Ordonnance du 29 mars 2011 modifiant l’organisation judiciaire dans le département de Mayotte

Ordonnance n° 2011-337, NOR : JUS/B/1105063/R
lundi 11 avril 2011

Ordonnance n° 2011-337 du 29 mars 2011 modifiant l’organisation judiciaire dans le Département de Mayotte
NOR : JUS/B/1105063/R
sur légifrance


Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2011-337 du 29 mars 2011 modifiant l’organisation judiciaire dans le Département de Mayotte
NOR : JUS/B/1105063/P

Jusqu’au 1er janvier 2008, conformément à l’article LO 6113-1 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction issue de la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer, l’organisation judiciaire à Mayotte était soumise au principe de spécialité législative.
Depuis le 1er janvier 2008, l’organisation judiciaire de la collectivité départementale de Mayotte était régie par le principe d’identité législative.
L’ordonnance n° 2007-1801 du 21 décembre 2007 relative à l’adaptation à Mayotte de diverses dispositions législatives, l’ordonnance n° 2009-537 du 14 mai 2009 portant extension et adaptation à Mayotte, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, dans les Terres australes et antarctiques françaises et en Nouvelle-Calédonie de diverses dispositions de nature législative, la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer et l’ordonnance n° 2010-590 du 3 juin 2010 portant dispositions relatives au statut civil de droit local applicable à Mayotte et aux juridictions compétentes pour en connaître ont ainsi étendu progressivement à Mayotte des dispositions d’organisation judiciaire applicables en métropole ou dans les départements d’outre-mer.

La loi organique n° 2009-969 du 3 août 2009 relative à l’évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et à la départementalisation de Mayotte a introduit dans le code général des collectivités territoriales l’article LO 3446-1, lequel dispose que :
« A compter de la première réunion suivant le renouvellement de son assemblée délibérante en 2011, la collectivité départementale de Mayotte est érigée en une collectivité régie par l’article 73 de la Constitution, qui prend le nom de "Département de Mayotte” et exerce les compétences dévolues aux départements d’outre-mer et aux régions d’outre-mer ».
L’article 30 de la loi n° 2010-1487 du 7 décembre 2010 relatif au Département de Mayotte habilite le Gouvernement, dans les conditions de l’article 38 de la Constitution, à modifier le code de l’organisation judiciaire et les textes législatifs régissant l’organisation judiciaire aux fins de rapprocher les règles applicables à Mayotte de celles applicables en métropole ou dans les autres collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution et ce, en étendant et en adaptant la législation dans une mesure et selon une progressivité appropriées aux caractéristiques et contraintes particulières de Mayotte.
La présente ordonnance procède donc sous les réserves susvisées à cette départementalisation de l’organisation judiciaire à Mayotte.
L’article 1er annonce les modifications apportées au code de l’organisation judiciaire pour tenir compte de la nouvelle organisation judiciaire mise en place dans le Département de Mayotte.

Ainsi, un tribunal de grande instance, un tribunal d’instance, un tribunal mixte de commerce, un tribunal des affaires de sécurité sociale et un tribunal du contentieux de l’incapacité succèdent au tribunal de première instance. La chambre d’appel de Mamoudzou, qui est une chambre détachée de la cour d’appel de Saint-Denis de La Réunion, se substitue au tribunal supérieur d’appel. De plus, un greffe détaché du tribunal d’instance de Mamoudzou est créé à Sada.
Plus particulièrement, le 1° crée au sein du livre II relatif aux juridictions du premier degré un chapitre VI portant dispositions particulières aux départements d’outre-mer et une section unique relative au Département de Mayotte. Cette section reprend les dispositions attribuant compétence en matière de statut civil de droit local et offrant aux citoyens relevant de ce statut la possibilité de choisir l’application des règles du droit civil commun.
A l’instar du 1°, le 2° de l’article 1er de la présente ordonnance institue au livre III du code de l’organisation judiciaire relatif aux juridictions du second degré un chapitre IV portant dispositions particulières aux départements d’outre-mer et une section unique relative au Département de Mayotte. Cette section reprend également des dispositions relatives à l’option de droit applicable aux litiges entre parties, citoyens de statut civil de droit local. En outre, cet article maintient la référence à l’ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers à Mayotte.
Le 3° de l’article 1er abroge toutes les dispositions d’organisation judiciaire particulières à Mayotte et prévues au titre II du livre V du code de l’organisation judiciaire.

L’article 2 abroge l’article 2493 du code civil puisque désormais les déclarations de nationalité à raison du mariage sont reçues par le représentant de l’État et non plus par le président du tribunal de première instance.

