Le collectif Migrants Mayotte [1] dénonce le contenu et les conclusions du rapport « sur les aspects budgétaires de l’immigration clandestine à Mayotte » rédigé par le sénateur Henri Torre et rendu public le 17 juillet 2008 par la Commission des Finances du Sénat.
Le collectif s’inquiète avant tout de l’utilisation médiatique d’un assemblage de données pour le moins contestables. En effet, les informations chiffrées exposées dans ce rapport n’ont aucune valeur scientifique dans la mesure où ce sont des évaluations présentées comme telles. La plupart sont hasardeuses, voire fausses, comme le « coût de l’immigration clandestine » pour l’éducation nationale, évalué en supposant scolarisés à Mayotte tous les enfants d’étrangers sans papiers en âge de l’être, ce qui correspondrait à la loi républicaine mais pas à la réalité : une récente saisine de la Halde et de la Défenseure des enfants relative aux exclusions de l’accès à l’éducation des jeunes étrangers à Mayotte le prouve .
S’ajoutent des interprétations très éloignées des réalités locales. Ainsi selon le rapporteur spécial de la mission « Outre-mer », les cas de personnes présentes à Mayotte depuis dix ou quinze ans et en situation irrégulière seraient « rares » ; ce n’est pas la réalité constatée par les associations qui, tous les jours, rencontrent ce type de « cas ».
Le collectif s’étonne en outre de l’affirmation par le rapporteur selon laquelle les conditions de reconduite à la frontière sont « globalement satisfaisantes ». Il évacue ainsi les nombreuses atteintes aux droits élémentaires des personnes enregistrées par les associations ainsi que les déplorables conditions de détention au sein du centre de rétention administrative de Pamandzi. Il minore de fait le rapport de la CNDS (Commission nationale de déontologie de la sécurité) du 114 avril 2008, qui déclare « le centre de rétention administrative de Mayotte indigne de la République » et demande aux autorités de ne plus placer en rétention les mineurs, alors que ce sont près de 3 000 enfants qui ont été reconduits à la frontière en 2007.
Dans ses conclusions, le rapporteur se fait l’écho de la politique gouvernementale en confortant la répression menée par le gouvernement depuis quelques années, sans proposer d’alternative. Le collectif regrette que le rapporteur spécial n’ait pas jugé utile, lors de sa mission à Mayotte, de rencontrer les associations, les acteurs socio-économiques (entrepreneurs, économistes, syndicalistes, agriculteurs, etc) et divers observateurs qui ont étudié le phénomène des migrations.
D’une manière plus générale, l’idée même de réduire l’immigration aux seuls « aspects budgétaires » sans évoquer les enjeux humains, sociaux et économiques, et ainsi d’aboutir à des calculs d’épicier, nous indigne. Les élus de la République doivent-ils se cantonner à une vision comptable de leur action ?
Le 22 juillet 2008
Collectif Migrants-Mayotte
Voir aussi le contre-rapport La réalité de ce que dissimule le terme d’immigration clandestine à Mayotte