Deux articles de France-Guyane
Pierre ROSSOVICH, 24 avril 2015
Huit associations jugent le barrage d’Iracoubo illégal
- Plusieurs recours ont été formés contre l’arrêté préfectoral instituant les postes de contrôle de Régina et d’Iracoubo.
C’est par arrêté préfectoral que les barrages d’Iracoubo et de Régina sont établis. Tous les six mois, le préfet signe leur reconduction. Estimant que les deux barrages entravaient la liberté de circuler, d’accès aux soins ou à l’éducation, huit associations [1]] ont déjà formulé plusieurs recours devant le tribunal administratif de Cayenne. Pour l’instant tous rejetés. Une nouvelle requête a été examinée hier matin par le tribunal, demandant cette fois l’annulation de l’arrêté du 31 décembre 2013 « portant réglementation de la circulation sur la RN1 » . Le verdict sera rendu dans une quinzaine de jours.
Pour Lucie Curet, de la Cimade, « le barrage porte notamment atteinte au droit à la santé, puisque tous les centres ne sont pas accessibles de manière égale que ce soit à l’ouest ou à l’est du territoire » . Elle poursuit : « Certaines personnes doivent nécessairement se rendre à l’hôpital de Cayenne pour poursuivre leur traitement. Dans ces cas-là, l’acheminement est compliqué. »
En octobre 2013, Me Dominique Monget-Sarrail, qui représente les associations, s’exprimait ainsi dans nos colonnes. « Des personnes qui n’ont pas de carte de séjour et qui vivent de part et d’autres des barrages ne peuvent passer. Or les démarches pour régulariser leur situation se font à Cayenne. »
Il a été soulevé par la préfecture - et c’est l’argument qui a été retenu par le tribunal de Cayenne - que les associations intervenantes n’avaient pas à réagir sur ce contentieux, leur objet n’étant pas la réglementation de la circulation et/ou leur siège étant situé dans l’Hexagone. « C’est extrêmement grave, car cela sous-entend qu’une association nationale n’aurait pas vocation à agir en justice pour un enjeu local », proteste Lucie Curet. Un point qui sera débattu à la cour administrative d’appel de Bordeaux en mai.
L’UTG va marcher sur le barrage d’Iracoubo
Nous vous en parlions dans notre édition d’aujourd’hui, huit associations dont la Cimade, Aides et Médecins du monde ont formé plusieurs recours contre le barrage d’Iracoubo. Elles ne sont pas les seules. Ainsi, l’Union des Travailleurs Guyanais (UTG) annonce qu’elle prépare également une manifestation contre le poste aux frontières de l’Ouest. Le syndicat appelle la population à se rassembler avec ses membres, le 1er mai prochain, à Iracoubo et à passer le barrage, à pied, sans présenter de papiers d’identité.
Un appel à la désobéissance pour protester contre l’entrave au droit de circulation que constitue le barrage selon l’UTG. « On nous impose une frontière à l’intérieur du pays, déclare la centrale UTG. On veut nous faire croire que le poste de contrôle sert à lutter contre la délinquance et a intercepter les mules : c’est de l’illusion. Ce barrage est une atteinte à notre dignité ! ».
Des bus partiront de la digue ronjon à 6 heures du matin et également de Kourou.
Article paru dans Guyaweb
Marion BRISWALTER, 28 avril 2015
Les barrages routiers dénoncés
- La traditionnelle journée internationale des travailleurs et de leurs combats syndicaux célébrée le 1er mai sera l’occasion pour l’UTG de protester une nouvelle fois contre les barrages routiers d’Iracoubo et de Régina.
Les deux barrages policiers de contrôle d’identité doivent cesser, de l’avis de huit associations et de l’UTG qui expriment une nouvelle fois – avec des arguments distincts – leur désapprobation de la politique sécuritaire installée à Iracoubo et à proximité de Régina.
