Le soutien officiel aux Haïtiens de France n’était-il qu’illusion ?

Rien de concret pour faciliter leur régularisation et l’accueil de leurs proches depuis le séisme
samedi 10 avril 2010

"Les Haïtiens exilés en France - souvent dans l’un des départements d’Amérique - cherchent souvent à accueillir en urgence un ou plusieurs de leurs proches : enfants devenus mineurs isolés après le décès de la grand-mère ou de la cousine qui s’en occupait, proches blessés et/ou sans abris depuis que leur maison s’est écroulée, ...
La même urgence concerne des Français dont une partie de la famille est haïtienne, ou dont un concubin ou un proche est haïtien.

Pendant deux mois, ils ont espéré des facilités et multiplié les appels téléphoniques, envois de courriers électroniques ou de mails, aux téléphones ou adresses mails d’urgence du ministère de l’immigration et de la sous-direction des visas du ministère située à Nantes. De très rares situations ont été débloquées de manière totalement discrétionnaires.

Les contacts d’"urgence" sont silencieux depuis le début du mois de mars. Aucune instruction ministérielle ne facilite, depuis le séisme, la régularisation d’un Haïtien sans papiers ou qu’un l’accueil en France d’un Haïtien par l’un de ses proches.
Les exigences relatives à l’état civil qui entravaient les démarches tant auprès des préfectures que du consulat de France en Haïti n’ont pas été allégées... et risquent d’être encore plus difficiles à satisfaire notamment parce que de nombreux documents sont sous les décombres.

Une éventuelle évolution de la situation dépend :
- de la mobilisation des Haïtiens de France et de leurs soutiens (voir en Guyane, en Guadeloupe, à Paris ;
- d’une plus large prise en compte par les médias ;
- de l’évolution d’une jurisprudence qui commence à prendre en compte l’urgence et les conditions exceptionnelles et humanitaires issues du séisme ainsi que l’impossibilité d’obtenir les documents d’état civil exigés par l’administration.


Presse

  • RTL, Les Haïtiens de France peinent à faire venir leurs proches victimes du séisme, 20 mars 2010, Thomas Prouteau
    Au lendemain du séisme en Haïti, Eric Besson, ministre de l’Immigration et de l’Identité Nationale, s’était engagé à alléger les conditions du regroupement familial pour les haïtiens vivant en France. Depuis, 9 000 dossiers ont été présentés, 5.000 ont été retenus, mais seuls 500 visas ont été accordés.
    Écouter sur RTL.fr
  • Libération, 23 février 2010 - Trois articles de Catherine Coroller
    • Les Haïtiens de France sans famille
      Malgré les promesses d’Eric Besson, le regroupement familial de victimes du séisme n’est pas facilité.

« L’ampleur et la gravité de la catastrophe naturelle en Haït » l’avaient ému. Au surlendemain du séisme du 12 janvier, Éric Besson avait promis « un allégement des conditions du regroupement familial » et « des facilités accordées pour la délivrance des visas pour visites familiales ». Un mois et demi plus tard, les associations constatent que ces promesses n’ont pas été tenues.

Du côté des Haïtiens de France, les attentes sont immenses. Selon le ministère de l’Immigration, le numéro d’urgence mis en service après le séisme a reçu 8.000 appels. « Ils concernent essentiellement des questions de séjour, explique Franck Supplisson, le directeur de cabinet adjoint de Besson. Les gens demandent à faire venir telle ou telle personne d’Haïti. » Sur ces 8 000 appels, « 4 000 sont hors des clous légaux, poursuit Supplisson. Les gens veulent faire venir une tante, un cousin, un ami. »

Or, le regroupement familial ne concerne que le conjoint et les enfants mineurs. Sur les 4 000 appels « dans les clous légaux », 400 ont été traités. « On a eu le cas hier d’un conjoint de Français dont le mariage célébré en Haïti n’avait pas encore été transcrit par le service de l’état civil de Nantes. On lui a néanmoins accordé un visa et un droit au séjour », plaide le collaborateur de Besson. « On a également des demandes pour lesquelles manquait un papier de l’état civil haïtien . » A ce jour, 3 600 appels « dans les clous légaux » attendent donc toujours une réponse.

