Extension de l’Etat d’urgence à l’outre-mer

vendredi 15 janvier 2016

L’état d’urgence prononcé le 14 novembre 2015 ne portait logiquement que sur la métropole.

Il a pourtant été étendu aux cinq DOM ainsi qu’à Saint-Barthélemy et Saint-Martin par un décret du 18 novembre. Puis la loi prolongeant cet état d’urgence pour 3 mois incluait les les mêmes territoires.

Cette modification a été soutenue par la ministre des Outre-mers après une mobilisation de plusieurs élus des DOM.

Nombreuses interventions en ce sens d’élus d’outre-mer

Les sénateurs réunionnais (Les Républicains) Didier Robert, président sortant du conseil régional, et Michel Fontaine ont cette extension compte tenu de "l’extrême gravité de la situation". Dans l’entourage de M. Fontaine, on fait valoir que cette demande est "logique puisque plusieurs cas de radicalisation ont été signalés".
Selon le préfet Dominique Sorain, "un peu moins d’une centaine de cas de radicalisation a été signalée" depuis le début de la procédure de surveillance en avril 2014. En juin, une filière jihadiste avait été démantelée à Saint-Denis de la Réunion.
Nassimah Dindar, présidente centriste du département, estime que l’état d’urgence pourrait être de nature à "rassurer les Réunionnais sur la mise à mal suspectée de notre vivre-ensemble".
Jean-Hugues Ratenon, candidat (DVG) aux régionales, a lui insisté sur les "forts soupçons de présence non démentie de groupes radicalisés dans les pays de la zone, à Maurice et dans l’archipel des Comores".
A Mayotte, voisine des Comores, le président du conseil départemental Soibahadine Ibrahim Ramadani (droite) a demandé à entrer dans le dispositif "en priorité", arguant être le "territoire ultramarin le plus exposé, compte tenu de sa proximité avec l’Afrique Australe (à 400 Km), donc du Kenya et de l’Ethiopie où il y a des poches de piraterie, des terroristes +shebab+".
Pour le sénateur Thani Mohamed Soilihi (PS), "Mayotte n’est pas épargnée des risques d’attentats terroristes (…) et doit être concernée dans les mesures en cours de discussion au parlement pour éviter toute déstabilisation".
Quant à Daniel Zaïdani, ancien président (DVD) du conseil général, il estime que "nos frontières sont grandes ouvertes, n’importe quel terroriste peut entrer avec toutes les armes qu’il souhaite".
En Martinique, le député Jean-Philippe Nilor (MIM, indépendantiste) se demande s’il y a des "éléments objectifs pour considérer que nos peuples sont hors de portée des terroristes ?" Il ne le "croit pas" et demande "donc qu’on prenne les mêmes dispositions".
En Guadeloupe, l’ancien ministre des Outre-mer et candidat aux régionales Victorin Lurel a dénoncé ceux qui "tentent de créer une polémique autour de la soi-disant non application de l’état d’urgence outre-mer". Selon lui, le projet de loi pour étendre l’état d’urgence pour trois mois, débattu jeudi et vendredi au parlement, concernera "tout le territoire national, y compris outre-mer".

[...] Ce que je veux vous exprimer ici, quant à moi, c’est la solidarité de la nation, et notamment de l’outre-mer.
La France est la France parce qu’elle est présente sur tous les continents et sur tous les océans. La France est la France parce qu’elle a diffusé des mots simples et des valeurs fortes à l’humanité tout entière : la liberté, l’égalité et la fraternité.
Monsieur le Premier ministre, parfois l’outre-mer réclame plus de fraternité. Aujourd’hui, cette fraternité c’est nous qui vous l’offrons en vous soutenant dans vos efforts et votre lutte dans cette épreuve qui est la nôtre. En créole, en Martinique, devant des difficultés, nous avons l’habitude de dire « Ce an lanmin ka lavé lotre ». Une main ne peut se laver seule, c’est ensemble que nous vaincrons. C’est unis que nous devons être.

