Pau : expulser trois étudiantes comoriennes arrivées à Mayotte à l’âge de deux et sept ans ?

Forts mouvements de soutien au sein de l’université
jeudi 25 février 2010

Elles sont comoriennes, et avaient toujours vécu à Mayotte depuis l’âge de deux et de sept ans jusqu’à ce qu’elles partent effectuer des études à l’université de Pau.
Selon le Ceseda, une personne qui a vécu en France depuis au moins l’âge de 13 ans est protégée contre toute mesure de reconduite à la frontière.
Mais Mayotte n’est pas "en France" au sens du Ceseda et avoir vécu à Mayotte depuis l’âge de 13 ans ne protège pas contre une mesure de reconduite prise à Pau...

Heureusement, elles sont efficacement soutenues, depuis leur arrivée en France en 2008, par le réseau université sans frontières (RUSF).
Une procédure contentieuse est engagée ; et une large mobilisation, notamment au sein de l’université de Pau, soutient ces deux étudiantes.

Signer la pétition "Régularisation pour Sitti, Liouize et Iradatie"
http://6316.lapetition.be/

Sitti, Liouize et Iradatie sont arrivées des Comores à Mayotte (collectivité française d’outre-mer) entre 2 et 7 ans. Elles y ont fait toute leur scolarité, ont obtenu des papiers. Leurs pères et certains de leurs frères et sœurs sont de nationalité française. Elles ont obtenu leur baccalauréat en 2008 et ont souhaité venir en métropole pour poursuivre leurs études car il n’y a pas d’université à Mayotte. De façon inexpliquée la préfecture de Mamoudzou ne leur a pas délivré de visa. Pour ne pas perdre une année d’étude, elles sont tout de même venues et ont étudié à l’Université de Pau. En 2008-2009, elles étaient boursières de l’Etat français.
Malgré leurs démarches répétées, le préfet des Pyrénées Atlantiques veut les expulser vers les Comores et les contraint à la clandestinité. Le 25 janvier 2010, Sitti et Liouize ont été arrêtées par la police de l’air et des frontières avant d’être libérées 4 jours plus tard par la justice. Nous les côtoyons au quotidien, elles suivent nos cours, partagent nos amphis et risquent d’être expulsées à tous moments comme beaucoup d’autres sur le campus.
 Nous exigeons leur régularisation et que le préfet les laisse terminer leurs études en paix !

L’appel à désobéir au préfet des enseignants de Pau

« Nous, enseignants et Biatos à l’université de Pau, acceptons d’héberger les deux étudiantes comoriennes que M. le préfet oblige à la clandestinité ».
330 de ces personnels enseignants et administratifs sur quelques 900 ont déjà signé leur engagement à ne pas suivre les autorités plutôt enclines à expulser ces étudiantes.
Lire le texte et la liste des signataires dans l’article suivant dont nous reproduisons le dessin :
Le campus de Pau cache les étudiantes Comoriennes que le préfet veut expulser, LibeToulouse, 25 février 2009

Presse

  • A Pau, deux étudiantes comoriennes sans papiers sont menacées d’expulsion
    Article de Philippe Jacqué publié par le Monde, 25 février 2010 ; version électronique sur lemonde.fr

Sitti Youssouf, 22 ans, et Liouize Ali, 24 ans, sont deux étudiantes comoriennes de géographie à l’université de Pau, studieuses et assidues. Leur vie vient de basculer.
Le 25 janvier, elles ont été appréhendées par la police aux frontières (PAF) à la sortie de leur cité universitaire, pour défaut de titre de séjour. Transférées à Paris, elles ont été libérées, le 29 janvier, pour vice de procédure. De retour sur leur campus, "elles aperçoivent, le 15 février, les mêmes policiers de la PAF en civil dans la faculté de lettres", rapporte Cyril, du Réseau universités sans frontières (RUSF) qui suit depuis un an les jeunes filles.
Si la préfecture des Pyrénées-Atlantiques dément la présence de la PAF sur le campus, Sitti et Liouize vivent désormais cachées. "La semaine prochaine, à la reprise des cours, elles étudieront à distance. Nous leur ferons parvenir les cours photocopiés", explique Cyril.
A l’université de Pau, c’est l’"union sacrée" autour de ces jeunes femmes. Outre des manifestations, 330 universitaires et administratifs ont signé un engagement à "héberger les deux étudiantes comoriennes que M. le préfet oblige à la clandestinité" tout en acceptant "les risques d’une action illégale, mais légitime".
Lancé par Jean Ortiz, responsable du Snesup à Pau, "cet appel a été signé par un tiers des personnels de l’université ! L’ont signé des mandarins, des conservateurs, des progressistes, des militants. Bref, toute la communauté universitaire", remarque-t-il. "Cette mobilisation citoyenne est une résistance contre un manque d’humanité", complète Philippe Tizon, l’un des professeurs des étudiantes.

