Le titre de "verrue" de la République revient au CRA de Mayotte

article de clicanoo.re (6 juin 2011), réponse de la préfecture (8 juin 2011)
lundi 6 juin 2011

Et le titre de “verrue de la République” revient au centre de rétention de Pamandzi

Article de www.clicanoo.re, publié le 6 juin 2011

Mi-mai, une délégation du syndicat Unité-SGP-Police s’est rendue sur l’île au lagon pour faire le point sur ce qui ne va pas. Les fonctionnaires ont rapidement pris conscience que tout reste à faire. Notamment pour ce qui concerne le centre de rétention administrative de Pamandzi. "La verrue de la République" pour le secrétaire départemental du syndicat.

"Avant, la verrue de la République, c’était la prison Juliette-Dodu. Maintenant, on peut dire que c’est le centre de rétention administrative (CRA) de Mayotte". Thierry Flahaut, secrétaire départemental du syndicat Unité-SGP-Police est revenu de l’île au lagon chamboulé par ce qu’il a vu. Le 19 mai, en compagnie de Nicolas Comte, le secrétaire national de l’organisation, il s’est rendu à Mayotte pour la tournée des popotes. Dans son escarcelle, des revendications (lire ci-dessous). "Nous voulions faire aussi un état des lieux", continue Thierry Flahaut. Le secrétaire du syndicat n’a pas été déçu. "J’en suis encore tout retourné", explique-t-il. Avant de visiter cette "verrue" par laquelle transitent plus de 20 000 clandestins chaque année, principalement originaires de l’archipel des Comores, les syndicalistes ont été reçus par la directrice de la Police aux frontières. "Nous avons parlé immigration et effectifs. Après, elle devait au départ nous accompagner pour visiter le centre de rétention administrative, mais elle n’a pas pu." Dommage puisque les fonctionnaires auraient certainement eu des choses à lui dire. "À Mayotte, nous avons une immigration galopante. C’est un mouvement perpétuel qui se fait dans des conditions déplorables. Les véhicules des collègues sont déjà en mauvais état." Mais les conditions de travail ne s’arrêtent pas aux voitures de service. Le centre de rétention administrative par lui-même est "une espèce de hangar où la température atteint 40 °C. Sans clim." Femmes et enfants d’un côté. Hommes de l’autre. Tous assis par terre vivant le temps de leur rétention dans une totale promiscuité. Il n’y a pas de chaise. Encore moins de lit. Plusieurs vidéos enregistrées avec des téléphones portables par des policiers et visibles sur des sites internet de partage montrent ce CRA qui "n’est pas l’image de la France. On ne peut pas être champion du monde des droits de l’homme et garder ça. C’est ignoble", poursuit le représentant du syndicat policier.

  • 128 personnes dans 136 m2

En 2008 quand une première vidéo avait circulé sur le net grâce à une ONG, la préfecture de Mayotte avait assuré que le jour de la captation des images, la situation du CRA était "exceptionnelle" notamment à cause des Comores qui avaient bloqué les expulsions. Du coup, plus de 200 personnes se trouvaient retenues en même temps pour un centre de 60 places. Les syndicalistes ont pourtant visité le site un jour où il y avait une quarantaine de clandestins… Et les policiers, membres d’aucune ONG, ont été choqués. Un rapport de la Commission nationale de déontologie et de sécurité (CNDS) a également pointé du doigt le CRA de Pamandzi. Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) a, quant à lui, dénoncé les mauvais traitements dont sont victimes les Comoriens retenus sur Petite Terre. Dans son numéro 37, le 15 février 2011, le journal mahorais Upanga décrivait au sujet du CRA : "128 personnes dans 136 m2. Rien d’exceptionnel : malgré l‘augmentation continue des moyens et des effectifs de la PAF ces dernières années, le CRA, lui, reste le même."

