Le discours du président
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Extraits :
A Mayotte, plus d’un tiers de la population est en situation irrégulière. Les filières qui organisent la traversée maritime des migrants clandestins sont directement responsables de plusieurs morts tous les ans. Ce sont des assassins, quatre naufrages en 2009. Et encore ne compte-t-on pas ceux qui ont disparu sans que personne ne les remarque.
Depuis 2002, j’ai tout fait pour vous aider. Je vous avais promis un hélicoptère, il est là. Je vous avais promis un 3e radar, il est opérationnel et nous allons en installer un 4e pour couvrir toute l’île dès cette année. Les effectifs de la police ont été multipliés par 12 depuis 2002. Grâce à ces nouveaux moyens, un travail remarquable a été engagé, 20 000 étrangers en situation irrégulière ont été éloignés en 2009 ! C’est cinq fois plus que ce qu’on faisait en 2002. On a arrêté 20 fois plus de passeurs qu’en 2002.
Mais ne nous voilons pas la face : le combat est loin d’être gagné. Qui n’a pas croisé à Mayotte un voisin que l’on savait reconduit vers les Comores quelques jours plus tôt ? Qui n’a pas donné un travail à un Comorien que l’on savait en situation irrégulière ? Il faut mettre fin, mes chers compatriotes, à une hypocrisie : 15.000 travailleurs à Mayotte sont des clandestins. On ne peut pas, d’un côté, vouloir de l’emploi pour la jeunesse mahoraise, se plaindre des problèmes engendrés par l’immigration irrégulière et, de l’autre côté en tirer avantage.
Le nouveau centre de rétention administrative sera construit à Mayotte. L’étude de faisabilité sera opérationnelle dans les jours qui viennent et le nouveau centre ouvrira fin 2011, début 2012.
Il faut également que les moyens de l’Etat en mer soient mieux coordonnés. Mayotte sera un département pilote pour l’expérimentation de la fonction « garde-côte », placé sous la responsabilité du préfet.
Commentaires sur le discours
- Sarkozy à Mayotte : promesse tenue... en quatre heures, Malongo n°190, Eric Tranois, lundi 25 janvier 2010
Extraits :
- Immigration clandestine : la fuite en avant
Quand Nicolas Sarkozy détaille la débauche de moyens mis en place pour lutter contre l’immigration clandestine à Mayotte, on ne peut que s’interroger sur leur efficacité. L’hélicoptère promis en 2002, alors qu’il était ministre de l’intérieur est arrivé il y a quelques mois. « Je vous avais promis un 3ème radar, il est opérationnel et nous allons en installer un 4ème pour couvrir toute l’île. Les effectifs de la police aux frontières ont été multipliés par 12 depuis 2002, tandis qu’une centaine de gendarmes supplémentaires sont aujourd’hui affectés à Mayotte ».
Avec un tel arsenal, on pourrait s’attendre à une baisse des départs de kwassa, des accidents, des morts. Au moins. Au lieu de cela « près de 20 000 étrangers en situation irrégulière ont été éloignés en 2009 ! C’est presque autant que pour tout le territoire métropolitain ! Et c’est cinq fois plus qu’en 2002 ». (La France a renvoyé dans leur pays 29 288 étrangers en situation irrégulière en 2009, a annoncé ce 18 janvier le ministère de l’immigration). « On arrête également 20 fois plus de passeurs qu’en 2002, et on intercepte 40 fois plus de kwassas kwassas ». Visiblement l’option chasse et répression, ça ne marche pas ou ça ne suffit pas. Et pourtant Sarkozy veut faire un pas de plus dans ce domaine : « J’ai décidé que Mayotte serait un département pilote pour l’expérimentation de la fonction « garde côte », placé sous la responsabilité du préfet ».
Nicolas Sarkozy a fustigé les passeurs qui amènent les clandestins en les qualifiant « d’assassins ». Il faut rappeler que les « assassins » se trouvent parfois parmi les victimes ! D’autre part, si ce trafic existe, c’est qu’il y a un « marché ». Il serait donc honnête de rechercher les raisons de l’existence de ce marché et agir sur les causes, pas sur les effets.
On peut également parler des autorités comoriennes qui connaissent parfaitement toutes les filières, les véritables usines à kwassas qui fleurissent autour de Domoni et même les plages d’où partent les embarcations, cela n’est un secret pour personne. Elles n’ont mis en place aucune mesure pour empêcher les départs, trop contentes d’embarrasser les autorités de Mayotte avec ce flot de réfugiés économiques.
L’objectif des programmes de coopération régionale et les mesures recommandées par les missions parlementaires venues à Mayotte pour analyser la situation et qui sont en train de se mettre en place était justement d’agir en amont, donc à Anjouan, principalement.