Les articles 3 et 4 modifient respectivement le code pénal et le code de procédure pénale pour tenir compte de la nouvelle organisation judiciaire.
L’article 4 modifie ainsi le code de procédure pénale pour rendre notamment applicables à Mayotte les dispositions relatives au tribunal correctionnel, au tribunal de police, au tribunal de l’application des peines et aux pôles de l’instruction.
La chambre de l’instruction compétente pour statuer sur l’appel des ordonnances du juge d’instruction du tribunal de grande instance de Mamoudzou siégera à la cour d’appel de Saint-Denis de La Réunion avec la faculté de recourir à la visioconférence.
Enfin, la cour d’assises se substitue à la cour criminelle assortie des adaptations rendues nécessaires par les particularités locales, par exemple concernant sa composition, et la cour d’assises des mineurs se substitue à la cour criminelle des mineurs.
La présente ordonnance n’évoque pas la création d’un tribunal maritime commercial à Mayotte car le tribunal correctionnel exerce les compétences dévolues à cette juridiction dans les départements d’outre-mer, conformément aux dispositions de l’article 36 bis du code disciplinaire et pénal de la marine marchande.

L’article 6 adapte les dispositions de l’ordonnance n° 92-1143 du 12 octobre 1992 relative à l’aide juridictionnelle à Mayotte conséquemment à la suppression du tribunal supérieur d’appel et à l’institution d’une chambre d’appel à Mamoudzou. Cette adaptation est transitoire puisque la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique a vocation à être étendue à Mayotte par voie d’ordonnance prise sur le fondement de l’habilitation conférée par l’article 30 de la loi du 7 décembre 2010 précitée.

L’article 7 adapte le code de commerce conséquemment à l’institution du tribunal mixte de commerce dans le Département de Mayotte. Il convient de relever que, conformément à l’article L. 732-4 du code de commerce, tant qu’un tribunal mixte de commerce n’est pas établi à Mayotte, le tribunal de grande instance connaît des affaires attribuées à cette juridiction.
Le 1° de l’article 7 modifie l’article L. 420-7 du code de commerce en substituant la référence aux tribunaux de grande instance ou aux tribunaux de commerce à la référence aux juridictions civiles ou commerciales.
Le 2° de l’article 7 procède à une réécriture de l’article L. 920-1 du code de commerce afin de prendre en compte le régime juridique actuel d’applicabilité des lois et des règlements à Mayotte et du futur Département de Mayotte et de rendre applicables les dispositions du livre VII du même code nécessaires à la création d’un tribunal mixte de commerce.
Le 3° de l’article 7 supprime les 1°, 2° et 4° de l’article L. 920-2 du code de commerce afin de tenir compte de la nouvelle organisation judiciaire du Département de Mayotte.

L’article 8 crée un tribunal paritaire des baux ruraux dans le Département de Mayotte et procède aux modifications nécessaires du code rural et de la pêche maritime.

L’article 9 substitue un conseil de prud’hommes au tribunal du travail.
Parallèlement à la suppression du tribunal de première instance et à l’institution d’un tribunal des affaires de sécurité sociale et d’un tribunal du contentieux de l’incapacité dans le Département de Mayotte, l’article 10 attribue compétence au tribunal de grande instance lorsque l’une ou l’autre de ces juridictions, voire les deux, ne sont pas établies.

L’article 11 abroge l’article 27 de l’ordonnance n° 96-1122 du 20 décembre 1996 modifiée relative à l’amélioration de la santé publique à Mayotte ― article qui donne compétence en matière de contentieux général et technique de la sécurité sociale au tribunal de première instance.

Enfin, les articles 12 à 16 de l’ordonnance prévoient les dispositions diverses et finales, l’article 13 prévoyant des dispositions dérogatoires au code de l’organisation judiciaire afin de permettre au premier président de la cour d’appel de Saint-Denis de La Réunion de répartir les juges au sein des nouvelles juridictions créées. L’article 16 est relatif à l’entrée en vigueur des dispositions de l’ordonnance.


Synthèse du conseil des ministres du 29 mars 2011

Le passage de Mayotte à la départementalisation s’accompagne, dès le 1er avril 2011, de la mise en place d’une nouvelle organisation judiciaire, conforme au droit commun.

Le tribunal de première instance et le tribunal supérieur d’appel sont remplacés par les juridictions suivantes : un tribunal de grande instance et un tribunal d’instance à Mamoudzou, un greffe détaché à Sada ainsi qu’une chambre d’appel, siégeant à Mamoudzou.

En matière pénale, une cour d’assises et une cour d’assises des mineurs remplacent respectivement la cour criminelle et la cour criminelle des mineurs, avec quelques adaptations tenant compte des spécificités locales.

De plus, un pôle de l’instruction et un tribunal de l’application des peines sont créés à Mamoudzou.

Des juridictions spécialisées, un tribunal mixte de commerce, un tribunal paritaire des baux ruraux, un conseil de prud’hommes, un tribunal de sécurité sociale et un tribunal du contentieux de l’incapacité, seront progressivement mises en place.

Cette nouvelle organisation judiciaire s’accompagne d’un renforcement significatif des effectifs de magistrats et de fonctionnaires, et d’un investissement immobilier important afin d’offrir aux nouvelles juridictions les locaux nécessaires à l’exercice de leur mission.


