La situation de nombreux immigrés haïtiens, dans le continent américain, risque de devenir plus précaire, en raison de la décision de quelques États et gouvernements de reprendre ou intensifier les rapatriements des citoyens caribéens vers Haïti.
Suite au séisme du 12 janvier 2010, des pays ont accordé, aux migrantes et migrants haïtiens, des moratoires sur les déportations pour motifs humanitaires. Certains pays ont respecté les moratoires, d’autres les ont violés.
Plus de deux années et demie après la tragédie, presque tous les ont levés, tout en annonçant la reprise ou le renforcement des rapatriements.
Annonce de reprise de rapatriements par les îles Turques et Caiques (Turks & Caicos)
Les autorités britanniques des îles Turques et Caiques ont annoncé, le 6 septembre 2012, la reprise des déportations vers Haïti des migrantes et migrants haïtiens en situation irrégulière, arrivés sur leur territoire avant le séisme du 12 janvier 2010.
« La levée du moratoire sur la déportation [vers Haïti] est une décision du ministère du contrôle frontalier et du travail, en vue d’appliquer la loi de manière ferme, justice et efficace », fait savoir, à plusieurs médias, la secrétaire permanente de cet organisme ministériel des îles britanniques, Clara Gardiner.
« Par le renforcement de nos capacités d’intelligence et l’établissement d’un protocole conjoint avec la police, nous sommes en train d’identifier ces menaces et ces individus qui cherchent à saper l’intégrité de nos frontières, tels que les boat-people, les passeurs et trafiquants, tout en ciblant les migrants impliqués dans des activités criminelles ou nuisibles à nos communautés », affirme-t-elle sur un ton ferme.
Reprise des conduites depuis les Antilles françaises
Des organisations de défense des droits des migrantes et migrants, en France et dans les territoires d’outre-mer, dénoncent la reprise « des conduites vers Haïti depuis les Antilles, alors même que ces mesures étaient théoriquement suspendues depuis le séisme du 12 janvier 2010 qui a fait 200,000 morts », dans un communiqué de presse rendu public le 6 septembre 2012.
Ces organisations, dont le collectif Haïti de France (Chf) et le comité inter mouvements auprès des évacués (Cimade, service œcuménique d’entraide), ont fustigé l’expulsion, programmée vers Haïti par les autorités guadeloupéennes, d’un père d’enfant français.
L’immigré, de nationalité haïtienne, a été interpellé « par la police aux frontières françaises, alors qu’il travaillait sur un chantier en Guadeloupe », puis « placé en garde à vue » et ensuite « emmené au centre de rétention administrative du Morne Vergain (Guadeloupe) en vue d’être expulsé vers Haïti », s’indignent ces collectifs de droits humains.
« Interpellé sur la question [de la reprise des reconduites vers Haïti], le ministère de l’intérieur n’a, jusqu’à présent fourni, aucune réponse et le Cimade l’a saisi de cette situation particulièrement grave », expliquent-ils.
210 migrantes et migrants haïtiens en attente d’une décision du gouvernement brésilien
210 migrantes et migrants haïtiens se trouvent actuellement bloqués dans la ville brésilienne de Brasileia, frontalière du Pérou et de la Bolivie, en attente d’une décision du gouvernement brésilien sur leur situation.
Les autorités locales de Brasileia avaient commencé à fournir de l’aide humanitaire à ces migrants, qui sont arrivés sur leur territoire dans un état très critique (affamés et déshydratés), après des jours de longue marche au cœur de la forêt amazonienne à travers la Bolivie.
Tous ces migrants proviennent de la ville frontière péruvienne d’Inapari, frontalière du Brésil et de la Bolivie du côté du fleuve Acre, où ils n’avaient reçu aucune assistance humanitaire de la part des autorités, alors que le Brésil se disait déterminé à maintenir le blocage de la frontière.
Tout en manifestant de sérieuses difficultés budgétaires auxquelles elles font face pour maintenir l’assistance humanitaire, les autorités locales de Brasileia disent avoir informé le gouvernement central de Brasilia qui devrait décider de la régularisation ou de l’expulsion des Haïtiens (nul ne sait si vers Pérou ou vers Haïti).
« Le gouvernement brésilien entend lutter contre la délinquance organisée qui tire profit de ces migrations », soutient le chancelier brésilien, Antonio Patriota, signalant combien est minime la possibilité pour son gouvernement de régulariser plus d’Haïtiennes et d’Haïtiens en leur octroyant des visas de résidence.
Les migrants haïtiens en situation irrégulière en Équateur, menacés par des rapatriements
En Équateur, la police de migration a procédé à l’arrestation de migrants haïtiens en situation irrégulière dans les rues de la capitale équatorienne et surtout dans les zones à forte concentration haïtienne. Ce qui crée une situation de peur généralisée dans la communauté basée à Quito.
L’avenir des Haïtiens dans ce pays sud-américain est de plus en plus incertain face à la menace de rapatriements, à laquelle ils sont confrontés au quotidien.
Par exemple, suite à l’expiration d’un délai de 90 jours, imparti à un Haïtien pour régulariser son statut migratoire, un ordre de rapatriement a été émis contre lui par une instance judiciaire de Quito.
Des organisations de la société civile ont fait un recours en inconstitutionnalité contre cet ordre, dont l’application conduirait aux rapatriements massifs des Haïtiens qui n’ont pu pas obtenir leurs papiers en raison du refus de l’actuel gouvernement équatorien de leur favoriser l’accès aux visas humanitaires.
Après le tremblement de terre du 12 janvier 2010, le gouvernement équatorien avait publié le décret 248 permettant aux Haïtiennes et Haïtiens, arrivés sur le territoire équatorien avant le 30 juin 2010, de régulariser leur situation migratoire, par l’octroi de visas humanitaires.
La nouvelle administration dominicaine maintiendra-t-elle la même politique migratoire ?
Entretemps, sous la nouvelle administration du président Danilo Medina, la direction générale de la migration de la République Dominicaine continue d’effectuer des rapatriements de migrantes et migrants haïtiens, dans l’irrespect le plus total des pactes et protocoles internationaux, des lois dominicaines et du protocole binational sur les mécanismes de rapatriement, signés en 1999 entre les deux pays partageant l’ile, selon un communiqué de presse du service jésuite aux réfugiés et migrants (Sjrm).
La nouvelle administration dominicaine va-t-elle continuer à appliquer la même politique migratoire que son prédécesseur ?
Politique ponctuée, selon le communiqué du Sjrm (publié le 10 septembre 2012), par des rapatriements massifs d’Haïtiennes et d’Haïtiens et de leurs descendants vers Haïti, la dénationalisation des citoyens dominicains d’origine haïtienne et la violation des accords souscrits par la République dominicaine en matière de droits humains et de droits des migrants et de leurs familles.
Par Wooldy Edson Louidor du SJR LAC