Ordonnance n° 2010-590 du 3 juin 2010 portant dispositions relatives au statut civil de droit local applicable à Mayotte et aux juridictions compétentes pour en connaître
Cette ordonnance (légèrement modifiée) a été ratifiée par la loi 2010-1487 du 7 décembre 2010 relative au département de Mayotte, article 31 13°.
Texte de l’ordonnance entrée en vigueur le 7 décembre 2010
Présentation au conseil des ministres du 2 juin 2010
La ministre auprès du ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, chargée de l’outre-mer a présenté une ordonnance portant dispositions relatives au statut civil de droit local applicable à Mayotte et aux juridictions compétentes pour en connaître.
Cette ordonnance constitue une nouvelle étape dans le processus de modernisation du statut civil de droit local applicable à Mayotte et contribue à préparer la collectivité à son accession au statut de département d’outre-mer.
Elle vise à mettre un terme à l’inégalité entre les hommes et les femmes en matière de mariage et de divorce. Elle proscrit la répudiation. Elle interdit de contracter de nouvelles unions polygames, et ce sans condition d’âge, en supprimant la faculté, maintenue par la loi du 21 juillet 2003 de programme pour l’outre-mer, pour les hommes nés avant 1987 de continuer à contracter des unions polygames.
En relevant à dix huit ans l’âge légal du mariage des femmes, elle permet, en outre, l’adhésion de la France à la convention sur le consentement au mariage, l’âge minimum du mariage et l’enregistrement des mariages, adoptée à New-York le 7 novembre 1962, adhésion jusqu’ici différée en raison de la spécificité des règles applicables à Mayotte.
Cette ordonnance supprime enfin la justice cadiale, dont le fonctionnement ne répond pas aux exigences de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Elle lui substitue une compétence de plein droit de la juridiction de droit commun pour connaître des conflits entre personnes relevant du statut personnel de droit local. Conformément au Pacte pour la départementalisation, le rôle des cadis sera recentré sur des fonctions de médiation sociale.
Extrait du rapport de Didier Quentin fait au nom de la commission des lois de l’assemblée nationale
Cette ordonnance prise sur le fondement de l’article 72 de la LODEOM (loi pour le développement économique de l’Outre-mer de juin 2009), vise à moderniser le statut civil de droit local afin d’« assurer le respect des principes constitutionnels et des droits fondamentaux ».
L’article 1er de cette ordonnance précise que « le statut civil de droit local régit l’état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, les successions et les libéralités. L’exercice des droits, individuels ou collectifs, afférents au statut civil de droit local ne peut contrarier ou limiter les droits et libertés attachés à la qualité de citoyen français. En cas de silence ou d’insuffisance du statut civil de droit local, il est fait application, à titre supplétif, du droit civil commun. Les personnes relevant du statut civil de droit local peuvent soumettre au droit civil commun tout rapport juridique relevant du statut civil de droit local ».
L’ordonnance actualise les règles de droit local relatives au mariage, en rendant applicables les dispositions du code civil relatives aux actes de mariage, aux qualités et conditions requises pour se marier, aux formalités relatives à la célébration, aux oppositions et aux demandes en nullité, ainsi qu’au divorce. Elle relève l’âge de mariage des femmes de quinze à dix–huit ans [1] et supprime les réserves sur l’applicabilité des dispositions prohibant la polygamie, celle–ci étant proscrite pour l’avenir quel que soit l’âge des intéressés [2]. L’ordonnance dispose en outre qu’une femme mariée ou majeure peut librement exercer une profession et disposer de ses biens. Elle interdit toute discrimination dans les successions.
En matière d’état civil, l’ordonnance permet que des agents du conseil général soient mis à disposition des communes pour exercer les fonctions d’officier de l’état civil, encadrer et former les agents communaux chargés de la tenue de l’état civil.
Enfin, cette ordonnance met, conformément au Pacte pour la départementalisation, un terme à l’application de la justice cadiale en matière d’état des personnes, en prévoyant que désormais le tribunal de première instance de Mayotte connaît de toutes les affaires relatives à l’application du statut civil de droit local et peut, à la demande des parties, appliquer le droit civil commun [3]. Dans ce cas, le tribunal peut s’adjoindre les conseils d’un expert.
Pour autant, si les dispositions de l’ordonnance relatives au mariage et au divorce relevaient du champ de l’habilitation, tel n’était pas le cas des compétences des cadis en matière notariale ou en tant que tuteurs légaux des incapables et des absents et représentants légaux des défunts en cas de succession non réglée, énoncées à l’article 20 de la délibération du 3 juin 1964 de la chambre des députés des Comores portant réorganisation de la procédure en matière de justice musulmane. Dès lors, pour mettre fin à ces fonctions, il était nécessaire de le prévoir par la loi.
Validité des actes de tutelle délivrés par les cadis avant la loi du 7 décembre 2010
Les cadis n’ont plus aucune compétence pour délivrer des actes de tutelle. Toutefois ceux qui ont été délivrés avant le 7 décembre 2010 sont exécutoires de plein droit et doivent recevoir tous leurs effets tant à Mayotte qu’hors de son territoire.
Voir en PDF l’attestation du vice-président du TPI de Mamoudzou en date du 10 février 2011
Commentaire
Y’a-t-il un cadi à l’ONU ?
Article d’Upanga n°37, 15 février 2011
Les cadis de Mayotte ne sont pas contents. Soudainement, voilà qu’ils se rendent compte que la départementalisation les a mis à nu. Un peu tard....