- A Domoni, un des nombreux points de départ des kwassas vers Mayotte
Paradoxalement, le président ne dira pas un mot sur les mesures prises pour alléger les procédures d’obtention des visas à Anjouan. Ce sont pourtant en tout 5759 visas qui ont été accordés en 2009 contre 1246 l’année précédente. Même si, comme le confiait l’ambassadeur de France à Moroni, « l’objectif d’infléchir la courbe du nombre de départs de clandestins, avec tout le tragique que cela implique » n’était pas atteint, « il s’agit d’un galop d’essai ».
Pas un mot non plus sur les projets de coopération, notamment en matière de santé, engagés sur l’île voisine. Aurait-on susurré dans le creux de l’oreille du président que la simple évocation de coopération avec les Comores indépendantes donnait de l’urticaire à certains élus mahorais et à une partie de la population ? Tout porte à le croire puisque ce sujet a été abordé lors de son discours du lendemain à la Réunion où il a détaillé plusieurs projets, notamment celui de la maternité d’Anjouan qui prendra corps cette année. En toute logique, le président aurait dû s’approprier aussi ces avancées incontestablement positives et qui se situent sur une autre terrain que celui de la répression. Mais surtout, il a raté l’occasion d’user de son aura pour faire « avancer les consciences » en insistant sur la nécessité vitale, y compris pour l’avenir de Mayotte, de cette coopération et en rappelant que les budgets alloués à la coopération ne sortent pas de la même enveloppe que celle destinée à Mayotte puisque c’est ce qui semble inquiéter de nombreux mahorais.
Comme le disait Bamana lors de la visite de Brigitte Girardin venue présenter de nouvelles mesures de lutte contre l’immigration à Mayotte en 2004, « cela revient à jeter l’argent au fond du lagon ». Il est dommage que les actuels décideurs aient oublié cette phrase d’un des pères de la départementalisation qui semblait conscient, lui, que le problème devait être pris à la base, c’est-à-dire à Anjouan, par la coopération, même si l’on peut lui faire le reproche posthume de ne l’avoir dit ni assez fort, ni assez souvent.
Si la construction du nouveau centre de rétention, dont l’état de décrépitude avait défrayé la chronique métropolitaine l’année dernière, a bien été confirmée pour la fin de 2011, rien n’a été dit quant à d’éventuels changements et « recadrages » dans les méthodes d’arrestation et de reconduite à la frontière. Pourtant, de nombreux organismes s’élèvent régulièrement contre les atteintes à répétition aux droits de l’homme et de l’enfant. Les rapports tels que ceux de la défenseure des enfants ou de la CNDS se suivent et s’entassent de toute évidence dans un tiroir, sans aucune suite. Ces manquements à la légalité ne sont pourtant pas dénoncés par des exaltés : Emmaüs, Secours Catholique, Fédération d’Entraide Protestante, Fondation Abbé Pierre, Fondation de l’Armée du Salut, Cimade, Réseau Education Sans Frontières, Médecins du Monde, Secours Catholique...
Le président français sait-il que sur le sol de la République, des enfants vivent dans la rue, font la manche, voire les poubelles pour se nourrir, comme ceux que l’on rencontre de plus en plus à Kawéni, notamment, parce que leur mère a été « éloignée » et qu’ils se retrouvent seuls, sans ressources et... sans école ? Parce que la loi n’est pas respectée. Cette bombe à retardement se nourrit chaque jour de nouveaux exclus.
Comment peut-on rappeler à la légalité ceux qui ont « croisé à Mayotte un voisin que l’on savait reconduit vers les Comores quelques jours plus tôt » (que faut-il faire, le dénoncer à la Paf par lettre anonyme ?), ou « donné un travail à un Comorien que l’on savait en situation irrégulière » et ne pas imposer la même rigueur légaliste aux services de l’état ?
Commentaires préalables à la visite
- 8 janvier 2010 - Mayotte Hebdo
Mayotte hebdo.com
La visite du Président de la République a été officiellement confirmée pour la journée du lundi 18 janvier, vraisemblablement accompagné du ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux, de la ministre de l’Outremer Marie-Luce Penchard et peut-être du ministre de l’Ecologie Jean-Louis Borloo ou de la ministre de l’Environnement Chantal Jouannau.
Après une arrivée avec l’avion présidentiel vers midi et un accueil populaire à l’aéroport, le Président pourrait s’entretenir d’immigration clandestine en Petite Terre, avant une visite de la ferme de Mayotte aquaculture à Longoni. Un discours sur le thème de la départementalisation est prévu vers 15h30-16h00 sur le parvis du CDTM à Mamoudzou, avant un retour à la Réunion en fin de journée.
Une délégation d’une cinquantaine de journalistes est prévue, mais le suspense demeure quant à la venue de la première dame de France.
- 12 janvier 2010 - El Watan
Vœux de Sarkozy à Mayotte. Un affront à la mémoire des milliers de morts en mer et au droit international. En PDF :
- 14 janvier 2010 - RFO
Les élus mahorais dans l’attente de la visite présidentielle. En PDF :
> Voir aussi le communiqué interassociatif "Quatre heures du président de la République à Mayotte"