Le Président de l’Union des Comores à l’Assemblée générale des Nations unies - 25 septembre 2013

68ème Session Ordinaire de l’Assemblée Générale des Nations Unies
mercredi 25 septembre 2013

Assemblée générale de l’ONU, 25 septembre 2013

LES DÉFIS DES PETITS ÉTATS INSULAIRES ET DE L’AFRIQUE, CONTINENT EN PLEIN ESSOR
L’Assemblée générale a entendu, au deuxième jour de son débat général, une trentaine de chefs d’État et de gouvernement, dont plusieurs de pays africains, qui ont mis au cœur de leurs interventions les défis auxquels fait face l’Afrique mais aussi les espoirs que le continent a récemment enregistrés.

Discours de Son Excellence Dr IKILILOU DHOININE, Président de l’Union des Comores, à la 68ème Session Ordinaire de l’Assemblée Générale des Nations Unies
sur le site officiel du gouvernement de l’Union des Comores

Excellence Monsieur le Président,
Distingués Chefs d’État et de Gouvernements,
Excellence Monsieur le Secrétaire Général,
Honorable Assistance,
Mesdames et Messieurs,

Permettez-moi, tout d’abord, d’adresser aux Autorités américaines tous nos remerciements pour l’accueil toujours chaleureux et fraternel, qu’elles nous réservent, lors de ce grand rendez-vous annuel à New York, aux Nations Unies.

Ensuite, mes très sincères félicitations vont à l’endroit de la Présidence à laquelle je formule des vœux de réussite, pour un excellent déroulement des travaux de la 68ème Session Ordinaire des Nations Unies, consacrés au « programme de développement pour l’après-2015 ».

Enfin, au nom de ma délégation et au mien propre, je voudrais m’associer aux autres Chefs de délégations ici présents, pour exprimer toute ma gratitude, au Secrétaire Général de notre Organisation, Son Excellence Ban Ki-Moon, pour sa disponibilité à servir notre monde avec l’engagement et l’abnégation que nous lui connaissons.

Excellences, Mesdames et Messieurs,

Au moment où le monde est confronté à des crises gravissimes, des actes terroristes, aveugles et barbares, que nous condamnons avec la plus grande fermeté, viennent d’être perpètres au Kenya faisant des dizaines de victimes innocentes, parmi lesquelles, des femmes et des enfants.

Au moment où les conflits armés mettent à l’épreuve notre capacité commune, à bâtir un monde où régnera la paix,

La crise qui secoue la Syrie, depuis deux ans et demi, avec ses lots de détresse et de drames humains, doit nous interpeller, afin de parvenir rapidement à un reglèment de ce conflit et mettre fin, ainsi, aux souffrances endurées par le peuple syrien.

Nous condamnons, fermement, l’usage, en Syrie, d’armes chimiques contre des populations innocentes, tout comme nous condamnons avec la même énergie, les acteurs de cet acte horrible.

Je voudrais, dans le même sens, attirer solennellement notre attention à tous, sur les autres crises, les autres maux qui pourraient nous sembler mineurs ou insignifiants, alors qu’ils sont, eux aussi, tout aussi graves. Ils le sont, d’autant plus qu’ils engendrent, des lourdes pertes humaines et le plus souvent, ils nourrissent, pour ceux qui les vivent quotidiennement, un sentiment de frustration, de mépris et d’abandon !

Et pourtant, ces autres maux, en réalité, n’ont aucune raison d’être, car c’est ensemble, dans ce haut lieu des Nations Unies, à l’unanimité, que nos prédécesseurs, animés de l’esprit d’égalité des Peuples, de Justice Universelle mais encore d’Équité et d’Humanisme, ont décidé, le cœur ouvert et l’esprit libre, de rendre l’Humanité tout simplement harmonieuse, pour le bien-être de l’Homme.

En effet, c’est notre Organisation qui décida de la décolonisation de tous les territoires, sous le joug colonial.

Elle en a fixé les règles ! Elle a tracé le cheminement ainsi que l’accompagnement, pour les Peuples qui se seraient libérés !

Je voudrais, d’ailleurs, en passant, rendre un hommage appuyé, aux Membres Permanents du Conseil de Sécurité, ainsi qu’à tous les États-membres des Nations-Unies, de l’attitude responsable dont ils ont fait montre, depuis la création de l’Organisation des Nations Unies à nos jours, en soutenant les Mouvements et Organisations de Libération Nationale, surtout dans notre continent, l’Afrique.

Cependant, il est regrettable que soixante-huit ans après sa création et après l’adoption de sa Charte, que cette même Assemblée constate malheureusement encore, aujourd’hui, qu’il reste un territoire d’un Petit État Insulaire, en l’occurrence le mien, l’archipel des Comores, sous domination d’un autre État, celui-là, une grande puissance, Membre Permanent du Conseil de Sécurité, j’ai nommé l’État français.