L’UTG appelle au rassemblement le 1er mai, dans la commune de l’Ouest. Une décision entérinée par le bureau “il y a trois mois” et qui concrétise un “débat que nous avons eu depuis l’année dernière, car nous voulions décentraliser le 1er mai [hors de Cayenne]” évoque le secrétaire général, Albert Darnal.
“Pour nous, les barrages d’Iracoubo et de Régina symbolisent la présence coloniale en Guyane. On veut faire croire que ces barrages empêchent l’insécurité et la délinquance, alors qu’il n’y a aucun chiffres qui nous le prouvent. Pour nous, c’est le sous-développement économique et la mise sous cloche de la Guyane [qui sont à l’origine de ces maux]” estime Darnal, sans apporter non plus de chiffres à l’appui de ses affirmations.
Toute la population est invitée à participer au mouvement et à “faire preuve de désobéissance“, d’ailleurs, des “bus de l’UTG” chemineront dès 6h du matin depuis Cayenne. Les transports seraient affrétés sur “fonds UTG” et avec le “soutien de certains transporteurs“.
La semaine dernière, selon nos confrères de France-Guyane, le tribunal administratif de Cayenne examinait justement une nouvelle demande d’annulation de ces barrages, portée par huit associations : Aides, la Cimade, le Collectif Haïti de France, le Comede, la Fasti, le Gisti, la Ligue des droits de l’Homme et Médecins du Monde. La décision est attendue prochainement.
Pour ces groupements, les barrages routiers, reconduits tous les six mois par le préfet de Guyane, “viol[ent] plusieurs droits fondamentaux protégés par des conventions internationales” et “impactent directement les droits des étrangers en situation administrative précaire et des peuples autochtones dépourvus de preuves de leur identité et/ou leur nationalité française en entravant leur accès à la préfecture, à certains tribunaux, à des formations professionnelles ou universitaires et à plusieurs services hospitaliers et consultations spécialisées.“
“Les professionnels de santé de l’Ouest guyanais constatent notamment, pour ces seuls patients, des retards au diagnostic, des retards de prise en charge voire une absence de prise en charge, des urgences mal traitées ou de manière inadéquate, des ruptures dans la continuité des soins. Les procédures complexes requises, même pour raisons médicales, pour franchir le barrage d’Iracoubo, retardent en effet les examens complémentaires ou dissuadent de les demander” selon la Cimade.
- Soutien pour maintenir les barrages
Dans un courrier parvenu à la rédaction*, le “collectif mille lettres citoyennes contre l’insécurité”, rappelle qu’il est fermement opposé à la suppression des barrages.
C’est d’ailleurs à l’initiative de ce collectif, qu’en 2005, le préfet Mancini prenait la décision de réinstaller les barrages, explique-t-on : “il s’agissait à l’époque de lutter contre les nombreux vols de voitures qui partaient notamment vers le Suriname. Il s’agissait de lutter contre un type d’immigration illégal, celles composés de bandit qui venaient faire leur « marché en Guyane ». Mais aussi de réguler les flux incontrôlés d’immigration clandestine. Il s’agissait enfin de lutter contre l’occupation irrégulière de biens fonciers par des personnes en situation irrégulière“.
“Ces associations n’ont pas compris que le régime législatif et réglementaire concernant la situation sécuritaire en Guyane ne peut pas être celui d’une Région de l’hexagone. Elles se contentent de parler de droit à la santé, sans parler de l’essentiel, qui est la décentralisation des services de l’Etat et des services hospitaliers vers Saint-Georges et vers Saint-Laurent, afin que quelque soit l’endroit ou l’on est dans ce grand territoire il y ait l’égalité d’accès au soin. C’est cela le combat intelligent et productif M. le Président de la Ligue des droits de l’homme, M. le Président de la Cimade, M. le secrétaire Général de l’UTG. Chacun peut comprendre la détresse des personnes qui cherchent une meilleure vie. Mais des conflits sociétaux majeurs que l’on ne pourra pas gérer marqueront notre société, dans un avenir proche, si on écoute ceux qui font preuves d’angélismes et qui ne pensent pas à la paix sociale et à la sécurité en Guyane” estime le collectif.