En Méditerranée comme dans l’archipel des Comores, les barrages autour de l’Europe ou de Mayotte tuent

mercredi 9 octobre 2013

Mayotte - Lampedusa : des drames similaires

Par Léia Santacroce
Outre-mer 1ère, 9 octobre 2013

Le drame récent de Lampedusa a marqué les esprits. À ce jour, 289 corps ont été récupérés pour 155 personnes sauvées. Une situation qui n’est pas étrangère aux Mahorais. En matière de tragédies migratoires, Mayotte est un modèle réduit de ce qui se passe en Europe.

"A Mayotte comme à Lampedusa, régulièrement, des migrants morts s’échouent sur les plages", rappelle Marie Duflo, secrétaire générale du Gisti. "Parmi les victimes, on trouve des bébés et des femmes, tout comme on en Méditerranée", explique-t-elle. Sur le web ce mardi, le Journal de Mayotte fait d’ailleurs la comparaison entre les deux situations, regrettant que le cas de Mayotte n’attire pas plus l’attention des médias.
Même constat pour Noël Mamère. Dans un post publié sur son blog de Rue89, l’ancien député d’EELV fait le parallèle entre Lampedusa et Mayotte. Maïté Koda d’Outre-mer 1ère l’a rencontré à l’Assemblée nationale ce mardi. Noël Mamère a rappelé son indignation quant à la politique migratoire de la France à Mayotte.

La question des chiffres
En Méditerranée comme dans l’Océan Indien, impossible d’avoir des chiffres exacts concernant le nombre de morts. Cette question des chiffres est d’autant plus délicate qu’on ne peut pas comptabiliser les disparus en mer. Pour se faire une idée, un rapport sénatorial paru en 2012 parle de 7 000 à 10 000 morts à Mayotte depuis 1995. Soit un an après la mise en place du dit "visa Balladur", du nom du Premier ministre. Lequel visa a pour but de restreindre la circulation des personnes entre Mayotte et les autres îles des Comores.

Cette estimation sénatoriale a d’ailleurs été reprise par le président Comorien Ikililou Dhoinine lors de sa dernière intervention à l’Assemblée générale des Nations Unies, le 25 septembre 2013. Dans son discours à la tribune, il a vivement dénoncé le visa Balladur : "cela fait du bras de mer séparant Mayotte des autres îles le plus grand cimetière marin du monde".
Sans rentrer dans les comparaisons macabres, Olivier Blanchard, le président de l’association Migreurop, estime à 17 000 le nombre de victimes lors des traversées clandestines en Méditerranée depuis 1995.

Mayotte, modèle réduit de l’Union européenne
Pour Marie Duflo, secrétaire du Gisti, il est plus pertinent de comparer Mayotte à l’ensemble de l’Union européenne plutôt qu’à la seule île de Lampedusa. Pour rappel, c’est précisément cette comparaison que faisait Marine Le Pen en 2011 :
Pour Marie Duflo, "la politique française à l’égard des frontières mahoraises ressemble à ce que fait l’ensemble de l’Europe avec Frontex [agence européenne qui vise à coordonner la surveillance des frontières de l’Union]. Avec ses radars autour de l’île et ses flottilles de gendarmes qui visent à la barricader, Mayotte se comporte comme l’Union européenne, mais à plus petite échelle."


Lampedusa : construite pour la paix, l’Europe fait la guerre aux pauvres

7 octobre 2013
par Noël Mamère, blog de Rue 89

Extrait
Pendant que nous assistons à l’insoutenable sur nos écrans de télévision, un même crime se répète chaque jour aux Comores, dans le silence le plus abject.
La France de Hollande, barricadée à Mayotte, bafoue le droit international en continuant d’appliquer dans toute sa dureté les règles découlant du « visa Balladur ». Depuis 1994, plus de 8 000 morts ont ainsi été dénombrés dans le bras de mer de 70 km de large qui sépare l’île d’Anjouan de Mayotte.


De Mayotte à Lampedusa : Les drames de l’Europe forteresse


11 octobre 2013, Blog de Médiapart,
par Jean-Jacob BICEP, eurodéputé écologiste

Alors que le bilan des morts s’élève aujourd’hui à près de 300 personnes, la tragédie de Lampedusa symbolise un énième drame qui appelle l’Union européenne à trouver une solution commune et pérenne sur les questions d’immigration de masse. Égoïsme national, politiques sécuritaires exacerbées, les écologistes dénoncent une responsabilité collective dans cet épisode noir.

Hors plus que des discours débordants de compassion, ce sont des actes forts et humains que les citoyens européens attendent. Croire que les événements de Lampedusa ne concernent que l’Italie serait une grossière erreur. De fait depuis une vingtaine d’années on estime à près de 20 000 mille, le nombre de personnes qui auraient péri en tentant de rejoindre notre continent.

Le drame de Lampedusa, un électrochoc pour qui ?

Il y a quelques jours, le Parlement européen a approuvé le système de surveillance des frontières extérieures, Eurosur, et le groupe des Verts européen a soulevé la question des missions de sauvetage en mer. Alors que les sauveteurs italiens étaient encore à la recherche de nouvelles victimes, les grands groupes (PPE, S&D et ALDE) ont une fois de plus refusé l’amendement déposé en ce sens, dénuant le texte de toute éventuelle solidarité en cas d’accidents lors de la traversée.