Et pourtant, notre Organisation s’est prononcée, sans équivoque, en faveur de l’indépendance de l’archipel des Comores.

Ce fut conformément aux résolutions 1514 du 14 décembre 1960, portant « Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux » et 2621 du 12 octobre 1970 contenant le programme d’action pour l’application intégrale de la Déclaration.

Aussi, aux résolutions 3161 du 14 décembre 1973 et 3291 du 13 décembre 1974, qui réaffirment l’Unité et l’Intégrité Territoriales de l’Archipel des Comores et le droit inaliénable de son Peuple à l’Autodétermination et à l’Indépendance.

C’est ainsi que, par sa résolution N° 376 du 17 octobre 1975, votée à l’unanimité, le Conseil de Sécurité a demandé instamment « à l’Assemblée Générale d’admettre les Comores, à l’Organisation des Nations Unies ».

Les Comores sont donc devenues membres de l’ONU en vertu de la résolution 3385 du 12 novembre 1975, qui réaffirme « la nécessité de respecter l’Unité et l’Intégrité Territoriales de l’Archipel des Comores, composées des îles d’Anjouan, de la Grande-Comore, de Mayotte et de Mohéli ».

Je dois rappeler que tous les pays membres, y compris les pays européens, ont voté pour cette résolution. La France ne s’y est pas opposée.

Honorable Assistance,

Chacun de Vous, Chef d’Etat et de Gouvernement, garant de l’Indépendance et de l’Intégrité de son territoire, peut-il s’imaginer la frustration et la torture morale qu’un Chef d’Etat vit, au quotidien, face à une situation aussi dramatique ?

En m’adressant à Vous, ainsi, je laisse parler mon cœur et rassurez-vous, tous mes concitoyens le font autant, quotidiennement !

Qu’avons-nous fait, Nous Peuple Comorien, de si grave, pour que l’Histoire ne nous traite pas comme tous les autres Peuples du monde ?

Pourquoi devons-nous, à chaque fois, expliquer ou justifier l’Unicité de notre Peuple, de son Histoire, de sa Géographie ou de sa Culture ?

En plus, lorsqu’on veut nous faire comprendre que c’est parce qu’une partie de notre population aurait exprimé un souhait, de vouloir rester colonisée, alors, nous nous interrogeons très sincèrement, si l’on veut refaire la Conférence de Berlin, de 1885 !

Et si tel était le cas, devrions-nous comprendre qu’on voudrait, aujourd’hui, poser la question à tous les Peuples s’ils voudraient rester eux-mêmes ou changer de destinée ?

Et puisque la vocation de tout Peuple est d’aspirer à être libre, qu’adviendrait-t-il, lorsqu’un jour la population comorienne de Mayotte réclamait sa liberté vis-à-vis de la France ?

Quelle incohérence de l’histoire et quelles seraient les normes de droit international, qui permettraient à notre Organisation de trancher ?

Honorable Assistance,

Depuis le 6 juillet 1975, date à laquelle mon pays, l’Archipel des Comores, a accédé à la souveraineté, les Comoriens n’ont cessé de réclamer, juste l’application du droit international, mais en vain.

Pourtant, dans d’autres cas similaires, certaines grandes puissances exigent le respect de ce même droit international et obtiennent gain de cause.

C’est ainsi, que la circulation des personnes entre les îles de l’Archipel des Comores, un droit inaliénable, est entravée par une décision incompréhensible et inadmissible, des autorités françaises, qui ont imposé, en 1994, un visa entre Mayotte et les trois autres îles comoriennes.

Ce visa, Honorable Assistance, qui a, à ce jour, entraîné la mort de près de 10.000 de mes compatriotes, fait du bras de mer, séparant Mayotte des autres îles, le plus grand cimetière marin du monde.

Notre conscience commune nous oblige à agir vite !

Monsieur le Président,

Dans tous les foras internationaux, y compris onusiens, la Communauté Internationale, tout en reconnaissant le droit des Comoriens à recouvrer l’intégrité de leur territoire, a maintes fois, demandé que les deux parties concernées, les Comores et la France, entrent en négociations, en vue de trouver une issue durable et équitable à ce différend territorial malheureux, conformément à la législation internationale.

Mes prédécesseurs, chacun en ce qui le concerne, ont entamé des négociations avec l’Etat français, mais force est de constater, que nous sommes toujours, à la case départ.

Aussitôt élu Président de la République, j’ai beaucoup réfléchi et j’ai beaucoup consulté.

Les responsabilités qui sont désormais les miennes, m’obligent à faire bouger les lignes restées immuables, voici trente-huit ans.

