Mayotte : "rapprochement familial" pour expulser les enfants

Upanga n°12, 3 novembre 2009
mardi 3 novembre 2009

Pas de pitié pour les enfants handicapés…
Upanga n°12, 3 novembre 2009

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  • Salima, une mère de famille en situation irrégulière, a échappé de justesse à une expulsion vers Anjouan dont elle a failli faire l’objet en compagnie de ses deux enfants de 6 et 11 ans, tous deux polyhandicapés.

En terme de reconduites à la frontière, la politique du chiffre lancée par Sarkozy et largement entretenue par l’actuel ministre de l’immigration Eric Besson fait des dommages collatéraux. Si l’État souhaite une "immigration choisie", il est donc beaucoup moins regardant sur la situation des personnes à expulser. Et même si, avec 14.449 étrangers en situation irrégulière reconduits à la frontières à la fin du troisième trimestre, la Préfecture n’aura aucun mal à atteindre son objectif de 16.000 expulsions avant la fin de l’année, il est toujours assez tôt pour faire un peu de zèle en dépassant cet objectif. Sûr que Besson n’y trouvera rien à redire…
Salima [non d’emprunt] a bien failli en faire les frais, mardi 27 octobre. Mère de deux enfants polyhandicapés, elle était en train de faire valoir sa situation familiale pour obtenir un droit de séjour. Suivie par les travailleurs sociaux du conseil général, elle a entamé les démarches depuis deux mois. À chaque fois, il manquait un papier. Mais ce mardi 27 octobre, son dossier semblait enfin complet. Elle se rendait donc à la préfecture où elle était convoquée pour finir enfin ses démarches lorsqu’elle est contrôlée par la police aux frontières. N’ayant pas encore récupéré son titre, elle est menée illico au Centre de rétention, en petite terre, en vue d’une expulsion vers Anjouan dès le lendemain à 13h30, par le Maria Galanta.

La PAF se rend au domicile pour récupérer les enfants
Le lendemain, une auxiliaire de vie rend une visite à Salima, comme elle le fait deux fois par semaine depuis 5 mois pour veiller à la santé de ses deux enfants, âgés de 6 et 11 ans. Ils sont déficients mentaux graves, mais souffrent aussi d’un handicap physique qui les empêche de se mouvoir sereinement. Lorsque l’auxiliaire de vie arrive, elle trouve les deux enfants seuls au domicile. Une voisine vient l’informer que la maman a été arrêtée par la PAF. Ils n’ont donc pas mangé depuis la veille. "Quand nous rencontrons des casde mineurs isolés, nous devons le signaler"explique une travailleuse sociale. La PAF est donc mise au courant de la situation, mais un responsable rétorque qu’"une dame a dit qu’elle s’occupait des enfants, donc la maman peut partir". "Si elle est expulsée à 13h30, nous vous demandons de le signaler au procureur" répond la travailleuse sociale.
Mais au lieu de relâcher Salima*, en prenant en compte qu’elle a un dossier en cours et la situation de ses enfants, la PAF se rend dans le banga situé à Doujani 1 et embarque les enfants sous couvert du rapprochement familial. Direction, le CRA, où la présence de mineurs est interdite, et encore plus la présence d’enfants handicapés. La réglementation veut néanmoins qu’ils soient vus par un médecin avant de pouvoir être expulsés.
Mais le départ est prévu à 13h30, et le médecin du CRA n’arrive qu’à 15 heures… Impossible, donc, de les relâcher, pour eux, c’est destination Anjouan.
Ce n’est finalement que grâce à l’acharnement des travailleurs sociaux que la situation a pu se débloquer, in extremis. À force de coups de fils passés tous les quarts d’heure, une responsable du pôle social handicap du conseil général parvient à joindre le commandant de la PAF, qui accepte que les enfants soient vus par le médecin. Et au vu de leurs situations physiques et mentales, leur expulsion a finalement pu être annulée.

Combien de cas similaires ?
"Je ne suis pas contre le rapprochement familial, mais on peut le faire dans des conditions qui respectent la dignité humaine" estime la responsable du pôle handicap. "Il aurait fallu appeler à Anjouan, savoir si ces enfants pouvaient y être soignés, préparer le départ…"
Ce n’est pas exactement dans ces conditions que Salima* et ses enfants ont failli prendre le bateau pour Anjouan… Et ce qui inquiète cette responsable, c’est que "dans ce cas, on a pu intervenir car c’est une personne qui était suivie par nos services. Mais combien de cas similaires ont lieu sans que nous soyons mis au courant ?" s’interroge-telle.
Il est vrai que dans les statistiques, un enfant, même handicapé, raccompagné à la frontière, ce n’est toujours qu’une expulsion de plus. Et Mayotte semble bien décidé à battre tous les records en 2009.
N.B.


Note en marge de l’article précédent

  • Le retour des taxis PAF

CETTE MÉTHODE DE LUTTE contre l’immigration clandestine avait été abandonnée mais elle fait son retour : celle des faux taxis. Une jeune femme a pu s’en apercevoir récemment. Alors qu’elle était en petite terre, boulevard des Crabes, elle arrête un taxi pour rentrer chez elle. A l’intérieur du véhicule, se trouve un "taximan", mahorais, et deux "passagers", métropolitains.
"Vous avez vos papiers ?" questionnent-ils dès que la jeune femme s’est assise dans la voiture.
Heureusement, elle les a sur elle et peut les leur montrer. Ils la déposent quelques mètres plus loin en lui conseillant d’arrêter un "vrai taxi". Celui-là n’a qu’une destination : le Cra…