Ceseda, art. L. 723-2 modifié par l’art.5 du projet de loi
L’office statue en procédure accélérée […]
III. Lorsque l’autorité administrative chargée de l’enregistrement de la demande d’asile constate que :
3° – Sans raison valable, le demandeur qui est entré irrégulièrement en France ou s’y est maintenu irrégulièrement n’a pas présenté sa demande dans le délai de quatre-vingt dix jous [selon l’article 5,I de la loi, passage de cent vingt jours à quatre-vingt dix jours], à compter de son entrée en France.
En Guyane seulement, ce délai est abaissé à soixante jours (selon l’art. 38,II du projet de loi)
Avis
A. Conseil d’État, Assemblée générale, 15 février 2018, n° 394206, avis sur le projet de loi immigration-asile du 21 février 2018
[Le projet de loi introduit] "deux adaptations nouvelles.
La première concerne la Guyane : la procédure accélérée d’examen des demandes d’asile devant s’appliquer lorsque l’étranger n’a pas déposé de demande d’asile dans les 60 jours suivant son arrivée et non comme pour le reste du territoire dans les 90 jours.
La seconde adaptation est propre à Mayotte où il est prévu que le
juge des libertés et de la détention doit statuer, s’agissant du placement en rétention des étrangers, dans les 24h suivant sa saisine et non comme dans le reste du territoire, dans les 48 heures.
Au regard des particularités de la situation migratoire dans ces territoires, ces adaptations sont justifiées et conformes à ce qu’autorisent les dispositions constitutionnelles".
B. Étude d’impact
Appliquer de manière plus efficace la procédure accélérée en cas de demande d’asile tardive.
Il est proposé de modifier l’article L. 723-2 du CESEDA pour réduire de cent-vingt à quatre-vingt-dix jours le délai courant à compter de l’entrée sur le territoire pour déposer une demande d’asile et au-delà duquel l’autorité administrative pourra examiner la demande selon la procédure accélérée. Par ailleurs, il est prévu à l’article L. 767-1 de fixer ce délai à soixante jours, s’agissant des demandes d’asile présentées en Guyane, ce régime se justifiant par la spécificité de ce territoire exposé à une forte pression exercée par une demande d’asile qui dans sa grande majorité ne relève pas d’un besoin de protection.
La Guyane présente en effet des caractéristiques et des contraintes particulières qui génèrent en matière d’asile, une situation différente des autres collectivités. Entourée par le Brésil et le Surinam, les frontières sont particulièrement difficiles à contrôler et se trouvant dans un environnement régional dans lequel les législations des droits des personnes moins protectrices, la Guyane constitue une enclave très attractive pour les flux migratoires. Tel est en particulier le cas sur le plan de l’asile dont la législation découle des directives européennes, fondamentalement conçues pour s’appliquer au territoire européen des États membres et dont l’application en Guyane soulève des difficultés spécifiques.
La demande d’asile y est ainsi en très forte hausse et n’est, pour la très grande majorité des demandeurs, pas justifiée par un besoin de protection. Depuis 2015, cette demande a de fait crû de manière exponentielle passant de 1 099
demandes en 2014 à 2 698 en 2015, puis à 5 486 en 2016, pour s’établir en 2017 à 5 917, soit une demande plus de cinq fois supérieure à celle de 2014. À titre de comparaison, la demande d’asile hors Guyane a augmenté de 32% entre 2014 à 2017 (de 63 712 demandes à 94 495 demandes). Il s’agit pour l’essentiel d’une
demande haïtienne (près de 89% de la demande d’asile en Guyane et plus de 6% de la demande totale ce qui la place au 3ème rang), motivée davantage par des considérations économiques, et notamment par le bénéfice de l’allocation pour demandeurs d’asile, que par un besoin de protection internationale au sens des
instruments en vigueur. Ainsi le taux d’accord s’élevait en 2016 à 3,4% (OFPRA) et à 4,7% (OFPRA+CNDA) et en 2017 à 2,8 % (OFPRA), contre un taux de protection général qui se situe en 2017 à 39% (OFPRA+CNDA)
S’agissant du régime applicable aux demandes d’asile tardives en Guyane, celui-ci respecte les exigences de l’article 73 de la Constitution, selon lequel les lois et règlements peuvent faire l’objet d’adaptations tenant aux « caractéristiques et contraintes particulières » des collectivités régies par cet article. L’adaptation proposée se justifie ainsi par la situation particulière de la Guyane décrite plus haut.
Cette adaptation est ensuite en lien avec l’un des objectifs poursuivis par la loi, à savoir réduire les délais de traitement des demandes d’asile et décourager celles qui sont étrangères à un besoin de protection. Elle doit en effet permettre de traiter en procédure accélérée les demandes d’asile des personnes dont la motivation première n’est pas leur besoin de protection mais la prolongation de leur séjour sur
le territoire, ce qui se traduit notamment par la tardiveté de leurs demandes.
Eu égard enfin au respect du principe d’égalité, cette adaptation entraîne une différence de traitement très limitée puisque les demandeurs d’asile susceptibles d’entrer dans le champ d’application de ces dispositions bénéficient par ailleurs de toutes les garanties de procédure applicables aux étrangers relevant de la procédure accélérée qui au demeurant sont les mêmes que celles dont bénéficient les demandeurs placés en procédure normale : mêmes garanties devant l’OFPRA et droit à un recours suspensif devant la CNDA. Le délai de soixante jours pour le calcul de la tardiveté constitue au surplus une durée raisonnable, conforme aux
exigences de l’article 31-8-h) de la directive « procédures » (qui parle de « délais les plus brefs ») et ne saurait s’analyser comme une entrave au droit de demander l’asile.