Assistance militante des demandeurs d’asile aux audiences foraines de la cour nationale du droit d’asile à Cayenne
Les demandeurs d’asile de Guyane, dont le recours était pendant devant la Cour Nationale du Droit d’Asile (CNDA, ex Commission des Recours des Réfugiés), ont été convoqués pendant les 15 premiers jours de décembre pour des audiences foraines. La Cour s’est en effet déplacée pour entendre environ 350 demandeurs, dont certains sont en demande d’asile depuis plus de deux ans.
Jusqu’alors, ils étaient convoqués à Montreuil, mais la Guyane étant hors espace Schengen, ils devaient solliciter pour se rendre à leur convocation un "laissez-passer préfectoral", sur présentation obligatoire d’un passeport en cours de validité, d’une réservation d’hôtel ou certificat d’hébergement, et d’un billet d’avion aller-et-retour (entre 500 et 1000€). Rares étaient donc les demandeurs à avoir le luxe de se présenter à la Commission. Depuis mai 2006, aucune convocation en métropole n’a plus été envoyée aux demandeurs guyanais, en vue de ces audiences foraines.
Trois formations de jugement se sont donc déplacées à Cayenne, siégeant les après-midi dans les trois principaux tribunaux de la ville : tribunal de grande instance, d’instance et administratif, pour un programme de 15 à 18 dossiers par jour et par tribunal.
La demande d’asile en Guyane est principalement américaine (Haïti, Cuba, Colombie, Bolivie, Pérou) mais il y avait également 89 dossiers africains (dont Cote d’Ivoire, Guinée Bissau, Sénégal, Sierra Léone, les deux Congos, Soudan).
Assistance juridique par des militants
La société civile s’est organisée de son côté pour assurer une présence bénévole pour les requérants qui n’étaient pas assistés d’un avocat. Formés en amont et épaulés le jour de l’audience par des juristes expérimentés, des bénévoles d’Amnesty International, de la Cimade, de RESF, de la ligue des Droits de l’Homme, du Secours Catholique et certains « sans étiquette » se sont relayés dans chaque tribunal pendant toute la durée des audiences. La plupart d’entre eux n’avaient pas, ou très peu, d’expérience en matière d’asile.
L’idée de départ était de proposer aux requérants une assistance au moins psychologique, et de s’assurer que les audiences foraines se déroulaient dans les meilleures conditions possibles (présence d’un interprète traduisant correctement, possibilité pour l’intéressé de s’exprimer, etc.). Finalement, le rôle des bénévoles a été bien au-delà : les bénévoles ont pu prendre connaissance des dossiers, s’entretenir avec le requérant, puis l’assister au moment il était appelé. Leurs interventions ont été très variées, et ont certainement eu un impact positif sur l’examen des dossiers. Chaque bénévole a su trouver sa place, selon son style, ses aspirations et ses compétences.
Cette assistance a toujours eu le mérite de mieux préparer le requérant à l’audience, d’éviter parfois qu’il ne soit pris de court par des questions, de le rassurer en permettant un rééquilibrage des groupes en présence. Selon les dossiers, les bénévoles ont pu mettre en évidence une persécution passée parfois sous silence, rappeler une jurisprudence, expliquer une contradiction, ou encore relancer des questions sur un sujet important.
Dans l’ensemble, la Cour s’est montrée très ouverte aux interventions des bénévoles. Les secrétaires ont très bien coopéré, assurant un accès rapide aux dossiers, et nous laissant toute latitude quant à l’ordre des passages des requérants.
De leur côté, les juges ont systématiquement donné la parole aux bénévoles, soit avant les questions posées aux requérants, soit en fin d’audience, et parfois rebondissaient sur les interventions afin que s’amorce une véritable discussion.
Cette opération a été de ce point de vue un véritable succès que nous devons aux bénévoles et à leur grande motivation.
Examen des dossiers
Les membres de la Cour se sont révélés également attentifs aux requérants eux-mêmes. Selon l’avis de la majorité des bénévoles et observateurs des audiences, beaucoup d’efforts ont été fournis pour permettre à chaque requérant de s’exprimer au mieux sur sa demande d’asile. Le temps d’examen de chaque dossier a paru en général satisfaisant, excepté en fin de journées, celles-ci étant longues et fatigantes. Selon un requérant lui-même : « on a été mieux reçu qu’à l’OFPRA, les juges ont pris leur temps. On n’a pas eu le sentiment qu’ils cherchaient à se débarrasser de nous le plus vite possible ».
En effet, la plupart des juges se sont montrés extrêmement courtois, essayant de diminuer la distance avec le requérant. Cela n’a pas cependant été le cas de tous les juges, puisque certains se sont montrés beaucoup moins aimables, ont exprimé des opinions désagréables sur les dossiers, et ont posé des questions insidieuses, donnant ainsi le sentiment fort de vouloir piéger le demandeur d’asile.
A noter également que la Cour ne s’est pas cantonnée à l’examen des dossiers en audience, elle a fait rechercher les requérants absents, demandé des pièces complémentaires dans certains dossiers, signalé des « situations humanitaires » au Préfet. Le dernier jour d’audience, elle s’est même engagée à appuyer la demande de visa d’un requérant, absent à sa convocation pour cause de reconduite à la frontière ayant eu lieu au mois d’août, alors qu’il était titulaire d’un récépissé de demande d’asile (sa femme, française de surcroît, était venue à l’audience pour le « représenter »).
Le sens des décisions a été affiché le 21 décembre. Malgré tous les efforts fournis, seulement 6% des requérants ont été reconnus réfugiés, et 4% ont obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire. A noter le taux important de reconnaissances pour le Pérou (28%).
Retrouver sur le site de la Cimade