L’Outre-mer : un état d’exception
Posted by EP Library ⋅ February 13, 2013
Il y a, aujourd’hui encore, des territoires français (Guyane, Mayotte, Martinique..) où l’on enferme et expulse personnes et enfants venus des pays voisins, en dépit des principes et valeurs fondamentales européennes.
Dans ces territoires d’outre mer, un droit d’exception est habituellement appliqué aux étrangers au nom d’une perpétuelle “situation particulière”.
Mesures d’exécution
L’existence d’un recours suspensif contre les mesures d’éloignement d’un étranger est un principe, reconnu dans le système juridique européen, dont l’absence porte atteinte aux libertés et droits fondamentaux d’une personne. Lorsque en 1990 la France a instauré une procédure de recours suspendant l’exécution de la reconduite à la frontière d’un individu jusqu’à la décision d’un juge, l’outre-mer en a été exclu. L’exception a depuis été maintenue, ainsi un étranger arrêté dans les territoires d’outre-mer ne peut pas faire valoir ce droit.
Cette législation va à l’encontre de l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit à un recours effectif, en relation avec le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l’article 8, comme a statué la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme le 13 décembre 2012.
Le refus d’entrée et le droit d’asile
Une certaine confusion persiste dans les territoires d’outre-mer entre refus d’entrée et éloignement, entre la discipline d’entrée des individus dans les pays et celle de sortie forcée des personnes qui y restent illégalement.
Les zones d’attente des étrangers avant le refoulement sont davantage virtuelles que réelles : à Mayotte ces espaces n’existaient que formellement jusqu’en avril 2012, en Guyane elles sont situées tout le long de voies fluviales, voies évidemment de grande circulation.
Ainsi dans les faits, les demandeurs d’asile, qui parviennent dans les territoires d’outre-mer et qui auraient le droit d’y rester, peuvent être facilement expulsés également.
Ces conditions déplorables ne permettent pas au droit d’asile d’être appliqué efficacement, ce qui est en contradiction avec la législation française et internationale.
Les Mineurs
En 2011, 5398 mineurs ont été éloignés depuis le centre de rétention administrative de Mayotte.
À Mayotte, comme ailleurs, l’éloignement des mineurs est interdit (art 34-II Ordonnance n° 2000-373).
Le 19 janvier 2012 la CEDH (Affaire Popov c. France) a constaté qu’aucun fondement légal ne permet le placement de mineurs en centre de rétention, et que cela peut constituer un traitement inhumain et dégradant pour des enfants et une atteinte aux droits familiaux.
Malgré cela, de nombreux enfants sont placés en centre de rétention en constant danger pour leur évolution comme individus et membres de la société.
Sur le sujet voir aussi :
Situation préoccupante dans les centres de rétention pour immigrés, notamment dans les îles de Mayotte et Lampedusa, Library Briefing No.007/2009.
Sources
- Séminaire étrangers en outre-mer : un droit exceptionnel pour un enfermement ordinaire, 8 décembre 2012, salle Monnerville du Palais du Luxembourg-Paris.
- Centres et Locaux de rétention administrative / La Cimade, Rapport 2011, Novembre 2012, 292 p., extraits sur l’outre-mer.
- Régimes d’exception en outre-mer pour les personnes étrangères / Gisti, Mom, La Cimade, Cahier juridique, juin 2012, 72 p.
- Mayotte : un nouveau département confronté à de lourds défis / Sénat, Rapport d’Information de MM. jean Pierre Sueur, Christian Cointat et felix Desplan, fait au nom de la commission des lois n.675 (2011-2012), juillet 2012, 140 p.
- Les mineurs isolés a Mayotte en Janvier 2012 / David Guyot, contribution à l’observatoire des mineurs isolés, Janvier 2012, 52 p.
- L’observatoire de l’enfermement des étrangers / Observatoire de l’Enfermement des Étrangers
- Collectif des Migrants outre- mer / Migrants Outre-mer
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