"Compliqué"
C’est que le cas de Sitti et Liouize est "compliqué". Arrivées à l’âge de 2 ans à Mayotte en provenance d’Anjouan, une autre île des Comores, elles ont vécu toute leur vie sur le territoire d’outre-mer, où elles disposaient d’un titre de séjour. De même, précise leur avocate, Me Massou-dit-Labaquère, le père de Sitti est français, tandis que le beau-père, et tuteur, de Liouize est également de nationalité française.
Après leur bac, elles ont demandé un visa pour poursuivre leurs études à Pau auprès de la préfecture de Mamoudzou, à Mayotte. "Face à l’absence de réponse", selon leur avocate, ou "malgré le refus de délivrance d’un titre", selon la préfecture de Pau, Sitti et Liouize rejoignent en septembre 2008 la métropole et s’inscrivent à l’université. Elles obtiennent chacune une bourse et une chambre universitaire.
"Afin de régulariser leur situation, elles se présentent au bureau des étrangers de la préfecture. Après un refus oral, cette dernière notifie par écrit son refus de titre de séjour et l’obligation pour les jeunes filles de quitter le territoire en mars 2009. Un jugement du tribunal administratif confirme cet arrêté en juillet 2009", note Me Massou-dit-Labaquère.
Malgré cette procédure, l’université les admet en septembre 2009 en deuxième année. Le 25 janvier, viendra l’arrestation. La préfecture souhaite toujours les expulser aux Comores, où elles n’ont plus d’attache, et non à Mayotte, où vivent encore une partie de leur famille, car l’obligation de quitter le territoire français les empêche d’y retourner...
"C’est une situation compliquée, mais elle peut trouver une solution simple avec la régularisation de Sitti et Liouize", conclut, avec espoir, Jean-Louis Gout, président de l’université de Pau.

« Oh ! Vous êtes là ! On se sentait complètement désemparés ». Il est 10 heures du matin, lundi, dans l’un des couloirs de l’Université de Pau et des pays de l’Adour, quand une étudiante se jette dans les bras de Sitti, sa camarade comorienne.
La jeune fille fond en larmes, avant d’enlacer également Liuizine, tout sourire. L’émotion est intense parmi les quelques jeunes gens présents.
Voici peu de temps encore, ces deux jeunes filles étaient enfermées dans un centre de rétention parisien, redoutant d’être expulsées de France. Dans quelques minutes, elles vont retrouver leur salle de cours sous les applaudissements d’une vingtaine d’étudiants. Et reprendre leur vie universitaire comme si rien ne s’était passé, ou presque. Car elles l’avouent, la peur d’être à nouveau arrêtées continue à leur nouer le ventre à chaque instant.

Solidarité
La semaine vécue par ces deux jeunes femmes, nées aux Comores mais élevées à Mayotte, a été psychologiquement terrible.
Interpellées le 25 janvier à Pau parce qu’elles étaient en situation irrégulière, Sitti, 24 ans, et Liuizine, 21 ans, se sont retrouvées dans le centre de rétention de l’île de la Cité, à Paris. « Il y avait là des Asiatiques, des Africains, des gens de pays de l’Est. À tout moment, on éprouvait l’inquiétude de se retrouver dans un avion, expulsées », racontent-elles.
Un enfermement éprouvant. « Surtout lorsque l’on voyait le nom de telle ou telle personne affiché sur un tableau, à côté de l’heure de son départ. Chaque fois, on se disait que notre tour allait venir. Tout le monde était angoissé. »
Tandis qu’à l’extérieur la solidarité des associations et des amis s’organisait, à l’intérieur, les expulsés potentiels se serraient les coudes. « Les gens n’avaient pas le droit de détenir un téléphone portable capable de prendre des photos. Quand ce n’était pas le cas, ils prêtaient leur appareil à ceux qui en étaient dépourvus. Et on s’informait de nos situations mutuelles. De même, si quelqu’un était convoqué chez le juge, on s’entraidait moralement. »

