Question parlementaire avec demande de réponse écrite à la Commission posée par Hélène Flautre (Verts/ALE), le 7 mars 2013
(article 117 du règlement)
Objet : Passage de Mayotte au statut de région ultra-périphérique (RUP) et acquis communautaire en matière de droits fondamentaux, d’immigration et d’asile
Après être devenu département français en mars 2011, le territoire de Mayotte obtiendra, le 1er janvier 2014, le statut de région ultrapériphérique (RUP). La Commission prépare actuellement une proposition visant à définir les mesures transitoires et dérogatoires au droit communautaire dont bénéficiera le département de Mayotte. La loi française no 012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux territoires d’outre-mer prévoit la possibilité pour le gouvernement de modifier l’ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers à Mayotte, afin notamment de la mettre en conformité avec le droit communautaire.
Les législations et des pratiques dérogatoires actuelles en matière d’immigration et d’asile conduisent à des violations claires de l’acquis communautaire sur le territoire de Mayotte. Absence de recours effectif, exercice marginal du contrôle juridictionnel, rétention massive des migrants, notamment de mineurs, sont autant d’exemples de violations des droits en matière de retour. D’ailleurs, la Cour européenne des Droits de l’homme réunie en grande chambre a affirmé le 13 décembre 2012 que les procédures d’exception appliquées dans certaines terres d’outre-mer (ici la Guyane, où le requérant avait été reconduit à la frontière avant une décision du tribunal administratif) de la France violent le droit à un recours effectif garanti par l’article 13 de la Convention. En matière d’asile, de nombreux manquements quant à l’accueil et à la procédure régissant les demandes d’asile sont régulièrement constatés : expulsion au cours d’une demande d’asile, absence d’hébergement ou d’allocation compensatoire.
- 1. La Commission prévoit-elle d’inclure dans sa proposition des mesures transitoires ou dérogatoires à l’acquis en matière d’asile et de migration et à la charte européenne des droits fondamentaux, pour la RUP de Mayotte ? Dans l’affirmative, quelles seraient-elles ?
- 2. Quelles propositions la Commission pourrait-elle adopter afin d’assurer le respect de l’acquis communautaire en matière d’immigration, d’asile et de droits fondamentaux sur le territoire de Mayotte lors de son accession au statut de RUP ?
Réponse donnée par Mme Malmström au nom de la Commission le 22 avril 2013
La Commission, ayant analysé la demande des autorités françaises en faveur d’une dérogation à l’article 13, paragraphe 2, de la directive sur les retours [1] et à l’article 13, paragraphe 5, de la directive sur les normes d’accueil [2], considère qu’il n’y a pas lieu d’accorder de mesures transitoires ou de dérogations à l’acquis de l’UE en la matière.
Cette analyse préliminaire ne remplace pas le contrôle a posteriori qui sera effectué, selon les procédures prévues à l’article 258 du TFUE, de la transposition et de l’application à Mayotte de l’acquis de l’UE dans le domaine de l’immigration et de l’asile. Aucune proposition n’est nécessaire pour assurer la conformité avec l’acquis de l’UE. La France, dans le cadre de la mise en œuvre de cet acquis sur le territoire de Mayotte, est tenue de respecter les dispositions de la Charte des droits fondamentaux de l’UE.
Retrouver la question et la réponse sur le site du Parlement européen
Voici les deux articles mentionnés
Article 13 - Voies de recours (directive retour)
2. L’autorité ou l’instance visée au paragraphe 1 est compétente pour réexaminer les décisions liées au retour visées à l’article 12, paragraphe 1, et peut notamment en suspendre temporairement l’exécution, à moins qu’une suspension temporaire ne soit déjà applicable en vertu de la législation nationale.
Article 13 - Règles générales relatives aux conditions matérielles d’accueil et aux soins de santé (directive accueil des demandeurs d’asile))
5. Les conditions d’accueil matérielles peuvent être fournies en nature ou sous la forme d’allocations financières ou de bons ou en combinant ces formules.
Lorsque les États membres remplissent les conditions matérielles d’accueil sous forme d’allocations financières ou de bons, l’importance de ces derniers est fixée conformément aux principes définis dans le présent article.
Mayotte : les droits des migrants devront désormais être respectés !
Commentaires de Hélène Flautre, 25 avril 2013
Voilà des années que nous nous alarmons du sort réservé aux migrants sur le territoire de Mayotte. Législations ad hoc et pratiques dérogatoires conduisent à des violations répétées et inacceptables de l’acquis communautaire. Absence de recours effectif, exercice marginal du contrôle juridictionnel, rétention massive des migrants, notamment de mineurs, sont autant d’exemples de violations des droits en matière de retour. En matière d’asile, de nombreux manquements quant à l’accueil et à la procédure régissant les demandes d’asile sont régulièrement constatés : expulsion au cours d’une demande d’asile, absence d’hébergement ou d’allocation compensatoire…et la liste peut être longue.
Pour autant, l’État français n’est actuellement pas tenu de respecter l’acquis communautaire sur ce territoire. Les choses vont enfin changer ! Après être devenu département français en mars 2011, le territoire de Mayotte obtiendra, le 1er janvier 2014, le statut de région ultrapériphérique (RUP). Ainsi l’acquis communautaire sera pleinement applicable sur ce territoire.
Ce processus dit de « rupéïsation » donne la possibilité de définir des mesures transitoires et dérogatoires au droit communautaire. Ce texte est en cours d’élaboration dans les services de la Commission. C’est pourquoi, le 7 mars dernier, Hélène Flautre adressait une question écrite à la Commission européenne : il était essentiel d’alerter la Commission sur la situation des migrants à Mayotte afin qu’elle n’inclut aucun mesure transitoire ou dérogatoire en matière d’asile et d’immigration dans sa proposition !
Et la question n’était pas vaine puisque dans sa réponse du 24 avril 2013, la Commission nous apprend que les autorités françaises ont demandé une dérogation à l’article 13, paragraphe 2, de la directive sur les retours et à l’article 13, paragraphe 5, de la directive sur les normes d’accueil pour les demandeurs d’asile ! Autrement dit, la France aimerait se passer de l’effet suspensif du recours contre une décision d’expulsion et de la possibilité de donner une allocation financière, l’allocation temporaire d’attente en France, aux demandeurs d’asile !
Bonne nouvelle, la Commission a considéré qu’il n’y avait pas lieu d’accorder de telles faveurs et qu’en vertu de son rôle de gardienne des traités, elle veillera scrupuleusement à la transposition et à l’application de l’acquis de l’UE à Mayotte dans le domaine de l’immigration et de l’asile. Elle peut compter bien entendu sur les eurodéputés du groupe Verts-ALE pour l’alerter à chaque fois où l’État français manquera à ses obligations !
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