Quatre émissions de France culture (27 au 30 mai 2013, de 50 à 55 minutes)
http://www.franceculture.fr/emission-sur-les-docks
Production : Nedjma Bouakra
Réalisation : Diphy Mariani
Prise de son : Marcos Darras
Mixage : Manuel Couturier
Voix : John Berrebi
Avec :
Serge Mam Lam Fouck, professeur des universités en histoire contemporaine à l’Université des Antilles et de la Guyane.
Denis Lamaison, chercheur-auteur
Frédéric Piantoni, Géographe, Maître de conférences, Université de Reims Champagne-Ardenne, en délégation à l’IRD.
Avec « le plateau des Guyanes », ce département souvent qualifié de « morceau d’Amazonie » a une qualité unique : c’est un véritable écrin de biodiversité, on y dénombre environ 5000 espèces. De plus, le souci écologique de préservation de cette terre amazonienne inclut aujourd’hui un patrimoine immatériel : la culture et le mode de vie des peuples autochtones et celui des « Bushinengués », les noirs marrons.
L’aboutissement de la création du Parc Amazonien en 2007 a suscité un regain d’intérêt pour la préservation de la biodiversité. Depuis, le parc a lancé une concertation inédite avec les populations locales afin de ratifier une charte ayant pour finalité la cogestion et la régulation des activités humaines au sein de cet immense territoire.
Nous allons à la rencontre des peuples autochtones. Les Amérindiens n’ont pas été de tout temps sédentaires. Les échanges entre Amérindiens des Guyanes et Amérindiens des Caraïbes motivaient de nombreux déplacements. Ainsi les « Kaliñas » remontaient de l’Est des Guyanes vers le haut de la rivière Essequibo (près de mille kilomètres) pour ramener de beaux galets de porphyre rouge que les femmes utilisaient pour « lustrer les poteries ». Des sites agricoles sur le littoral à la forêt même, les Amérindiens ont profondément modifié et façonné leur environnement. La forêt primaire n’existe pas en Guyane, c’est un mythe d’explorateur, la forêt est plantée et « travaillée » depuis des siècles par les peuples autochtones.
Mais à qui appartient au juste l’Amazonie ? Réglementer ces pratiques de subsistances, est-ce pérenniser ou confiner ces modes de vie ? OKA ? Quelles nouvelles ? Qui vit là ?
Entretien avec Frédéric Piantoni, géographe, maître de conférence à l’Université de Champagne-Ardenne, en délégation à l’IRD
Un territoire qui ne connaitrait pas parfaitement ses contours, mais chercherait toujours ses bornes et limites, est-ce un territoire rêvé ? Est-il tangible ? Les frontières guyanaises sont fixées bien tardivement à l’Ouest en 1891, à l’Est en 1900 et au Sud en 1956 et restent sujettes à des désaccords. C’est en Guyane que la France partage sa plus longue frontière terrestre avec le Brésil : plus de 700 kilomètres dont plus de 400 au long du fleuve Oyapock. Sur cette terre amazonienne, les fleuves sont moins des barrières naturelles que des artères de vie et de passage. Ce fleuve délimite, fait frontière à la façon d’une ligne de craie sur un document officiel, mais ne crée aucune altérité radicale. Les deux rives sont les deux mamelles d’une même identité amazonienne : brassée et débrouillarde. Comme le souligne l’anthropologue Françoise Grenand : « une frontière ne fait souvent que filtrer et canaliser des relations entre des espaces qui existeraient et existent sans elle ». D’ailleurs, c’est ici que s’apprivoise depuis deux siècles une nouvelle façon d’être au monde : le surgissement d’une « condition cosmopolite ».
Cependant quelques siècles après les conquêtes et l’eldorado, les fronts pionniers continuent de repousser les limites établies et une poussée démographique brésilienne devance les plus sérieuses prévisions des géographes et politiques. En effet, l’équilibre fragile des populations locales pourrait bien être remis en cause par des bouleversements démographiques et de grandes ambitions géopolitiques. L’ouverture d’un pont « matérialisant la frontière », conçu pour filtrer les marchandises et les hommes et relier l’Europe au Mercosur vient inscrire ce territoire dans un axe mondialisé et régulé.
Pour Sur les docks, nous nous rendons sur le guet, au bord de l’Oyapock.
