Pour une mission foraine de la CNDA à Mayotte et contre le projet d’audiences audiovisuelles

Lettre à la présidente de la CNDA des collectifs Migrants Mayotte et Mom, 3 février 2011
jeudi 3 février 2011

Madame la Présidente,

Nous souhaitons vous exprimer notre inquiétude face à la situation des demandeurs d’asile présents sur le territoire de Mayotte ayant présenté un recours auprès de votre Cour.
En effet, depuis juin 2009, aucune audience foraine n’a été organisée à Mayotte pour auditionner les demandeurs d’asile ayant émis une requête auprès de votre Cour. Le territoire de Mayotte compte pourtant un nombre important de demandeurs d’asile (plus de 800 nouvelles demandes
d’asile enregistrées auprès de l’OFPRA pour l’année 2010). De ce fait, un grand nombre de requérants demeurent dans l’attente d’une convocation pour audience depuis plus d’un an et demi. Devant l’importance de cette demande d’asile, l’OFPRA a maintenu en 2010 ses audiences foraines sur le territoire, l’une en mai pour les demandeurs d’asile originaires de Madagascar et
des Comores et une autre en octobre dernier pour les demandeurs d’asile originaires d’Afrique et notamment de la région des Grands Lacs.

En l’absence d’audiences foraines, les demandeurs d’asile présents sur le territoire sont maintenus dans l’attente et ce parfois pour plusieurs années, dans des conditions d’une extrême précarité. En effet à Mayotte, l’absence de Centre d’Accueil de Demandeurs d’Asile (CADA), de l’Allocation Temporaire d’Attente (ATA) et du droit au travail pour les demandeurs d’asile
plongent ces derniers dans des conditions de vie extrêmement précaires et fragilisent ces populations déjà éprouvées par leur parcours d’exil. Les moyens actuels existants à Mayotte pour l’accueil des demandeurs d’asile se traduisent ainsi au quotidien par des stratégies de survie, bien plus que sur le reste du territoire de la République.

Ce déséquilibre territorial en termes d’infrastructures et d’aides, est accentué par l’éloignement de Mayotte avec la métropole, représentant un obstacle majeur aux procédures relatives à l’asile. En effet, les demandeurs d’asile ayant formé un recours auprès de votre Cour et destinataires
d’une convocation à Paris, nous font très souvent part des difficultés de financement des billets d’avion, le transport étant entièrement à leur charge. A ces problèmes, s’ajoutent des difficultés administratives pour obtenir des laissez-passer vers la métropole afin d’être auditionnés. A cause
de ces obstacles, les intéressés se trouvent parfois contraints de laisser leurs enfants seuls sans aucune prise en charge sur le territoire de Mayotte le temps de leur audition à Paris. Les moyens devraient pourtant leur être accordés afin qu’ils puissent répondre à leurs convocations et jouir
pleinement de leurs droits au recours de leur demande d’asile.

Le projet de lois sur l’immigration et notamment l’article 75ter relatif au traitement de l’asile dans les territoires d’outre-mer précise que l’audience du demandeur d’asile par la Cour Nationale du Droit d’Asile pourrait « se dérouler avec l’utilisation de moyens de télécommunication audiovisuelle ». Nous partageons ainsi les inquiétudes d’un certain nombre d’associations telles que celles défendant le droit d’asile en Guyane, ainsi que de certains
parlementaires tel que monsieur Etienne PINTE qui précisait à l’assemblée nationale que « La visioconférence est devenue la règle pour la plupart des entretiens à l’OFPRA, en Guyane et à Mayotte. Le demandeur d’asile, en outre-mer, ne pourrait donc avoir un entretien de vive voix
avec aucun des organes de détermination de l’asile.
 ».

Dans un esprit d’égalité et de justice pour tous les requérants, où qu’ils se trouvent sur le territoire de la République Française, il nous semble essentiel que la Cour puisse évaluer les craintes des requérants en les entendant en personne et ce, dans un cadre approprié.

Sur la base des différents constats énoncés ci-dessus, nous demandons à la Cour Nationale du Droit d’Asile de bien vouloir organiser dans un avenir très proche de nouvelles audiences à Mayotte et ce, de manière périodique et régulière. Nous souhaitons également vous exprimer notre désapprobation concernant le projet d’audience dans le cadre de visioconférences.

Souhaitant que vous réserviez une suite favorable à notre requête, et que vous puissiez permettre de maintenir et de garantir le respect de la demande d’asile et des droits des demandeurs d’asile à Mayotte, veuillez recevoir, Madame la Présidente, l’expression de nos sentiments distingués.

3 février 2011
Collectifs Migrants-Mayotte et Mom

Voir la lettre en PDF avec les associations membres des collectifs