Copie d’un texte publié par le Groupe d’Appui aux Rapatriés et Réfugiés (GARR) de Port au Prince
Vingt-huit Haïtiens/nes et Dominicains/nes d’ascendance haïtienne ont déposé une pétition historique le 16 avril 2009 contre la République Dominicaine par-devant la Commission Interaméricaine de Droits Humains (CIDH) qu’ils accusent de violer leurs droits à travers une pratique d’expulsions massives. Ils appellent également à la cessation des violations répétées du droit à la garantie judiciaire équitable commises par les autorités migratoires dominicaines.
Les pétitionnaires ont été victimes de déportations effectuées en 1999 et 2000 par les responsables dominicains, sans avis ni jugements préalables et n’ont pas eu l’opportunité de récupérer leurs biens ni de communiquer avec leurs familles. Dans certains cas, les officiels ont détruit leurs actes de naissance tout en leur lançant des insultes à caractère raciste.
Les pétitionnaires, dont les noms ont été omis pour des raisons de confidentialité, résident actuellement en République Dominicaine et en Haïti sous la protection de mesures conservatoires ordonnées par la Cour Interaméricaine de Droits Humains.
La pétition, produite au nom des familles comptant des enfants en bas âge et leurs parents, a été supportée par le Centre pour la Justice et le Droit International (CEJIL), la Clinique légale de Droits Humains de la Faculté de Droit de l’Université Colombia tous deux basés à Washington, D.C., le Mouvement des Femmes Dominico-Haitiennes (MUDHA), établi à Santo Domingo et le Groupe d’Appui aux Rapatriés et Réfugiés (GARR) à Port-au-Prince.
« Les officiels dominicains ont appréhendé des civils innocents y compris des enfants, dans certains cas en pleine nuit, et les ont gardés dans des autobus et des prisons sans accès à la nourriture, à l’eau, aux toilettes, au téléphone, avant de les envoyer de l’autre côté de la frontière » lit-on dans la pétition soulignant que « Le gouvernement dominicain a ciblé les victimes- dans ce cas, la plupart d’entre eux ne sachant que l’espagnol et ignorant le français et le créole – en vue de leur expulsion, simplement sur la base de leur teint foncé ou de leurs noms à connotation haïtienne ; en aucun cas, les autorités n’ont essayé de déterminer avec précision leur nationalité avant de les exiler en Haïti »
La CIDH et la Cour Interaméricaine des Droits de l’Homme sont des organismes rattachés à l’Organisation des États Américains (OEA) responsables de la surveillance, de la promotion et de la protection des droits de l’homme dans l’hémisphère occidental. A la CIDH, sept spécialistes auront à décider sur le fondement de la demande soumise, à savoir si les déportations violent les droits des pétitionnaires à la liberté, la propriété, la nationalité, la famille, à la garantie judiciaire équitable et à la non- discrimination conformément aux dispositions de la Convention Américaine des Droits de l’Homme, un traité auquel la République Dominicaine est partie.
La Cour Interaméricaine des Droits de l’Homme a demandé, en l’an 2000, des mesures conservatoires pour protéger les pétitionnaires, lesquelles mesures ont été renouvelées et étendues à six reprises dont la plus récente remonte à 2006. Ces mesures, liées à une injonction préliminaire, exigent que le gouvernement dominicain permette que les pétitionnaires circulent et voyagent sans restriction à travers la République Dominicaine, et prenne des dispositions en vue d’assurer leur protection et celle de leurs représentants locaux. Invariablement, le gouvernement dominicain a failli à cette obligation, précise la pétition.
« Ce cas offre à la Commission une grande opportunité pour déclarer pour la première fois que les expulsions massives violent les obligations fondamentales relatives aux droits humains ; c’est un problème de droits humains urgent, non seulement dans les Amériques, mais partout dans le monde, » a déclaré Francisco Quintana, du CEJIL.
Cinq cas ont déjà été présentés contre la République Dominicaine dans le système Interaméricain de droits humains. Le premier cas, Jean et Bosico vs. République Dominicaine, s’est conclu en 2005 avec la décision historique de la Cour Interaméricaine des Droits Humains qui a jugé que le gouvernement dominicain avait illégalement refusé la nationalité - et le droit concomitant à l’éducation - à des enfants d’ascendance haïtienne nés en République dominicaine. Un autre cas pendant devant la Commission est celui du massacre de Guayubín, où l’armée dominicaine a été accusée d’avoir ouvert le feu sur un camion rempli de civils, parmi eux, de nombreux travailleurs migrants en provenance d’Haïti et qui s’était soldé par 7 morts dont 6 Haïtiens/nes et 1 Dominicain.
« Une décision favorable de la Commission pourrait conduire à des changements significatifs, non seulement pour la vie des pétitionnaires, mais aussi pour tous les Haïtiens et Dominicains d’ascendance haïtienne qui vivent en République dominicaine, » considère la pétition. Si le gouvernement ignore les recommandations de la Commission, poursuit-elle, la Cour Interaméricaine des Droits Humains - dont les décisions sont irrévocables et exécutoires, pourrait en dernier recours, entendre le cas.