Projet de loi sur la retenue remplaçant la garde à vue des étrangers en situation irrégulière et sur le délit "de solidarité"

Applicabilité en outre-mer
vendredi 28 septembre 2012

Projet de loi du ministère des affaires étrangères et exposé des motiifs

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L’aide à l’entrée et au séjour irréguliers selon le projet de loi.

Bien que le délit de "séjour irrégulier" (art. L. 621-1 du Ceseda) soit supprimé conformément à la jurisprudence européenne, l’"aide à l’entrée et au séjour irréguliers" reste un délit (art. L. 622-1 à 622-3 du Ceseda). La modification apportée par le projet de loi est la suivant (parties en gras).

  • Art. L. 622-4 (selon le projet de loi)
    Sans préjudice des articles L. 621-2, L. 623-1, L. 623-2 et L. 623-3, ne peut donner lieu à des poursuites pénales sur le fondement des articles L. 622-1 à L. 622-3 l’aide au séjour irrégulier d’un étranger lorsqu’elle est le fait :
    1° Des ascendants ou descendants de l’étranger, de leur conjoint, des frères et soeurs de l’étranger ou de leur conjoint, sauf si les époux sont séparés de corps, ont un domicile distinct ou ont été autorisés à résider séparément ;
    2° Du conjoint de l’étranger, sauf si les époux sont séparés de corps, ont été autorisés à résider séparément ou si la communauté de vie a cessé, ou de la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui ou de ses ascendants, descendants ou frères et sœurs.
    3° De toute personne physique ou morale, lorsque l’acte reproché était, face à un danger actuel ou imminent, nécessaire à la sauvegarde de la personne de l’étranger, sauf s’il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace ou s’il a donné lieu à une contrepartie directe ou indirecte.
    De toute personne physique ou de toute personne morale sans but
    lucratif portant assistance aux étrangers et leur fournissant des prestations de
    restauration, d’hébergement ou de conseils juridiques, lorsque l’aide
    désintéressée que cette personne physique ou morale peut apporter dans ce
    cadre n’a d’autre objectif que d’assurer des conditions de vie dignes et
    décentes à la personne de nationalité étrangère en situation irrégulière.

L’adoption du point 4° serait évidemment favorable au travail associatif. A noter cependant que :

  • ne sont concernés ni l’aide à l’entrée irrégulière, ni l’aide à un mariage ou à la reconnaissance d’un enfant considérés comme contractés en vue de faciliter la régularisation ou l’accès à la nationalité française d’un étranger ou d’une étrangère en situation irrégulière ;
  • la protection de l’aide "désintéressée" (sans but lucratif) est prévue de longue date par une directive européenne. Elle est conditionnée à un objectif humanitaire sans "autre objectif que d’assurer des conditions de vie dignes et
    décentes à la personne de nationalité étrangère en situation irrégulière" ce qui laisse une marge d’appréciation quant à l’"objectif" de l’aide.

Application dans l’espace

  • Applicabilité du projet de loi dans les départements et collectivités d’Amérique et à la Réunion
    • Extrait de l’exposé des motifs

« Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), à
l’exception de ses dispositions concernant le droit d’asile, n’est pas applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna.
Ces collectivités d’outre-mer étant, au regard du droit européen, des PTOM et ne
faisant pas partie de l’espace Schengen, les modifications du CESEDA résultant des décisions de la Cour de cassation du 5 juillet 2012 qui tirent elles-mêmes les conséquences de la directive retour, n’ont pas lieu d’être. Les articles 1er à 8, modifiant le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), sont donc conformément à son article L. 111-2 applicables en France métropolitaine, dans les départements d’outre-mer, à l’exception de Mayotte ainsi qu’à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin.
Pour ces deux dernières collectivités et en vertu des articles LO 6213-1 et LO 6313-1 du code général des collectivités territoriales, une mention expresse d’applicabilité est nécessaire : c’est l’objet de l’article 12.
 »

  • Transcription du projet de modification de l’article L. 622-4 du Ceseda dans les ordonnances de trois collectivités d’outre-mer. Statu quo à Mayotte

En revanche, l’élargissement de l’immunité pénale prévue à l’article L. 622-4 du
CESEDA, sans lien avec la directive retour, est étendu à ces collectivités d’outre-mer. Les articles 6 à 8 reprennent donc les modifications apportées au CESEDA sur ce point en modifiant les dispositions équivalentes à l’article L. 622-4 de ce code :

  • le III de l’article 28 de l’ordonnance du 26 avril 2000 pour les îles Wallis-et-
    Futuna (cf. art. 9) ;
  • le III de l’article 30 de l’ordonnance du 26 avril 2000 pour la Polynésie
    française (cf. art. 10) ;
  • le III de l’article 30 de l’ordonnance du 20 mars 2002 pour la Nouvelle-Calédonie (cf. art. 11).
    • Extrait de l’exposé des motifs

« Le droit des étrangers applicable à Mayotte fait actuellement l’objet d’une réflexion globale. En effet, dans le cadre de l’accession de Mayotte au statut de Région Ultra Périphérique, l’ordonnance n°2000-373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers à Mayotte va être révisée, afin qu’y soit intégré l’acquis communautaire en matière d’entrée et de séjour des étrangers. De plus, M. Alain Christnacht, Conseiller d’Etat, a été chargé, le 30 juillet 2012 par le ministre des affaires étrangères, le ministre de l’intérieur et le ministre des outre-mer de dresser un état de situation à Mayotte en termes
d’immigration irrégulière et de formuler des recommandations, notamment sur le régime juridique applicable en matière d’entrée et de séjour des ressortissants étrangers dans cette collectivité. Ses propositions sont attendues pour la fin du mois de septembre 2012. Dans ce contexte, il a été choisi de ne pas étendre immédiatement l’élargissement de l’immunité pénale, pour le délit d’aide au séjour irrégulier, à la famille du conjoint et aux associations humanitaires à Mayotte.
 »

    • Commentaire de Mom

Cette exception maintenue à Mayotte où plusieurs militants associatifs ont récemment été victimes de mesures dissuasives liées à leurs activités de soutien à des personnes étrangères en situation irrégulières n’est pas de bon augure sur la suite des réformes annoncées...
Qui sait ? Nous aimerions avoir tort... Nous scruterons de près le projet de loi qui suivra les propositions de M. Christnacht.