M.A. est haïtien, avec le statut de réfugié depuis le 30 janvier 2004. En 2009, le visa avait été à nouveau refusé à deux des enfants car l’administration doutait de la validité d’actes de naissance délivrés selon la procédure de reconnaissance tardive dont la signature avait pourtant été légalisée. Voir le cahier état civil et carte d’identité en Haïti , Mom et collectif Haïti de France, décembre 2009.
Le Conseil d’État saisi en référé enjoint le ministre de l’immigration à réexaminer le refus de visa.
« En tout état de cause, la situation présente en Haïti ne permet pas de procéder à des recherches sur l’authenticité de [documents d’état civil], circonstance qui ne peut suffire à les écarter ».
« En raison tant de la durée de la séparation de ces deux enfants d’avec leurs parents, frère et sœur que de la précarité de leur situation du fait des conséquences du séisme qui a frappé Haïti, la condition d’urgence [requise pour un référé] doit être considérée comme satisfaite ».
Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que M. A, de nationalité haïtienne, s’est vu reconnaître la qualité de réfugié le 30 janvier 2004 ; que les autorités consulaires de France à Port-au-Prince ont implicitement refusé de délivrer les visas de long séjour que M. A avait sollicités, le 15 avril 2007, pour trois de ses enfants ; qu’après avoir accordé un visa à l’enfant John Hanel, pour lequel l’acte d’état-civil présenté avait été authentifié par les services des archives nationales de la République d’Haïti, les autorités consulaires ont, le 19 novembre 2007, explicitement confirmé leur refus de délivrer un visa aux enfants Smith Onel et Fill Marck’s, en raison de leur doute sur le lien de filiation ; que M. A conteste la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France en date du 24 décembre 2009 rejetant son recours contre les décisions des autorités consulaires relatives à ces deux enfants ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction que le service des archives nationales d’Haïti a estimé que les extraits d’actes de naissance présentés en 2007 à l’appui des demandes de visas de long séjour sollicités pour les enfants Smith Onel et Jill Marck’s étaient faux et que les actes n’étaient pas inscrits dans ses registres ; que, toutefois, M. A a également produit des actes de naissance établis le 26 décembre 2007 selon la procédure de déclaration tardive par l’officier d’état-civil de la commune d’Aquin, dont la signature a été légalisée ; que si l’administration fait valoir que M. A apparaît sur ces documents comme comparant devant l’officier d’état-civil, alors qu’il était, à cette date, en France en qualité de réfugié, le requérant soutient que la mention erronée de son nom comme comparant sur les formulaires des actes de naissance doit se lire comme signifiant qu’il était le demandeur de l’acte ; qu’en tout état de cause, la situation présente en Haïti ne permet pas de procéder à des recherches sur l’authenticité de ces documents, circonstance qui ne peut suffire à les écarter ; que M. A a toujours mentionné l’existence de ces deux enfants ; que si l’administration soutient que les envois d’argent à Mme C, qui assure la garde des enfants, ne sont ni réguliers ni substantiels pour les années 2006 et 2007, les relevés de transfert de la banque Western Union attestent, pour la seule année 2009, de l’envoi à cette personne d’une somme totale de 986 euros, significative au regard du niveau de vie en Haïti ; qu’en outre, les échanges au cours de l’audience ont fait apparaître la réalité des liens des deux époux avec ces enfants ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales paraît, en l’état de l’instruction, de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ;
Considérant qu’en raison tant de la durée de la séparation de ces deux enfants d’avec leurs parents, frère et sœur que de la précarité de leur situation du fait des conséquences du séisme qui a frappé Haïti, la condition d’urgence posée à l’article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme satisfaite ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à demander la suspension de l’exécution de la décision contestée ; qu’il y a lieu d’enjoindre à l’administration de procéder à un nouvel examen des demandes de visa dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la présente ordonnance ; qu’il n’y a pas lieu d’assortir cette injonction d’une astreinte ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’État la somme de 1500 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
O R D O N N E :
Article 1er : L’exécution de la décision implicite de la commission de recours contre les refus de visas d’entrée en France rejetant le recours de M. A est suspendue.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire de réexaminer, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la présente ordonnance, au regard des motifs de celle-ci, les demandes de visa présentées par M. A pour les enfants Smith Onel et Jill Marck’s.
Article 3 : L’État versera à M. A la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A et au ministre de l’immigration,
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Voir aussi
Haïti : urgence à statuer sur un refus de séjour
Juge des référés du tribunal de Cayenne, 1er mars 2010