Etat civil haïtien - exigences excessives de la préfecture de Cayenne

Documents, commentaires de Mom et un blog de Médiapart
mercredi 25 mai 2011

Voir

  • les documents exigés pour le dépôt d’une première demande de titre de séjour par un jeune majeur.

Un droit à une carte de séjour "vie privée et familiale" conditionné par deux documents d’état civil


Lettre du 14 juillet 2009

La délivrance d’une carte de séjour "vie privée et familiale" est annoncée sous réserve de présenter :

  • un acte de naissance délivré par les archives nationale d’Haïti et établi après le 1er février 2008 ;
  • la copie de la première déclaration faite dès la naissance.
Préfecture de Cayenne - 14 juillet 2009

Commentaires

Si la légalisation des actes d’état civil haïtiens est prévue par les Instructions relatives à l’état civil (Igrec) ces exigences apparaissent comme un barrage excessif et souvent infranchissable pour un Haïtien, alors même que son droit au séjour est reconnu.

Le premier document peut constituer une légalisation. Mais, le consul d’Haïti à Cayenne peut aussi légaliser l’acte de naissance [1] ce qui est plus rapide et moins couteux. L’établissement postérieur au 1er février peut en outre requérir une seconde délivrance d’un acte déjà obtenu, donc le doublement de ses couts.
Quant au second document, aucun texte ne le prévoit et il est, en Haïti, souvent impossible à produire. Pur instrument de dissuasion des candidats à la régularisation.


Comment la Guyane ferme ses portes aux Haïtiens


Mathieu Carbasse, blog de Médiapart, 25 mai 2011

En exigeant d’eux qu’ils apportent une double preuve de leur état civil, la préfecture de Cayenne limite l’attribution de cartes de séjour aux ressortissants haïtiens. Quitte à user de méthodes quelque peu discriminatoires.

Quinze à l’oral. Douze à l’écrit. Si les notes qu’elle a obtenues à l’examen de français du baccalauréat pourraient rendre jaloux bon nombre de lycéens, Charlotte [2], elle, refuse de se laisser griser. Aujourd’hui en classe de terminale STG à Kourou, elle met son futur entre parenthèses, "pour ne pas tomber de haut, pour ne pas voir (ses) derniers rêves s’envoler". Des rêves qui sont ceux d’une jeune fille de 19 ans, arrivée en Guyane en provenance d’Haïti il y a 7 ans, dans l’espoir d’un avenir qui lui sourirait enfin. Des rêves qui sont ceux d’une jeune fille prise en charge depuis plusieurs années par l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) et qui se bat pour obtenir un titre de séjour. "J’ai mis des mois pour réunir tous les documents exigés, et sur les trois dossiers que j’ai déposés à la préfecture, les deux premiers ont été -soi-disant- perdus et aucun récépissé ne m’a été délivré pour le troisième. J’ai donc déposé un recours au tribunal administratif pour, au moins, avoir une réponse à ma demande, confie-t-elle, non sans dissimuler la peur qui l’habite d’être expulsée. Je ne sais pas encore combien de temps tout cela va durer mais j’espère que, cette fois, ça va marcher". L’histoire de Charlotte n’est malheureusement pas un cas isolé dans ce département français d’Amérique du Sud, qui refuse de tendre la main à la population haïtienne.

Faisant fi du grand désarroi qui touche les habitants de cette ancienne colonie française, la préfecture de Guyane use en effet de pratiques pour le moins surprenantes envers les ressortissants haïtiens souhaitant être régularisés. De façon abusive, elle leur demande de fournir un acte de naissance délivré par les archives nationales d’Haïti ainsi que l’extrait d’archives correspondant à cet acte... un document bien difficile à obtenir depuis le séisme du 12 janvier dernier. Mais le plus grave, c’est que les Haïtiens sont les seuls ressortissants étrangers à devoir apporter ces extraits d’archives sous peine de voir leur dossier automatiquement rejeté. Interrogée, la préfecture de Guyane par la voix de Didier Cahu, directeur-adjoint en charge de la règlementation, de la citoyenneté et de l’immigration confirme "le traitement de faveur" réservé aux seuls ressortissants haïtiens : "On leur demande l’extrait d’archives car ils s’appellent tous de la même manière, ils ont souvent le même nom. C’est pour mieux lutter contre l’homonymie".

Par le biais de fonctionnaires zélés, la préfecture de Guyane endurcit une loi déjà très restrictive, quitte à être régulièrement attaquée pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif. Et fréquemment condamnée. "Nous aimerions nous battre pour faire avancer les lois qui régissent la régularisation des étrangers, explique Marc Grossouvre, correspondant à Cayenne pour le Réseau éducation sans frontières (RESF) qui a déposé 27 dossiers -25 ont été acceptés- devant le tribunal administratif. Mais pour l’instant, nous nous battons juste pour que la préfecture de Guyane applique les lois Sarkozy-Besson-Hortefeux !" [3]


[2Son prénom a été modifié pour préserver son anonymat

[3Les documents demandés au jeune majeur présentés ci-dessus proviennent de ce blog.