Retour sur les droits des mineurs non accompagnés à Mayotte après l’arrêt de la CEDH Moustahi contre France du 25 juin 2020

mercredi 10 février 2021
par  Nicole

Actualités Droits-Libertés du 14 décembre 2020

CREDOF – Revue des droits de l’Homme
Centre de recherches et d’études sur les droits fondamentaux
Université Paris Nanterre

Retour sur les droits des mineurs non accompagnés à Mayotte après l’arrêt de la CEDH Moustahi contre France du 25 juin 2020

par Kossi Dedry

Compte tenu de leur vulnérabilité, les mineurs non accompagnés doivent bénéficier d’une attention particulière et d’un traitement approprié, y compris dans le 101ème département français qu’est Mayotte. Le récent arrêt Moustahi contre France du 25 juin 2020 rendu par la Cour européenne des droits de l’homme témoigne de l’actualité et de l’intérêt du sujet.

La vulnérabilité de l’Homme, dans ses rapports avec son environnement, n’est plus à démontrer. Cette réalité est bien résumée par Kenneth MINOGUE lorsqu’il affirme que : « créatures extrêmement vulnérables, les êtres humains ont besoin d’une certaine protection (…) » . Cette protection dont l’auteur fait mention doit être redoublée quand il est question d’enfants car ce sont les plus vulnérables . La protection de l’enfant est une impérieuse nécessité dans tout État de droit.

Cependant, la protection de l’enfant ou plus spécifiquement du mineur n’est pas toujours une réalité, surtout lorsqu’il est question de droit des étrangers. L’arrêt Moustahi contre France rendu par la Cour européenne des droits de l’homme (Cour EDH) le 25 juin 2020 offre l’occasion d’aborder le sujet des mineurs non accompagnés à Mayotte.

Mayotte, ce 101ème département français , est un espace géographique où la situation des mineurs non accompagnés suscite beaucoup d’interrogations et de controverses. Conformément à l’article L.744-6 du CESEDA , le mineur non accompagné, en ce qu’il est une personne âgée de moins de dix-huit ans se trouvant en dehors de son pays d’origine sans être, temporairement ou durablement, accompagnée d’un parent ou d’une autre personne exerçant l’autorité parentale - c’est-à-dire sans quelqu’un pour la protéger et prendre les décisions importantes la concernant -, est considéré comme vulnérable . Trois éléments définissent le mineur étranger, lesquels constituent chacun un facteur de vulnérabilité : il s’agit d’une personne mineure - un « enfant » au sens de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) -, d’une personne isolée et d’une personne étrangère. Il ressort de cette vulnérabilité que les enfants étrangers doivent être regardés comme des enfants et non pas traités comme des adultes migrants . Ils doivent dès lors avoir accès aux mêmes droits que les autres enfants.

La France est un État partie à la CIDE ainsi qu’à la Convention européenne des droits de l’homme (Convention EDH) . En conséquence, l’absence d’accueil et de prise en charge appropriés des mineurs non accompagnés est susceptible de constituer un manquement de l’État français à ses obligations internationales en matière de protection des droits de l’enfant.

Or on peut s’interroger sur l’application uniforme de ces textes sur l’ensemble du territoire français, notamment sur le territoire de Mayotte. Cette île française paraît être une terre d’exception au regard du droit des étrangers largement dérogatoire qui y est en vigueur . Cette remarque générale semble décrire particulièrement la situation des mineurs non accompagnés dont les conditions de rétention et d’expulsion sont largement en contrariété avec le droit commun et, ce faisant, avec les engagements internationaux de la France. Ainsi la Ligue des droits de l’homme concluait en 2017 , qu’à Mayotte, il y a contournement du droit découlant de l’article L511-4 du CESEDA en vertu duquel aucun mineur ne peut être expulsé, sauf s’il accompagne une personne qui a sur lui l’autorité parentale. Cet interdit se trouverait contourné par deux pratiques illégales, selon l’association : d’une part, le fait que de nombreux mineurs non accompagnés se voient modifier leur date de naissance pour qu’ils apparaissent comme âgés de 18 ans ; d’autre part, le fait que des mineurs soient rattachés de façon fictive à des adultes n’exerçant pourtant sur eux aucune autorité parentale . Il s’agit bien là de pratiques contraires aux droits de l’enfant et à son intérêt supérieur.
La politique de répression de l’immigration clandestine à Mayotte, aussi justifiée et légitime soit-elle, ne doit-elle pas se concilier avec l’intérêt supérieur des enfants ? La politique privilégiant l’éloignement et l’expulsion ne doit-elle pas être questionnée et atténuée lorsqu’il est question des droits du mineur non accompagné ?

L’arrêt Moustahi c. France rendu par la Cour européenne des droits de l’homme le 25 juin 2020 apporte une réponse claire à ces questions : l’intérêt supérieur des enfants doit rester la priorité en toutes circonstances. Si le juge européen admet que la lutte contre l’immigration clandestine autorise les États à détenir des ressortissants étrangers dans des centres de rétention, il rappelle néanmoins que cela doit se faire dans le respect de la Convention EDH et de la CIDE. Ainsi, les mesures prises à l’égard d’un enfant non accompagné ne doivent pas le priver de la protection liée à son état d’enfant.

De cet arrêt il ressort que les droits des mineurs non accompagnés sont doublement méconnus à Mayotte : du fait de leur enfermement en centre de rétention administrative (I) et en raison des conditions de leur expulsion (II).

Lire la suite de la Lettre sur le site de la Revue des droits de l’Homme

(Lien : https://journals.openedition.org/revdh/10658)

Pour citer ce document : Kossi Dedry, « Retour sur les droits des mineurs non accompagnés à Mayotte après l’arrêt de la CEDH Moustahi contre France du 25 juin 2020 », in Revue des droits de l’Homme, Actualités Droits-Libertés, 14 décembre 2020.


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