Avec :
Damien Davy, ingénieur de recherche à l’observatoire homme milieu Oyapock.
Frédéric Piantoni,
Chantal Fauré,
René La Bonté,
Et les habitants de Saint-George-de-l’Oyapock.
La Guyane vit la mondialisation à un rythme accéléré : population venue de tous les continents et démographie galopante. Ici cohabitent des cultures autochtones ancestrales, des populations déportées et des migrations récentes venues du continent. Amérindiens, laotiens, chinois, haïtiens, neg’marrons, libanais, brésiliens, créoles, chinois s’installent au gré de leur arrivée successive sur la côte et le long des fleuves. A l’heure actuelle, 109 nationalités sont recensées en Guyane et 37 % de la population est étrangère (Haïtienne, Surinamienne, Brésilienne). La jeune génération est la plupart du temps bilingue voir trilingue. Chaque année, près de 70 000 enfants vivant en Guyane française font leur rentrée scolaire dans ces écoles, un feuilleté de cultures et de langues remplit les classes. Près d’un couple sur cinq est mixte et un bébé sur trois a des parents de nationalités différentes.
Pour sur les Docks, nous accostons à Saint-Laurent-du-Maroni, ville frontalière du Surinam et nous découvrirons comment « on fait classe » en Guyane. Ici, le français s’apprend plus qu’il ne se transmet.
Les enfants descendent le fleuve en pirogue du fleuve dès l’aube pour se rendre à l’école de la République. Là, pour les accueillir, se dessine une première génération d’enseignants originaires du fleuve qui envisage la distance à parcourir d’une langue à l’autre...
Avec :
Aline Awenkina , professeure des écoles
Bernard Racanière, Directeur d’école.
Et l’aide précieuse de Sophie Guérin (ERE - Equipe Réussite Educative) et des médiateurs de langues Stéphan Saefa et Carina Van Der Bok)
Priscillia, ses amis et sa grande famille.
Entrevue avec Isabelle Léglise, linguiste, chercheuse au sein du LABEX EFL et de SEDYL (CNRS, IRD, INALCO)
« La terre ferme d’Amérique », ainsi fut nommée la colonie de Cayenne et ses premiers établissements fondés en 1636. Cayenne fut longtemps considérée comme une île et l’usage d’une embarcation était obligatoire pour ses habitants. Mais Cayenne est une presqu’île. Elle a suscité autant d’espoirs que de désillusions.
Le manque de main-d’œuvre conjugué au faible nombre de navires négriers -Cayenne étant difficile d’accès par voie maritime - conduisit à une mise en esclavage locale, celle des amérindiens. Puis vint le temps des travaux forcés, des déportations politiques et de la relégation pour développer une terre peu fertile et impraticable. En Guyane, la France vécut une contradiction majeure : comment mêler la conquête coloniale et les droits de l’Homme ? Comment instaurer un ordre politique impérial et proclamer le droit à la pleine citoyenneté ? D’une colonie d’exploitation à une colonie de peuplement, la Guyane a subi tous les ressacs d’une politique volontariste et indifférente à ce qui se vit là à 7000 km de la France.
Et pourtant, dans ces rues et places, Cayenne donne la part belle à de grands Hommes guyanais, Felix Eboué ou Gaston Monnerville. Epris d’égalité et de liberté, ils modifièrent le cours de l’histoire nationale. Ici à Cayenne la vie se compose et se recompose auprès de plus de 20 nationalités des Caraïbes, d’Amérique Latine mais aussi d’Asie.
Cayenne" signifie aussi dans l’argot des marins : un lieu où l’on peut se reposer des rigueurs de la mer. Et à Cayenne on vient toujours trouver une halte, un bout de terre à soi, « chercher la vie » dans cette ville à l’abri des cyclones et accolée à l’Amazonie. Jours de Carnaval, les rues bruissent d’ingéniosité et d’insolence. Non, Cayenne la piqueuse n’est pas celle que l’on croit connaître.
Avec :
Serge Mam Lam Fouck, professeur des universités en histoire contemporaine à l’Université des Antilles et de la Guyane.
Denis Lamaison, chercheur-auteur
Frédéric Piantoni, Géographe, Maître de conférences, Université de Reims Champagne-Ardenne, en délégation à l’IRD.