  • Les eaux usées s’écoulent au milieu du CRA

Thierry Flahaut continue : "Ce n’est pas digne pour les gens qui y sont retenus. Et ce sont des conditions de travail très mauvaises pour les collègues qui sont aussi exposés à n’importe quelle bactérie." Les eaux usées s’écoulent dans une rigole qui traverse les salles où sont retenus les clandestins. "Avec ce CRA, on est vraiment très loin de la métropole. On parle de la reconstruction d’un centre. Mais, ce n’est pas envisagé avant quelques années alors même que Mayotte est le champion de France du nombre d’expulsions, même devant la Guyane." Thierry Flahaut décrit le sentiment de la hiérarchie comme une espèce de fatalisme : "Ils se disent : on fait sans’". Mais la France fait avec cette "verrue" qui lui colle aux pieds

Nicolas Goinard

Pour que le traitement des policiers mahorais augmente

Les policiers ont exposé au secrétaire général de la préfecture leurs revendications. Outre le centre de rétention administrative, il a donc été question du salaire. Et notamment de celui des policiers mahorais, certes intégrés à la fonction publique en 2004, mais dont le traitement n’est pas indexé sur celui des policiers qui viennent de métropole et qui touchent ainsi 35 % de plus. En arrivant, un policier métropolitain reçoit également 23 mois de salaire et une prime de logement. Il a ensuite droit à six mois de vacances à son retour dans l’hexagone. Peu d’avantage pour ceux qui vivent déjà à Mayotte. Pourtant, les fonctionnaires mahorais sont mis à contribution. Notamment pour l’interprétariat durant les auditions. Du coup, cette absence d’avantage pousse les Mahorais à quitter l’île aux parfums pour la métropole ou la Guyane pour pouvoir être traité comme les métropolitains qui arrivent à Mayotte. Unité SGP Police a donc demandé que les salaires mahorais soient indexés sur ceux des m’zungus (métropolitains).


Communiqué de la préfecture de Mayotte, Dzaoudzi, le 8 juin 2011

Le syndicat Unité-SGP-Police a fait part par de voie de presse de la situation du centre de rétention administrative de Mayotte qualifié de « verrue de la République ».

Outre le caractère insultant de ces propos envers les fonctionnaires de police qui travaillent sur ce site et qui ont à cœur d’améliorer le fonctionnement, notamment par une baisse du temps de rétention pour les étrangers en situation irrégulière (moyenne de 17h en 2010 et de 14h pour les cinq premiers mois de 2011), les propos rapportés sont inexacts sur bien des points.

Dans l’attente de la construction du nouveau centre de rétention administrative de Pamandzi, divers travaux de rénovation et d’amélioration des conditions d’accueil ont été réalisés au cours des années 2009 et 2010 :

  • rénovation des salles de rétention (peinture), création dans la salle femme/enfant d’un coin jeux pour les enfants, lequel a très rapidement été dégradé ;
  • installation d’un téléphone mural à cartes ;
  • installation d’un local de toilettes et de douches réservé aux femmes et aux enfants ;
  • création d’un nouveau « local visite » (famille, CIMADE) ;
  • aménagement de la cuisine et du réfectoire (utilisation d’assiettes et couverts jetables) ;
  • en raison de l’absence de literie (lits, matelas), mise à disposition de nattes ;
  • dans le cadre de la prévention incendie, des extincteurs, des heurtoirs de signalement incendie, une vidéo surveillance et un balisage des issues de secours ont été mis en place ;
  • pose de moustiquaire sur l’ensemble des pose de moustiquaires sur la totalité des ouvertures naturelles et mise en place de lampes anti-insectes ;
  • changement de sens de 3 portes, agrandissement de l’ouverture d’une porte, suppression des marches isolées à l’intérieur du CRA, vérifications électriques par un organisme agréé ;
  • création d’un abri visiteur ;
  • réfection de la clôture extérieure du CRA ;
  • création d’un abri bagages à l’extérieur du CRA ;
  • rénovation de la totalité du CRA (peinture) et pose de carrelage au sol dans la salle de rétention femmes / enfants.

Pour cette année 2011 :

  • achat de 100 matelas pour remplacer les nattes, objets de dégradations volontaires systématique ;
  • réfection des sanitaires hommes et femmes qui sont régulièrement bouchés et remplacement de toutes les portes des toilettes et des douches ;
  • pose de carrelage au sol dans la salle de transit ;
  • modification de la porte de la cellule de mise à l’isolement ;
  • suppression de la marche isolée à l’extérieur du CRA.

La capacité d’accueil est limité à 140 personnes, depuis le 7 juillet 2010 par la commission de sécurité.