Les motifs de la ministre des Outre-mer

  • Communique de George Pau-Langevin, Ministre des Outre-mer, 18 novembre 2015

Le décret déclarant l’état d’urgence, pris le 14 novembre pour 12 jours, a été pris pour contrer une menace immédiate qui concernait prioritairement l’hexagone.
Au regard des récentes évolutions annoncées par le Président de la République pour répondre à la menace terroriste, le Gouvernement a décidé d’étendre l’état d’urgence à la Guadeloupe, à la Guyane, à la Martinique, à Mayotte, à La Réunion ainsi qu’à Saint-Barthélemy et Saint-Martin.

Cette application se justifie par une nécessité de cohérence et de renforcement du dispositif de sécurité, au moment où l’état d’urgence s’inscrit dans la durée et sera prolongé pour trois mois par une loi soumise au Parlement.

L’état d’urgence accorde des pouvoirs élargis aux autorités civiles (préfets et ministre de l’intérieur) afin de garantir la sécurité publique. Il permet notamment :

> d’interdire la circulation des personnes et d’instituer des zones de protection et de sécurité.
> procéder à des réquisitions de personnes ou de biens.
> d’interdire des réunions ou manifestations.
> d’ordonner des perquisitions à domicile de jour comme de nuit.
> d’assigner à résidence toute personne dont l’activité se révèle dangereuse pour la sécurité et l’ordre publics.
> d’ordonner la remise d’armes et de munitions.

En revanche, au regard des spécificités géographiques des collectivités du Pacifique et de Saint-Pierre-et-Miquelon, le stade de vigilance « Vigipirate renforcé » reste maintenu.

Par ailleurs, les renforcements des moyens destinés aux forces de police, de gendarmerie, des douanes et de la Justice s’appliqueront également dans l’ensemble des Outre-mer.

  • Conférence de presse

George Pau-Langevin justifie l’extension de l’état d’urgence aux Antilles, Guyane et océan Indien, 20 novembre 2015, Blog des informations du 5e DOM, en complément du site Internet de France-Antilles, franceantilles.fr.

EXTRAITS :
George Pau-Langevin a indiqué que parmi les terroristes, était apparu "un homme qui a grandi à la Réunion". Elle parlait de Fabien Clain, ce Toulousain d’origine réunionnaise converti à l’islam, dont la voix a été identifiée dans le message de revendication des attentats du 13 novembre par Daech. "Nous sommes donc totalement impliqués", a déclaré la ministre qui a exclu de cette extension Saint-Pierre et Miquelon et les territoires du Pacifique. Mais au-delà de cela, la ministre estime qu’à partir du moment où l’on s’inscrit dans le moyen terme avec la nécessité d’adopter une loi pour proroger l’état d’urgence pendant trois mois, il faut prendre en compte les Outre-mer.

La ministre a minimisé l’importance des trois syriens interpellés samedi à Juliana (Sint-Maarten) en provenance d’Haïti avec de faux passeports grecs. "Ce ne seront ni les premiers, ni les derniers ; un faux passeport ne fait pas forcément un terroriste." Ceci dit, elle assure que "la vigilance est maximum" et que "la police et les gendarmes font leur travail selon les indices dont ils disposent".

Elle a encore fait un distinguo entre la Caraïbe et l’océan Indien quant au niveau de la menace terroriste. En effet, la plateforme de signalement des individus suspects de radicalisation islamique à la Réunion, a permis de déceler une centaine de cas suspects. A Mayotte, le chiffre n’est pas connu, mais il est moindre qu’à la Réunion d’après le directeur de cabinet de la ministre.

A Mayotte, le préfet va intensifier la surveillance des frontières et les reconduites. "Il ne faut tout de même pas confondre, a relativisé la ministre, les migrants qui arrivent à Mayotte pour des raisons économiques, familiales ou sanitaires et les terroristes."