Tensions diplomatiques aux Jeux des îles de l’océan Indien

mardi 15 septembre 2015

Contexte

Depuis quarante ans, date à laquelle Mayotte est devenue française en droit français tout en étant une composante de l’Union des Comores selon les Nations unies, les gouvernements français avancent à pas lents afin de renforce cet état de fait.

Cela se joue notamment dans l’océan Indien, où la France s’est longtemps efforcée de faire reconnaître une entité dénommée "île de Mayotte" se qui prenait acte l’existence d’un île au statut indéfini mais détachée administrativement de l’Union des Comores.

C’est ainsi qu’en 2005, à la suite de fortes pressions diplomatiques françaises, que l’île de Mayotte a été admise comme membre consultatif du Conseil International des Jeux des Îles (CIJ) et pu dès lors participer aux jeux de l’océan Indien.
Avec une condition cependant : En toute occasion et cérémonie nécessitant l’utilisation d’un drapeau, elle utilisera celui des Jeux et n’arborera aucun symbole de l’État français (hymne et drapeau.

Dans le même but, la France - qui siège actuellement dans la Commission de l’océan Indien par la présence de La Réunion - aurait souhaité, en 2014, que cet organisme devienne une Communauté des Îles de l’océan Indien (incluant donc Mayotte...) mais cela ne s’est pas fait (voir une analyse du CDISCOM).

Depuis 2011, les échanges diplomatiques entre la France et l’Union des Comores se sont renforcés avec plusieurs accords ou tentatives d’accord dans lesquels il était question de l’île d Mayotte sans jamais lui accoler l’adjectif de "française" (voir la lettre de Mom n°31).

Ainsi, jusqu’à présent le gouvernement français déclarait très fort que Mayotte est française à Mayotte mais évitait de le faire lors des rencontres régionales et dans ses rapports avec l’Union des Comores. Il ne s’agissait toujours que de « l’île de Mayotte » sans mention de son statut - comme le faisait d’ailleurs la charte des jeux.

Une étape symboliquement importante à été franchie à l’occasion des jeux sportifs régionaux à la Réunion. Quelles en seront les suites ?


Charte des jeux des îles de l’océan Indien

Source : « Mayotte n’arborera aucun symbole de l’État français », publié pat Témoignages.re, 1er août 2015.

Article 1 :
(…) La charte des Jeux des îles de l’océan Indien est la codification des principes fondamentaux, des règles et des textes d’application. Elle régit l’organisation et le fonctionnement du CIJ et les relations entre ses membres. Elle fixe les conditions de la célébration des Jeux des îles de l’océan Indien.

Article 3 : membres

Les îles suivantes sont membres du CIJ :

  • Comores
  • Madagascar
  • Maldives
  • Maurice
  • Mayotte
  • Réunion
  • Seychelles

Adhésion de Mayotte

La demande d’adhésion de Mayotte en tant que membre du CIJ a été acceptée à l’unanimité, par résolution spéciale, lors de la réunion du CIJ des 21-22 avril 2006.
Cette adhésion de Mayotte est soumise au respect des conditions suivantes :

  • Mayotte participe aux réunions de toutes les instances du CIJ sans droit de vote et avec voix consultative ;
  • En toute occasion et cérémonie nécessitant l’utilisation d’un drapeau, elle utilisera celui des Jeux et n’arborera aucun symbole de l’État français (hymne et drapeau)

Rupture du consensus sur les jeux de l’océan Indien

1er août : à l’ouverture des jeux les athlètes réunionnais et mahorais défilent sous le drapeau français

Extraits
« Instaurer l’amitié et la compréhension mutuelle entre les peuples des îles de l’océan Indien dans l’esprit de l’olympisme. » Si l’on en croit la charte de l’événement, c’est l’une des raisons pour lesquelles ont été créés les Jeux des îles de l’océan Indien (JIOI), en 1979. Trente-six ans plus tard, ce vœu semble avoir vécu.
Alors que la neuvième édition de la compétition se déroule à La Réunion jusqu’au dimanche 9 août, la délégation des Comores a quitté prématurément la compétition. Le soir même de la cérémonie d’ouverture, samedi 1er août, le gouvernement de la république de l’Union des Comores a confirmé par communiqué le retrait définitif de ses athlètes.
En cause, le drapeau français derrière lequel ont défilé les athlètes de Mayotte lors de cette cérémonie sur la piste du stade Paul-Julius-Bénard, à Saint-Paul (ouest de l’île). Sous les yeux de Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, les Mahorais ont également chanté La Marseillaise à tue-tête aux côtés des Réunionnais.
Une « provocation », pis, « une humiliation », aux yeux de Hassan Mohamed Aboudou, responsable de la délégation comorienne. [...].

