Mayotte : nouveau naufrage, nouvelles victimes du visa Balladur

Jeudi 28 octobre 2010, 2 femmes et 1 nourisson sont décédés dans un naufrage aux abords de Mayotte, Dimanche, le cadavre d’un jeune homme ayant tenté d’échapper à une reconduite a été retrouvé
lundi 1er novembre 2010

Comment ne pas mettre en relation, les malheureuses victimes du naufrage du 28 octobre 2010 et la mort d’un jeune homme ayant sauté du bateau le reconduisant le 30 octobre 2010 à Anjouan, avec les propos du préfet de Mayotte la semaine précédente se félicitant des scores de la lutte contre l’immigration dite "clandestine" ?

Jeudi 28 octobre 2010, une nouvelle embarcation a fait naufrage entre Anjouan et Mayotte au sein de l’archipel des Comores. L’embarcation qui transportait une trentaine de personnes a chaviré au large d’une de ses très belles plages de Mayotte. Deux femmes y sont mortes, un bébé est porté disparu… Les naufrages entre les deux îles, sont fréquents et femmes et enfants sont souvent les premières et principales victimes. Comme celui du 23 mars 2010 où 5 nourrissons avaient perdus la vie ainsi que 4 femmes, comme celui du mois de novembre 2009, celui du mois d’octobre 2009, etc.

Samedi 29 octobre 2010, un jeune adulte sautait en compagnie de quatre autres, du Maria-Galanta, le bateau qui les reconduisait à Anjouan après une interpellation sur l’île de Mayotte. Dimanche, on retrouvait son corps rejeté par la mer sur une des plages de l’ile.

Or, pour isoler Mayotte de son entourage et en bloquer l’accès par ses voisins comoriens, les forces de l’ordre voient leurs moyens s’intensifier au fil des années (multiplication des radars, hélicoptère de surveillance, augmentation des effectifs policiers…), ce qui pousse les passeurs à faire prendre de plus en plus de risques à leurs passagers : agrandissement des embarcations, départs dans des conditions météorologiques défavorables pouvant conduire à des naufrages mortels.
Le mardi 19 octobre 2010, le préfet de Mayotte, Hubert Derache se félicitait devant la presse des chiffres de reconduites à la frontière entre Mayotte et Anjouan : 20 700 depuis janvier, dont 40 % de récidives. Ces chiffres rapportés à la population de l’ile de Mayotte sont stupéfiants : en effet, l’île est habitée par à peu près 200 000 habitants et la population d’étrangers en situation irrégulière est estimée au tiers de la population totale soit 60 000. En moins de dix mois, monsieur le Préfet peut se féliciter donc d’avoir reconduit le tiers des sans-papiers et le dixième de la population de l’île.

Ce besoin de faire du chiffre en matière de "reconduites à la frontière" encourage des méthodes de plus en plus hors la loi (interpellations à domicile presque systématique, abus de gaz lacrymogène, interpellations de mineurs sans responsable légal, utilisation d’armes à feu par les agents des forces coercitives) ; et des modalités de reconduites "indignes de la République" tels les droits fondamentaux y sont quotidiennement bafoués

Pour autant, il faut rappeler que la légitimité de ces innombrables reconduites de Mayotte à Anjouan n’est pas acquise et pose question encore aujourd’hui tant sur le plan de la gouvernance mondiale et locale. En effet, les Nations Unies ont reconnu en 1974 la souveraineté de l’Union des Comores incluant les quatre îles de l’archipel. La frontière imposée en 1975 par la France entre Mayotte et les trois autres îles n’étant pas reconnue par l’ONU, certains n’hésitent pas à parler de "déplacement de population".

Au niveau local, suite à une mission parlementaire dans le cadre du groupe d’amitié France-Comores en Union des Comores puis à Mayotte, le visa Balladur, instauré depuis 1995 vient d’être remis en question par certains des élus mahorais ; selon eux, loin de permettre le contrôle des entrées et sorties, l’instauration de ce visa a au contraire déclenché une augmentation du chiffre des entrées devenues "clandestines".

Au final, cette chasse aux "migrants" telle qu’elle est menée entre des îles culturellement et historiquement sœurs et artificiellement séparées lors de la décolonisation de l’archipel parait aporétique et surtout constitutive de la mise en danger d’une grande partie de la population de l’île et, comme nous le rappelle ce malheureux événement, plus particulièrement celle des plus fragiles, les enfants et les femmes.

Mom - groupe de travail "Mayotte"