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    • « Les Français qui ont adopté des enfants en Haïti ont pu les faire venir, mais nous, rien »

Mona Pierre, réfugiée politique depuis 2004 en France, n’a pu faire venir sa mère, blessée.
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    • « Ils m’ont dit qu’ils allaient faire une liste et se pencher sur chaque cas »

En France depuis 2005, Kettle Bastien Jean, qui avait obtenu le regroupement familial, attend toujours de revoir ses deux filles et son fils.
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Blog "Indiscrétions"

Dans le désastre du séisme, des milliers d’enfants se retrouvent isolés en Haïti. Parce qu’ils ont perdu leurs parents, leurs familles,leurs voisins. Parce que les orphelinats dans lesquels la misère de leurs parents avait fait leur demeure se sont effondrés. Nous sommes convoqués à la pitié devant ces images d’enfants sortis des décombres, sollicités à donner argent, nourriture… Mais l’avenir de ces enfants qui ont subi un tel traumatisme, qui mettront des années ( comme leur pays) à s’en remettre n’est absolument pas pris en compte dans tous les dispositifs actuels que propose ou ne propose pas le gouvernement français. D’un côté, les procédures d’adoption en cours sont accélérées, de l’autre il n’y a aucun assouplissement réel des regroupements familiaux. Dans les deux cas, il n’est pas tenu compte des besoins des enfants pour se reconstruire après un tel traumatisme.

Pour les enfants en cours d’adoption, environ 5OO dossiers ont déjà eu un jugement d’adoption, mais pour beaucoup, toutes les rencontres avec les parents adoptant prévus par la procédure normale n’ont pas eu lieu. Madame Morano, en visite en Guadeloupe avait déclaré vouloir réaliser un espace de transition aux Antilles françaises pour permettre aux enfants de se ressaisir et aux parents adoptants de faire connaissance avec ces enfants avant de les ramener en France. En effet, ce n’est pas parce que les papiers sont en règle que ces familles, ces femmes en attente d’enfants à adopter sont en mesure de s’adapter à ces petits qui ne parlent pas leur langue et qui sont complètement « explosés » par le traumatisme du tremblement de terre qui vient faire écho avec l’abandon, la perte.. Par la suite, il n’a plus été question de cette affaire. Près de 300 d’entre eux, convoyés par avion militaire, sans accompagnement, en Guadeloupe et en Martinique ont été ensuite envoyés en France par long courrier normal avec des accompagnateurs (un adulte pour deux ou trois enfants de quelques mois à 7-8 ans) juste après une brève escale.Et il y a des centaines d’enfants pour lesquels les dossiers ne sont pas complets et qui pourraient suivre le même chemin. Comme s’il fallait se débarrasser très vite de ces enfants pour des raisons financières, par peur de les avoir sur les bras en Guadeloupe et en Martinique si les adoptants changent d’avis au vue des difficultés psychologiques de ces petits.

Il n’y a aucune procédure d’accélération, d’assouplissement pour les demandes de regroupement familial d’Haïtiens habitant aux Antilles, en Guyane, en France qui, pour essayer de gagner de quoi les faire vivre, avaient dû laisser leurs enfants à leur famille…Certains de ces enfants se retrouvent dans la rue parce que les maisons sont effondrées, seuls parce que les adultes qui s’en occupaient sont décédés dans le séisme. De nombreux parents souhaitent faire venir leurs enfants auprès d’eux. Les différentes pièces constituant les dossiers de demande de regroupement familial sont très difficiles et pour certains impossibles à rassembler. La première condition requise est la possession d’un titre de séjour. Nombreux sont les Haïtiens qui sont sur le territoire français depuis de nombreuses années sans avoir pu avoir ce précieux sésame. Sans parler des conditions de ressources et de logement difficile à satisfaire même pour ceux qui sont en situation régulière. Sans parler des difficultés à rassembler les pièces administratives officielles…ensevelies sous les décombres !

Quand Monsieur Besson déclare le 14 janvier : « Dans des conditions aussi effroyables que douloureuses, tous nos efforts doivent se concentrer sur l’aide aux Haïtiens » on aimerait lui rappeler que les enfants d’Haïti sont l’avenir de ce pays et qu’il importe de développer toutes les formes de solidarité, de faire preuve fraternité pour qu’ils puissent se reconstruire et peut-être contribuer à reconstruire leur pays. La pitié ne suffit pas.