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EXTRAIT - Il n’y a aucune place pour un dispositif humanitaire dans cette politique xénophobe
Nicole Launey, représentante de la Ligue des droits de l’Homme au sein du Collectif des migrants d’outre-mer (MOM), fait le point, dans le numéro de novembre "Droits de l’Homme", sur la situation des Haïtiens en France.
Question 1 : L’immigration haïtienne est-elle importante ?
Selon le Collectif Haïti France (www.collectif-haiti.fr), la communauté haïtienne hors Haïti représenterait entre 2 et 4 millions de personnes. Cette immigration est essentiellement tournée vers les Etats-Unis, la République dominicaine, Cuba et le Canada.
Même si la France n’est pas la destination principale, la communauté haïtienne est présente dans nos départements d’outre-mer et en métropole (en grande majorité en Île-de-France). Les estimations tournent autour de 100.000 Haïtiens vivant dans l’hexagone, dans les 50.000 en Guyane et 10.000 en Guadeloupe. Bien entendu ces chiffres ne peuvent être vérifiés puisqu’ils concernent aussi la population irrégulière.
D’après le démographe André Bogentson, les transferts financiers de la diaspora (envois de fonds pour de nombreuses activités de solidarité) contribueraient au quart du PIB (produit intérieur brut) d’Haïti.
Question 2 : Suite au séisme, Eric Besson, ministre de l’Immigration annonçait des mesures exceptionnelles (allègement des conditions du regroupement familial, facilités pour la délivrance de visas). Ces annonces ont-elles été suivies d’effet ?
Ces promesses n’ont pas été suivies d’effets car la cellule d’urgence mise en place par le ministère a été très vite débordée et n’avait rien à offrir. Elle a même renvoyé des centaines de demandeurs vers les associations franco-haïtiennes ou défendant les droits de l’Homme.
La situation d’urgence a cessé officiellement fin février. Les conditions requises pour l’accord du regroupement familial par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) sont restées les mêmes. Les procédures ont été accélérées dans quelques très rares cas : ainsi quelques visites d’appartement obtenues en 3 mois au lieu d’un an habituellement. Des enfants ou autres membres de la famille sont bien arrivés mais il s’agissait la plupart du temps de demandes acceptées avant le séisme et bloquées par refus de visa. Quelques autres demandes ont été acceptées mais très peu sur les 8.000 reçues par la cellule de crise, selon le ministère. On lira plus loin dans un témoignage qu’un préfet a refusé dans un premier temps une demande par manque de 6 m2 ; s’il est revenu sur son refus pour ce cas très médiatisé et qui a fait l’objet d’un recours gagné combien de réponses de ce genre ont-elles été faites sans que personne ne le sache ?
Enfin l’autre obstacle est le visa. En Guyane sur les 800 demandes de regroupement familial enregistrées 400 ont été acceptées par l’OFII qui a bien mis en œuvre des allègements de critères pour les ressources et les mètres carrés requis mais moins de 20 personnes sont réellement arrivées par refus de visa de l’ambassade de France en Haïti. La question des visas est, elle aussi au centre de la détresse des familles sommées par l’ambassade de fournir des documents d’identité qu’ils sont dans l’incapacité de trouver. C’était déjà difficile avant étant donné la situation de l’état civil haïtien mais c’est devenu quasi impossible de faire refaire les documents disparus. Le gouvernement français s’obstine plus que jamais, soupçonne toute pièce d’identité a priori, exige des documents remontant à la naissance même pour des personnes âgées. C’est le seul État qui demande des documents d’enregistrement des actes de naissance aux archives nationales datant d’après février 2008. Ni les États-Unis, ni le Canada, ni le Vénézuela, ni les pays d’Afrique, pour citer ceux qui ont accueilli des exilés Haïtiens, ne les réclament.
Question 3 : Dans quelle situation sont aujourd’hui les Haïtiens de France ?
Les promesses non tenues ont renforcé leur détresse. Mais nous ne pouvons nous contenter de nous lamenter. MOM (www.migrantsoutremer.org) aide des familles en les incitant à faire des recours en référé urgence dès qu’ils ont leur refus de regroupement ou de visa mais aussi en les aidant à établir soigneusement leurs demandes et en les invitant à faire attention aux refus implicites (6 mois sans réponse est un refus pour le regroupement familial). Malheureusement il y a trop peu de permanences juridiques pour leur venir en aide. Une autre façon de les aider est de dénoncer tous les obstacles comme MOM l’a fait dans un courrier récent aux autorités haïtiennes et françaises.
Question 4 : « La réaction de la France doit être à la hauteur de sa tradition républicaine d’accueil, de solidarité et d’humanité et des liens historiques et culturels qu’elle entretient avec le peuple haïtien » déclarait Éric Besson. Cela correspond-il véritablement à la politique d’immigration menée par le gouvernement français ?
La réponse est non bien entendu. Comment pourrait-il en être autrement au moment où le gouvernement durcit encore sa politique anti-étranger permettant entre autre de priver 5 jours de suite de liberté une personne sans garantir la légalité de cette privation de liberté, uniquement parce que cette personne est étrangère ? Cette mesure en vigueur à Mayotte depuis des années permet l’expulsion en moins de 5 jours sans aucun contrôle. Il n’y a aucune place pour un dispositif humanitaire dans cette politique xénophobe.