisation des Comores, un référendum avait été organisé à la suite d’un protocole d’accord signé entre les Comores et la France. Le 22 décembre 1974, il ressortait du vote une forte majorité pour l’indépendance, sauf si l’on isole les votes de l’île de Mayotte. C’est ce qui fut fait au nom des peuples à disposer d’eux-mêmes, et sans tenir compte de l’intangibilité des frontières issues de la décolonisation que préconisait pourtant l’ONU.
Mayotte, bien que département, n’est d’ailleurs toujours pas officiellement reconnue comme française, et les Comores revendiquent périodiquement leur souveraineté sur cette île.

Pour reproduire à l’identique le schéma ci-dessus, et la France ayant créé un précédent avec Mayotte, le référendum devrait être organisé à l’issue d’un accord Russo-Ukrainien. Difficile, la demande de la Crimée étant une conséquence du mouvement contestataire ukrainien qui sévit depuis l’année dernière. La Russie désire garder le contrôle de la péninsule ukrainienne, qui lui permet d’accéder au-delà de la mer Noire au bassin méditerranéen et au Proche et Moyen-Orient… une décision géostratégique donc, à l’image de la France à Mayotte.

Quelle issue, étant donné que le droit des peuples à disposer d’eux mêmes ne peut pas concerner la Crimée, car pensé pour le droit à l’indépendance des peuples coloniaux ? De plus, comme l’explique le professeur Pierre Bodeau-Livinec, professeur de droit public et spécialiste de droit international, interviewé sur francetvinfo.fr, « la république autonome de Crimée exerce depuis longtemps son droit à l’autodétermination, car elle a ses propres instances de gouvernement. Un référendum sur l’indépendance ne pourrait être justifié que si un peuple était clairement opprimé par l’Etat et que la séparation était la seule solution ».

Un référendum dont le résultat ne serait par reconnu par l’ONU, pas plus que l’indépendance qui en résulterait, ni plus son rattachement éventuel à la Russie… un air connu des Mahorais.