Deux ans après le séisme, les autorités françaises continuent à infliger aux familles haïtiennes un chemin de croix bureaucratique, qui leur interdit de se retrouver et ravage la vie des parents et des enfants, en Haïti comme en France
- conférence de presse, 9 janvier 2011
RESF - Centre Anacaona des droits humains et des libertés des Haïtiens, Amithiti, Fondation Frantz Fanon
Marjorie Victor, Haïtienne et Laurent Ferry, son mari, français, employé à la RATP sont à bout après des années de démarches entreprises depuis leur mariage en 2006 pour faire venir les quatre enfants de Marjorie. Onze mois après le tremblement de terre, en décembre 2010, ils obtiennent enfin de la préfecture des Hauts de Seine le droit au regroupement familial. Douze mois plus tard, en décembre 2011, le refus de l’ambassade de France à Port au Prince d’accorder un visa aux quatre enfants (âgés maintenant de 19, 18, 15 et 13 ans) plonge les parents dans le désespoir. En cause, la suspicion systématique exercée par l’administration française au vu de documents d’état civil quand bien même ceux-ci sont émis par les archives nationales et légalisés. De nouveaux documents sont exigés, non demandés lors de la constitution du dossier, parfois impossibles à produire. Administration aveugle et sourde face aux témoignages directs, aux photos, et au combat quotidien du couple depuis plus de deux ans.
Ronald Desravines, cherche depuis plusieurs années à faire venir son épouse, Enitte Vilsaint. Après un premier refus des autorités françaises, son recours a abouti et l’Ofii, puis la préfecture de Seine-Saint-Denis ont donné leur accord pour ce regroupement familial en juillet 2010. Un an et demi plus tard, le couple n’est toujours pas réuni : l’ambassade de France à Port-au-Prince exige de nouveaux documents d’état civil dont l’établissement est interminable et dont on ne sait s’ils seront agréés…
Pendant ce temps, les Haïtiens de France ne sont pas mieux accueillis : Marie-Jacqueline Chérubin, vit et étudie depuis 2008 en France, où se trouve toute sa famille, à l’exception de sa mère, (deux sœurs françaises, un frère résident, une cousine qui détient l’autorité parentale). Elève sérieuse et assidue du lycée Louise Michel d’Epinay (93), elle fait l’objet d’un refus de séjour avec obligation de quitter le territoire, aggravée par une interdiction de retour sur le territoire de 2 ans, sous prétexte qu’elle a fait sa demande avec quelques mois de retard !
Pendant ce temps, les expulsions des Haïtiens ont repris, dans un premier temps depuis la Guadeloupe (c’est plus discret !), un premier pas avant que la chose ne s’étende bientôt à la « métropole, au nom des impératifs de la politique du chiffre !!
Refus de visas, exigences démesurées, menaces d’expulsions : ces Haïtiens maltraités par l’État français seront présents et témoigneront de leur situation.
En multipliant les rendez-vous, en allongeant les délais, en exigeant toujours de nouveaux documents de plus en plus difficiles à produire, en faisant payer de plus en plus cher, en dressant à chaque station de nouvelles embûches, les services de l’État français visent à engluer les étrangers dans un entrelacs de difficultés propre à en décourager le maximum. Beaucoup se sont découragés depuis deux ans et ont abandonné en chemin, désespérés. Quant au droit au séjour, la situation des Haïtiens est restée à l’image de celle de tout autre étranger.
« Haïti n’a pas vocation à être un pays martyr » affirmait N. Sarkozy le 13 janvier 2010.
En dépit de ces paroles, les Haïtiens cumulent aujourd’hui une double souffrance, celle qu’ils connaissent dans leur pays qui peine à se relever des ruines du séisme et d’une misère endémique et celle que leur inflige le gouvernement français.
Réunification des familles haïtiennes en France : l’État français n’a pas tenu ses promesses deux ans après le séisme
- Communiqué du centre Anacaona de défense des droits humains et des libertés des Haïtiens, 8 janvier 2012
« Deux ans après le séisme, les autorités françaises continuent à infliger aux familles haïtiennes un chemin de croix bureaucratique qui leur interdit de se retrouver et ravage la vie des parents et des enfants, en Haïti comme en France. », déplore le Centre Anacaona de Défense des Droits Humains et des Libertés des Haïtiens basé à Paris [1].
Les regroupements familiaux, quand ils sont obtenus se heurtent aux refus de visas produits par l’Ambassade de France en Haïti, explique le Centre Anacaona dans un communiqué publié le 8 janvier 2012.
La suspicion à l’égard des documents légaux haïtiens est érigée en système et l’Ambassade de France en Haïti abuse des défaillances des administrations haïtiennes en matière d’état civil, constate l’organisme de droits humains. Les documents à produire changent à chaque rendez-vous avec l’Ambassade ; les rendez-vous sont multipliés alors qu’ils sont obtenus au prix fort ; les délais sont allongés ; des obstacles divers pour le dépôt des dossiers sont dressés. Bref, les procédures excessivement longues et ruineuses constituent des mesures dissuasives pour les demandeurs ou demandeuses de visa en Haïti. Il en résulte un calvaire pour les familles haïtiennes qui vivent des séparations insupportables et attendent dans l’angoisse, une réunification rendue chaque jour plus inaccessible par l’État français.
Au cours d’une conférence de presse organisée à Paris le 9 janvier 2012, le Centre Anacaona a cité des cas pour illustrer les difficultés sans nombre auxquelles font face des familles en attente de réunification avec leurs proches.
Ainsi, Marjorie, une Haïtienne et son mari de nationalité française, Laurent, peinent depuis 2006, à faire venir les quatre enfants de Marjorie restés en Haïti. En décembre 2010, le couple obtient de la Préfecture des Hauts de Seine, le droit au regroupement familial. Cependant, douze mois plus tard, en décembre 2011, le refus de l’Ambassade de France d’accorder un visa aux quatre enfants plonge les parents dans le désespoir. L’ambassade exige de nouveaux documents qui n’étaient pas demandés lors de la constitution du dossier, informe le Centre Anacaona.
On assiste à deux violations caractérisées des dispositions internationales en matière de droits humains, poursuit l’organisme. D’ abord, le droit à une Vie Privée Familiale normale, selon l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) et le droit prioritaire de la protection de l’enfant, aux termes de l’article 3 de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant.
Au lendemain du séisme, le 13 janvier 2010, le président Nicolas Sarkozy avait déclaré : "Haïti n’a pas vocation à être un pays martyr", rappelle le Centre Anacaona de Défense des Droits Humains qui souligne qu’en ce début d’année 2012 les Haïtiens cumulent une double souffrance, « celle qu’ils connaissent dans leur pays qui peine à se relever des ruines du séisme et d’une misère endémique et celle que leur inflige le gouvernement français ».
« Il est urgent que le deux États, français et haïtien, parviennent à un accord clair et équitable, pour la simplification des procédures, l’amélioration de l’état civil haïtien et des conditions d’obtention des actes. », conclut le Centre Anacaona.