À l’antipode de l’émotion soulevée par cette tragédie humaine, le Conseil des ministres de l’intérieur de l’Union européenne vient lui aussi de décider le renforcement de la lutte contre « la criminalité et l’immigration illégale » en faisant appel à Frontex [1]

Frontex a permis à l’espace Schengen une externalisation de sa politique d’immigration. Les États membres ont passé des accords afin d’endiguer l’immigration clandestine à priori. Au nom de la « synergie entre les migrations et le développement », Frontex place les pays d’où viennent et par où passent les migrants, en route vers l’Union, en position de gardes-frontières obligés. L’externalisation du contrôle des frontières constitue la trame du « partenariat global avec les pays d’origine et de transit » consacrée par le Pacte européen sur l’asile et l’immigration, conclu entre les Vingt-Sept en 2008, à l’initiative de la France, qui exerçait alors la présidence de l’Union et avait fait de la lutte contre l’«  immigration subie » son cheval de bataille.

Si la création de l’Agence peut être défendue comme la concrétisation pratique de la solidarité qui unie en principe les États membres entre eux, il semblerait plutôt que ce ne soit pas la garantie d’une solidarité avec les migrants, ni entre les États membres. D’ailleurs, les immigrants sont avant tout considérés comme immigrants clandestins. En outre, les agents de Frontex sont uniquement habilités à intercepter et « raccompagner » les immigrants. Aujourd’hui, ces agents ne disposent d’aucune habilitation pour chercher à savoir si les personnes qu’ils interceptent sont des demandeurs d’asile potentiels ou non. Si cela ne constitue pas au déni du droit d’asile en tant que tel, cela contribue à relativiser son effectivité.

La politique européenne ne changera donc pas, un migrant sauvé sera avant tout un migrant refoulé.

La France est elle aussi au centre de ces flux migratoires. En 2002, un premier rapport du Sénat avait estimé à « 4000 le nombre de morts dus à des naufrages de kwassas-kwassas [2] de 1997 à 2001 dans la traversée des îles comoriennes à Mayotte. La Guyane connaît elle aussi des flux de migrants importants avec le Surinam ou le Brésil. Nos régions d’Outre-Mer subissent souvent de plein fouet des flux importants de migrants où les moyens humains comme financiers manquent cruellement.

Si l’on veut garantir une gestion humaine des migrations, il va falloir s’en donner les moyens.

Dans ce cadre complexe, il est primordial de mettre en œuvre un revirement radical dans la philosophie d’accueil et de gestions des migrants, légaux ou non. La protection des droits fondamentaux est l’essence même de nos États de droit. Ces droits sont inhérents à toute personne humaine. Membre de la sous-Commission des Droits de l’homme, je me bats, avec mes collègues écologistes au sein du Parlement européen et au-delà, pour garantir une Europe où les droits des migrants, qu’ils soient réguliers ou irréguliers, soient toujours respectés. [...]


Mayotte-Lampedusa : même combat pour une solution

8 octobre 2013
Le Journal de Mayotte, téléchargeable gratuitement -
http://lejournaldemayotte.com/


De Lampedusa à Mayotte : la honte

6 octobre 2013, blog de Wongo

Lors de son discours prononcé le 6 juillet 2013 à l’occasion de la célébration du 38eme anniversaire de l’indépendance des Comores, le Président de l’Union des Comores, Dr Ikililou Dhoinine, a fustigé l’attitude de la France dans la gestion des drames maritimes au large de Mayotte qui endeuille 2013->724]nt les familles comoriennes. « Il y a pratiquement dans chaque famille comorienne quotidiennement, un membre qui périt en mer, parce que désirant se rendre à Mayotte pour échapper à la crise économique qui étrangle le reste de l’archipel depuis la déclaration de l’indépendance » a-t-il déclaré. Le constat est amer, désobligeant et provocateur ! Nous n’en sommes pas fiers a-t-il affirmé. , c’est certain ! Par conséquent, nous sommes contraints de réagir pour stopper l’escalade, pour apporter des réponses ne serait-ce qu’aux drames humains qui se produisent sous nos yeux, sinon nous n’aurons jamais la conscience tranquille a-t-il ajouté. Non, nous ne pouvons plus continuer à assister indifférents face à ces nombreuses familles comoriennes des quatre îles qui, quotidiennement, font et refont le deuil pour la disparition d’un proche, homme, femme et enfant ! a encore déclaré le Chef de l’Etat qui a consacré son discours du 6 juillet à ce différend territorial qui oppose les Comores à la France.
[...] (Citations du discours prononcé à la 68eme Assemblée Générale des Nations Unis le 25 septembre, le président de l’Union des Comores)

Ce qui s’est passé à Lampedusa ouvrira-t-il enfin les yeux des dirigeants et élus français sur la nécessité de mettre fin `ces drames à répétition qui se déroulent aussi dans l’indifférence, dans l’ Océan Indien au large de Mayotte ? C’est une honte de demeurer impassibles à ces drames qui ont transformé le bras de mer qui sépare Anjouan et Mayotte, en un grand cimetière marin du monde.


[1Agence européenne pour la gestion de la coopération aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne

[2Canot de pêche de fortune, à fond plat et motorisé, signifiant « ça tangue, ça tangue »