Après une première rencontre avec mon Homologue français, François HOLLANDE, à Kinshasa, en marge du Sommet de la Francophonie, j’ai compris que les nouvelles autorités françaises, étaient disposées, à trouver, enfin, une issue à la problématique comorienne.

J’ai noté et je dois l’avouer ici, que la France d’aujourd’hui, est prête à endosser son rôle historique, conforme à un État respectueux du droit international, quel que soit le sujet du droit international, et ce que la France vient de faire au Mali, en est l’exemple, le plus éloquent.

Je voudrais, d’ailleurs, m’associer aux Autorités et au Peuple maliens et au continent africain en général, pour remercier les Autorités françaises, qui ont pris la décision responsable, de faire en sorte que les Forces Armées de la République du Tchad, ainsi que celles des pays de la région Ouest-africaine, s’associent aux Forces armées françaises, pour que ce pays recouvre son Unité et son intégrité territoriale.

Aussi, je saisis cette occasion pour saluer la présence parmi nous, de Son Excellence Monsieur Ibrahim Boubacar Keita, Président de la République du Mali, et lui dire notre joie de partager avec le peuple frère du Mali, cette fierté d’avoir recouvré intégrité de son territoire.

C’est donc aussi pour le même idéal, et l’espoir de voir mon pays, recouvrer son intégrité territoriale, que j’ai accueilli avec une très grande satisfaction, l’invitation du Président François HOLLANDE, d’effectuer une visite de travail en France, afin d’entamer des négociations sérieuses, pour donner une nouvelle impulsion à nos relations, notamment sur la question de l’île comorienne de Mayotte.

A l’issue de cette visite, nous avons signé et publié une déclaration politique dite « DECLARATION DE PARIS ».

Mais avant de m’y rendre, Monsieur le Secrétaire Général, j’ai consulté la Présidence de la Commission de l’Union Africaine, pour me rassurer de la conformité de notre nouvelle démarche aux principes défendus par notre organisation continentale et solliciter son expertise.

Je saisis d’ailleurs cette occasion pour exprimer toute notre gratitude à Son Excellence Madame ZUMA, Présidente de la Commission de l’Union Africaine, pour le soutien constant qu’elle apporte à notre pays.

En m’exprimant, ainsi, j’ai voulu prendre toute la Communauté Internationale à témoin et solliciter auprès du Secrétariat Général de notre Organisation son expertise, son appui ainsi que son soutien, tout au long de ces négociations, pour cette nouvelle dynamique à laquelle Nous et la Partie française, sommes résolument engagés.

Monsieur le Secrétaire Général,

Je voudrais, informer l’Assemblée Générale des Nations Unies que, désormais, la question de Mayotte figurera, chaque année, à notre ordre du jour et nous, Autorités Comoriennes, prenons l’engagement, ici, de rendre compte, chaque année, de l’évolution des-dites négociations, jusqu’au règlement définitif, de la question de la souveraineté de mon pays.

Durant ces négociations, mon pays demande aux Nations Unies comme aux autres Organisations internationales, auxquelles nous sommes affiliés, notamment l’Union Africaine, l’Organisation Internationale de la Francophonie, la Ligue des États Arabes, l’Organisation de la Coopération Islamique, le Mouvement des Non-Alignés et la Commission de l’Océan Indien, de nous apporter tout leur soutien.

Le Haut Conseil Paritaire, Organe de suivi de la Déclaration de Paris que j’ai citée, sera mis en place dans les prochaines semaines.

Il débutera ses travaux dès cette année en se penchant sur le problème de la circulation des biens et des personnes, pour stopper d’une manière irréversible les drames humains qui endeuillent, quotidiennement, toutes les familles comoriennes.

Honorable Assistance,

Jamais, notre monde n’a été si proche de réaliser l’objectif pour lequel Nous, Dirigeants du monde, nous nous retrouvons dans ce temple des Nations Unies, au moins, une fois chaque année.

Cet objectif, comme le stipule notre Charte, est de « Maintenir la paix et la sécurité internationales ».

Aussi, m’est-il opportun, avant de conclure mon propos, de saluer les efforts de la Communauté internationale qui ont permis d’enregistrer des solides avancées, ouvrant ainsi la voie, à la tenue prochaine, d’élections présidentielles, à Madagascar, ce grand pays frère.

Monsieur le Président,

Excellences, Mesdames et Messieurs,

Pour que le « programme de développement pour l’après 2015, plantons le décor », thème de notre présente Session, ne soit pas une nouvelle illusion, nous devons agir et vite, pour mettre nos populations à l’abri de la peur et du besoin. Alors, osons combattre les injustices ! Osons bannir les conflits meurtriers ! Osons faire de la paix notre combat quotidien et notre seule raison d’être, pour que vive l’Humanité dans la concorde !

Je vous remercie.