« Là pour nos études »
La libération des deux étudiantes, obtenue grâce à un vice de procédure, leur a été annoncée jeudi par Réseau universités sans frontières (RUSF). « J’ai hurlé de joie. Je n’y croyais pas », dit Sitti.
En quinze minutes, elles se sont retrouvées dehors, accueillies par des amis qui, après les avoir hébergées, les ont ramenées à Pau.
Aux yeux de l’administration, toutes deux restent en situation irrégulière. Elles connaissent la précarité de leur situation. Bien qu’elles aient du mal à comprendre comment, on peut les expulser vers l’Union des Comores. Un pays étranger où, certes, elles sont nées. Mais sachant qu’elles ont passé toute leur jeunesse à Mayotte, collectivité française, qui deviendra d’ailleurs l’un de nos départements en 2011. « Au plus profond de nous, nous nous sentons françaises ». Beau sujet pour alimenter le fameux débat sur la citoyenneté.
En fait, le sentiment qui les étreint est simple. « Nous avons peur. Nous sommes obligées de vérifier à chaque pas si nous sommes suivies, et s’il n’y a pas la police derrière nous. C’est très difficile à vivre. Mais nous nous disons aussi que nous sommes là pour nos études. »
Une formation de géographe que Sitti et Liuizine, étudiantes en seconde année de licence, n’envisagent un instant pas d’abandonner. « Nous sommes venues pour cela. » Pas question non plus de se dissimuler. Même si le lieu d’hébergement que leur offrent des amis qui les soutiennent reste aujourd’hui discret.
« Depuis notre arrivée, nous ne nous sommes jamais cachées », dit Liuizine. « Nous avons assisté régulièrement à tous nos cours. Pour certaines personnes, le mot études ne signifie peut-être pas grand-chose. Mais pour nous, cela représente tout notre passé et tout notre avenir. Nous continuerons à nous battre pour cela. »

Pétition et portraits
Hier, toutes deux ont tenu à remercier toutes les personnes qui les ont aidées. En espérant que le préfet « pourra revenir sur sa décision », et que l’obligation de quitter le territoire français dont elles font l’objet sera levée. En attendant, la mobilisation des milieux universitaires se poursuit [1]. Une pétition a été lancée sur Internet et plus de 150 personnes de diverses sensibilités, dont le PS, le PCF et le Modem, ont manifesté hier devant la préfecture, en faveur des deux jeunes femmes. Toutes demandent qu’une carte de séjour temporaire étudiant-élève leur soit délivrée.
La mairie de Pau, représentée lors de la manifestation par Martine Lignières-Cassou, a aussi été contactée pour installer les portraits de Sitti et Liuizine sur sa façade. Par solidarité.

[1] Un soutien unanime aux étudiantes comoriennes a été voté lundi par les élus du Conseil d’UFR de lettres, langues et sciences humaines.

  • Pau : Les étudiantes comoriennes restent libres,
    La cour d’appel de Paris vient de rejeter la requête du parquet, qui avait fait appel de la remise en liberté de deux étudiantes comoriennes en situation irrégulière, et interpellées en début de semaine en vue de leur expulsion.
    Article de Nicolas Rebière, paru dans Sud-Ouest, 28 janvier 2010

La cour d’appel de Paris vient de rejeter la requête du parquet, qui avait fait appel de la remise en liberté de deux étudiantes comoriennes en situation irrégulière, et interpellées en début de semaine en vue de leur expulsion. L’affaire avait provoqué une mobilisation à l’Université de Pau, mais aussi de la part de la classe politique locale. Hier soir, le conseil municipal de Pau avait d’ailleurs émis à l’unanimité un "voeu" pour soutenir Sitti et Liouize.

Quant au préfet des Pyrénées-Atlantiques, il commente cette décision en reconnaissant que certes, le juge des libertés et de la détention a rejeté la demande de prolongation de rétention des deux étudiantes "suite à un vice de procédure", mais "dans le même temps, le juge a confirmé qu’elles avaient l’obligation de quitter le territoire. Je souhaite désormais que cette obligation soit respectée et qu’on n’ait pas besoin d’en venir à une reconduite à la frontière", ajoute Philippe Rey.

  • Étudiantes comoriennes arrêtées à Pau. Sitti et Liouize restent en rétention malgré une décision favorable du juge - Une demi-victoire, 28 janvier
    Sur le site de RESF ; source Sud-Ouest

Manifestation de soutien hier devant les grilles de la préfecture à Pau. (Photo Jean-Louis Duzert) Leur situation en France était peut-être irrégulière. Mais leur interpellation pourrait l’être au moins autant. Un juge des libertés et de la détention (JLD) a rendu hier vers 17 h 30 une ordonnance favorable aux deux étudiantes comoriennes, en décidant de leur libération. Pour le plus grand désespoir de leurs soutiens, le parquet a interjeté appel de cette décision dans la soirée. Résultat de cette journée à rebondissements : les deux jeunes femmes restent en rétention. La date de l’examen en appel de leur dossier n’est pas connue. Sitti Youssouf et Liouize Ali, inscrites en deuxième année de géographie à l’université de Pau et des Pays de l’Adour, sont sous le coup d’un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière depuis mars dernier.
(...)

VOIR LES DÉCISIONS DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF ET DE LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL