M. X. est le père de trois enfants âgés de 8 à 12 ans qui vivent à Mayotte depuis leur naissance ; il les élève seul. Mais il est malgache et sans papiers... le 27 janvier 2012, il est embarqué vers Madagascar malgré une requête en référé. Jusque là, rien de neuf dans ce lointain département français d’où plus de 25 000 personnes sont expulsées chaque année de manière expéditive.
Le lendemain le juge des référés constate que cet éloignement l’a privé de l’exercice d’un recours effectif invoquant une atteinte à son droit au respect de sa vie familiale [1] ; il enjoint au préfet d’organiser le retour de M. X [2]. Le 20 février, le ministère de l’intérieur fait appel. Coup de théâtre : après avoir lu le mémoire en défense présenté par les avocates de M. X. [3] et les observations présentées par le Défenseur des droits [4], le ministère s’est désisté le 22 février.
Car, par l’arrêt de Souza Ribeiro c/ France du 13 décembre 2012 [5], la Cour européenne des droits de l’Homme a condamné, à l’unanimité, la France pour l’éloignement expéditif d’un Brésilien depuis la Guyane. Les motifs qu’elle invoquait se transposent au cas de M. X et à bien d’autres victimes des procédures dérogatoires appliquées aux interpellations et aux éloignements effectués des personnes étrangères depuis Mayotte ou la Guyane [6]. « L’éloignement du requérant a été effectué sur la seule base de la décision prise par l’autorité préfectorale. [...] La hâte avec laquelle la mesure de renvoi a été mise en œuvre a eu pour effet en pratique de rendre les recours existants inopérants et donc indisponibles. La Cour estime que la reconduite à la frontière du requérant a été effectuée selon une procédure mise en œuvre selon des modalités rapides, voire expéditives ». Rien « ne saurait permettre [...] de dénier au requérant la possibilité de disposer en pratique des garanties procédurales minimales adéquates visant à le protéger contre une décision d’éloignement arbitraire ».
Tant que perdurent en Outre-mer des régimes législatifs et les pratiques dérogatoires qui permettent de fréquents dénis de droits garantis par la Convention européenne des droits de l’Homme, la France encourt le risque d’être à nouveau condamnée par la Cour européenne.
Au lieu d’un discret recul à la veille d’une audience du Conseil d’État, le gouvernement serait mieux inspiré en proposant, dans la cadre de la prochaine réforme des droits des étrangers, l’abrogation de ces mesures d’exception.