Haïti. Les promesses mensongères ont renforcé la détresse des familles

Nicole Launey dans l’humanité du 24 août 2010
mardi 24 août 2010

Haïti. « Les promesses mensongères ont renforcé la détresse des familles »

l’Humanité, 24 Août 2010

Entrevue avec Nicole Launey, représente la Ligue des droits de l’homme au sein du collectif des migrants d’outre-mer. Elle revient sur huit mois de bataille juridique.
Entretien réalisé par Ixchel Delaporte.

Peu après le séisme, Éric Besson avait lancé des mesures d’urgence pour que les familles puissent faire venir leurs proches. Sont-elles toujours d’actualité ?
Ces mesures se sont officiellement arrêtées fin février. Pour le
gouvernement, il n’y avait plus urgence en Haïti mais on ne peut pas dire qu’il y en ait eu avant. Seule une cellule téléphonique d’urgence totalement débordée et sans consignes a fonctionné. Les critères de regroupement familial sont restés les mêmes et les obstacles aux visas sont identiques à ce qui existait avant le séisme. Et, comme avant, l’ambassade de France en Haïti refuse quasiment systématiquement les documents d’identité haïtiens qui
sont encore plus difficiles à produire qu’avant. À peine quelques dizaines d’enfants ou de proches ont pu arriver depuis six mois et ce sont des demandes qui ont été faites avant le séisme : il s’agissait pour la plupart de regroupements familiaux acceptés par des préfectures depuis deux ans, voire quatre ans, et qui étaient bloqués par l’ambassade de France en Haïti pour des raisons de rejet de pièces d’identité haïtiennes. Selon le ministère, il y a eu
environ 8 000 appels à la cellule d’urgence en un mois et demi. Dont 4 000 reconnus comme recevables. Sauf que cette cellule d’urgence n’apportait aucune aide concrète. Du coup, les Haïtiens qui ont cru aux promesses d’Éric Besson ont perdu beaucoup de temps pour initier leurs demandes selon le droit. Ils ont cru qu’il suffisait d’écrire et ces promesses mensongères ont renforcé leur détresse.cru aux promesses d’Éric Besson ont perdu beaucoup de temps pour initier leurs demandes selon le droit. Ils ont cru qu’il suffisait d’écrire et ces promesses mensongères ont renforcé leur détresse.

Comment analysez-vous les obstacles administratifs dénoncés par les familles ?
Ces obstacles sont ceux prévus par la loi avant le séisme et ont pour objectif
d’éviter les regroupements familiaux. Sur le site de l’Office français d’immigration et d’intégration, il est prévu qu’en plus des pièces officiellement demandées, chaque préfecture peut rajouter selon son bon-vouloir ses propres exigences. Le deuxième objectif est d’éviter la venue d’étrangers par tous les moyens pour refuser les visas en suspectant systématiquement les pièces d’identité délivrées par les autorités nationales. En Guyane, selon la Cimade, sur 800 demandes de familles, 400 auraient été acceptées mais
l’ambassade de France a refusé systématiquement les visas en mettant en cause la légalité des pièces d’identité et n’en a accordé que quelques dizaines.

Relèvent-ils d’un verrouillage lié à la politique d’immigration du gouvernement ?
Il y a un refus de mettre en cause cette politique qui prime sur tout autre
aspect, y compris humanitaire : ainsi des orphelins de mère ou des deux parents devront rester en orphelinat en Haïti alors que la seule famille qui leur reste vit en France.

Quels sont les moyens d’action juridiques et administratifs pour faire bouger ces situations d’urgence ?
Il faut en général deux mois pour faire un recours après un refus de visa et
de regroupement familial, comme dans toute décision administrative, mais il y a la possibilité d’une procédure d’urgence dite référé. Il est préférable d’avoir un avocat mais les familles ont droit à l’aide juridictionnelle. Souvent, les familles ignorent leurs droits et ne savent pas qu’au bout de deux mois de non-réponse de la part des préfectures, c’est un refus implicite et qu’il faut faire un recours au tribunal. Les familles sont trompées sans arrêt par
l’administration qui leur propose par exemple des visas de trois mois pour des jeunes majeurs, qui reviennent très cher – plusieurs milliers d’euros en tout de dépenses en frais divers, assurances, billet d’avion aller-retour, frais d’avocats sur place etc. – et qui risquent d’être refusés par l’ambassade car ces jeunes ne viendront pas pour trois mois.

Le séisme a fait la une des médias pendant trois semaines. Depuis, la situation sur place reste dramatique. L’attitude des administrations est-elle à l’image du peu de considération que l’on porte à des pays comme Haïti ?
Nous voyons que la politique anti-étranger de ce gouvernement lui tient actuellement lieu de politique tout court, compte tenu de la crise économique et sociale et des scandales politico-financiers. Oui, ce sont entre autres les Haïtiens qui en font les frais.

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Haïti. « La France refuse d’accueillir nos enfants »

l’Humanité, 24 août 2010
Huit mois après le séisme qui a frappé l’île, les Haïtiens de France ne parviennent toujours pas à faire venir leurs proches. Malgré les promesses d’Éric Besson, de nombreux obstacles administratifs perdurent. Témoignages de ces familles déchirées.
Article de Marie Barbier

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