Installation des nouvelles juridictions du 101e département français

Michel Mercier, garde des sceaux, à Mayotte et à la Réunion du 8 au 11 avril 2011 - Communiqué du ministère de la justice et des libertés

Le Garde des Sceaux, Michel Mercier, s’est rendu à Mayotte et à la Réunion du 8 au 11 avril 2011 pour rencontrer les magistrats et personnels de Justice. A Mayotte, le déplacement du ministre a été notamment marqué par l’installation des nouvelles juridictions du 101ème département français.
Déplacement à Mayotte du Garde des SceauxA Mayotte, c’est le palais de Justice qui a tout d’abord accueilli le Garde des Sceaux. En présence de toutes les personnalités du département, Michel Mercier a installé officiellement les nouvelles juridictions et a rappelé les moyens qui accompagnent la mise en œuvre de la nouvelle organisation judiciaire de droit commun. Ainsi, ont été créés un tribunal de grande instance (TGI), un tribunal d’instance (TI) avec un greffe détaché à Sada, une chambre d’appel. Des juridictions spécialisées seront progressivement mises en place.

Un renforcement significatif des effectifs de magistrats et de fonctionnairesa été prévu : 11 magistrats et 16 fonctionnaires supplémentaires. Les juridictions de Mayotte comptent désormais 61 postes (contre 45).
Au plan immobilier, près de 1,5 millions d’euros sont investis dans les travaux pour les nouvelles juridictions. Des locations de bureaux et des redéploiements des juridictions sont organisés pour organiser au mieux l’activité juridictionnelle pendant les travaux.
L’occasion pour le ministre d’observer qu’il avait rencontré des « magistrats heureux ».

Samedi 9 avril, le ministre s’est rendu à lamaison d’arrêt de Majicavo. Il s’est dit « très impressionné par cet établissement, certes neuf, mais aussi parfaitement entretenu » en adressant ses félicitations à Gilbert Marceau, le chef d’établissement, et aux personnels pour un établissement qui « remplit toutes ses missions ». Avec 105 places aujourd’hui, cet établissement connaitra des travaux d’extension pour un montant de 60 millions d’euros, lui permettant d’accueillir 265 détenus en 2014. Il n’a pas manqué de dialoguer avec les organisations syndicales.

Avec la visite de l’association TAMA, c’est la protection de l’enfance et la justice des mineurs que Michel Mercier a souhaité évoquer. TAMA assure principalement quatre missions : les enquêtes rapides pour apprécier rapidement la situation d’un mineur, l’accompagnement social pour soutenir temporairement la famille, l’aide au retour lorsque se pose la question de la protection du mineur privé de ses parents, et les permanences sociales pour les rapprochements familiaux, notamment au commissariat au centre de rétention administrative (CRA) et dans la plupart des gendarmeries. L’association accueille pour une durée de séjour d’une moyenne de 6 mois environ les mineurs de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) sur le lieu de vie, qui compte 6 places.
Michel Mercier a également évoqué le sujet des mineurs isolés étrangers, problématique très présente dans le département avec les acteurs de l’observatoire des mineurs isolés étrangers. L’objectif de cette instance est d’assurer l’évaluation quantitative et qualitative la plus fine possible du phénomène des mineurs isolés étrangers (MIE) à Mayotte. Il contribuera à alimenter l’observatoire sur les MIE que la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) souhaite mettre en œuvre au plan national. La DPJJ a en effet été missionnée sur ce sujet par le Premier Ministre en décembre 2010.

Le ministre a clôturé sa visite à Mayotte par une rencontre avec Abdou Bachirou, Grand Cadi honoraire avec lequel il a évoqué la réflexion en cours sur les nouvelles missions de médiation envisagées pour les cadis

Le 11 avril à la Réunion, Michel Mercier a visité le centre pénitentiaire de Saint-Denis, à Domenjod, guidé par Hubert Moreau, chef d’établissement Après la visite de l’établissement, le ministre s’est entretenu avec les représentants du personnel. « Je suis très impressionné par cet établissement, certes neuf, mais aussi parfaitement entretenu, a écrit le ministre sur le livre d’or. Je remercie tous les personnels pour leur implication forte dans son fonctionnement. » Le ministre a annoncé au cours de cette visite la construction d’un nouvel établissement à Saint-Pierre qui ouvrira ses portes en 2017.
Terminant son déplacement à la Réunion, le ministre a souhaité rencontrer les magistrats et fonctionnaires du ressort de la Cour d’appel de la Réunion. Rappelant que depuis 2007, 15 postes ont été créés pour les greffes des juridictions réunionnaises et qu’il n’y aura aucune vacance de postes de magistrats cette année - sous réserve des avis du Conseil supérieur de la magistrature sur les projets de nominations -, Michel Mercier a annoncé l’inscription à la programmation immobilière 2011 des travaux envisagés au TGI de Saint-Pierre, pour un montant global de 700 000 euros.