Extraits
Ibrahim Ben Ali rappelle le cadre des JIOI, organisés sur la base de la Charte et du règlement intérieur. Cette Charte est l’émanation du Conseil international des jeux.
« Samedi, ce qui s’est passé est dû à la violation de la Charte des jeux, qui stipule quelle doit être la position de Mayotte par rapport à ces jeux », déclare Ibrahim Ben Ali. La Charte approuvée par tous les participants des Jeux des îles stipule en effet que Mayotte a un statut d’observateur, qui doit participer avec le drapeau des Jeux et l’hymne des Jeux.
La Charte n’a pas été respectée, car la délégation de Mayotte est venue avec le drapeau français. Les athlètes comoriens ont donc quitté spontanément le stade. Ils ont bataillé pour obtenir des visas, ils sont déçus. Des footballeurs professionnels sont venus à La Réunion en renonçant à des contrats de travail pour jouer sous le drapeau comorien. Ibrahim Ben Ali déplore cette violation de la Charte.

Extraits
L’incident de la Marseillaise : Les athlètes mahorais ont bien défilé derrière le drapeau tricolore et une double bannière « France océan Indien » puis « Mayotte ». Mais l’incident a été déclenché par une Marseillaise. La délégation mahoraise a chanté l’hymne national lors de son passage à proximité des Comoriens. « La provocation de trop » pour Hassani Mohamed Aboudou, chef de mission des Comores qui a impulsé le mouvement de retrait. Les Comores tenaient enfin de quoi camoufler l’incompétence de leur organisation qui a conduit à cette situation. Bien loin de la politique, leur premier problème dans ces Jeux fut l’incapacité de leurs responsables à gérer le déplacement.

Une étape assumée par le ministre français des sports

Déclarations de Patrick Kanner, ministre des sports français qui a ouvert les Jeux

Extraits
Les Comoriens assurent que la Charte des Jeux interdit le drapeau tricolore à Mayotte…
La charte des Jeux n’est pas la Bible révélée ! Elle n’est plus adaptée à la situation. Elle peut et elle doit évoluer. Comme a évolué le statut de Mayotte qui est devenu un département français en 2011 et qui a été reconnu région ultrapériphérique par l’Union européenne en 2014. Je souhaite maintenant aux Mahorais de remporter des médailles d’or. Et de pouvoir fièrement chanter la Marseillaise.

N’aurait-il pas fallu faire évoluer la Charte des Jeux plus tôt ?
Vous me parlez d’un document administratif. Ce n’est pas un traité de diplomatie. Cette charte doit tenir compte des nouvelles réalités. Mais aujourd’hui, la France a pris ses responsabilités et a assumé le statut juridique de Mayotte et de son appartenance incontestable à la République.

Les Comores évoquent un accident diplomatique…
Le mot est trop fort. Je ne mélange pas le sport et la diplomatie. Mais il faut que nos amis de l’océan Indien comprennent que le statut de Mayotte a changé. Cela prendra le temps qu’il faudra. Le sport peut parfois aider à faire avancer les idées…

Ce dispositif inattendu du défilé, avec Mayotte juste derrière le drapeau français, vous l’aviez validé ?
Bien sûr ! Le sujet avait déjà été évoqué entre les ministres de l’océan indien. Ce n’était pas une surprise pour les Comores qui avaient été prévenus. Leur départ, aussi, me semble avoir été prévu. Et je le regrette. Je ne peux accepter que les sportifs deviennent les variables d’ajustement d’éventuelles difficultés diplomatiques.

Union des Comores : Mayotte ne sera jamais française

  • Déclaration du comité Maore, « Mayotte ne sera jamais française », 3 août 2015
    Comme à son habitude, La France ne respecte rien dans sa volonté d’annexer l’île comorienne de Mayotte : Charte de l’ONU dans ses dispositions sur l’accès des pays colonisés à l’indépendance ; innombrables résolutions des AG de l’ONU. Et nous n’évoquons pas les appels de diverses organisations internationales : Union Africaine, Mouvement des non-alignés, Conférence Islamique, etc.. Aujourd’hui c’est au tour de la Charte qui gouverne les jeux des Îles de l’Océan Indien [...].