Violences anti-comoriennes : quelles réponses ?

lundi 16 mai 2016

Plus de police pour encore plus expulser légalement ?
Assimiler "l’insécurité et l’immigration clandestine" pour renforcer la "comoro-phobie" ?
Ou changer de politique ?

Ministères de l’Intérieur et des Outre-mer

Toujours plus de policiers pour "protéger" des Comoriens en les expulsant
Voir le communiqué du 17 mai 2016

La Cimade à Mayotte

Introduction

Des Mahorais qui s’organisent en « collectif » pour expulser les étrangers de leur village (avec ou sans papiers), des habitations de familles comoriennes détruites ou brûlées sous l’œil des gendarmes, des pouvoirs publics qui restent muets face à ces violences, un premier adjoint du chef-lieu de l’île qui parle de « guerre de libération », un directeur de publication de l’hebdomadaire de l’île qui demande à envoyer l’armée pour nettoyer les bidonvilles des clandestins… La Cimade lance un cri d’alarme concernant la situation des étrangers dans le 101ème département français.

Si Aimé Césaire n’est pas l’auteur le plus en vue à Mayotte, l’une des citations que l’on lui attribue est régulièrement utilisée dans l’île au lagon. Mayotte ne serait donc pas un « département à part entière », mais plutôt « un département entièrement à part ». Ce triste mais réel constat, qui a été mis en évidence ces derniers temps durant la grève générale qui a bloqué en grande partie l’île durant deux semaines, concerne également les étrangers qui y vivent (plus de 40% de la population selon l’INSEE). Le traitement qui leur est réservé par une partie de la population et par les autorités, est d’une violence sans commune mesure.
Les actions xénophobes commises par des Mahorais depuis le début de l’année 2016 se sont multipliées. Elles sont revendiquées et menées massivement en toute impunité. De tels événements, s’ils avaient eu lieu en métropole, aurait à coup sûr suscité l’indignation générale et l’intervention rapide des pouvoirs publics.
Si la menace et les expulsions de familles comoriennes par des villageois mahorais n’est malheureusement pas un fait nouveau, c’est le caractère visible, revendiqué et assumé par une partie de la population, n’entraînant quasiment aucune réaction des autorités publiques, qui singularise ce type d’événements.

La Ligue des droits de l’Homme à Mayotte

A l’instar de la ligue des droits de l’homme, d’autres associations humanitaires dénoncent les expulsions des villages de Mayotte. Mais leur tâche est très difficile face à la détermination de ces habitants. Ces hommes et ces femmes accusent, justement, les immigrés clandestins à Mayotte de se livrer à des actes d’incivilité avec la bénédiction de certaines associations tout ceci dans l’indifférence des services de l’État.
Aussi, il est important dans cette crise de bien expliquer le contexte social qui prévaut dans le département. Depuis des mois, les mouvements sociaux succèdent aux mouvements sociaux. Pratiquement tous les syndicats de travailleurs sont descendus dans les rues. Une intersyndicale vient de bloquer le centre hospitalier de Mayotte pour dénoncer des conditions de travail difficiles, et surtout une surcharge et une insécurité au travail. Derrière ces revendications le porte de l’intersyndicale du CHM a laissé comprendre que les installations sanitaires de Mayotte sont dépassées à cause d’une augmentation trop rapide de la population.
« Notre organisation s’indigne contre ces genres d’actions contraires aux valeurs que Mayotte adhère au sein de la République. Heureusement que toute la population de Mayotte ne manifeste pas l’inter-racisme. Tout le monde convient que dans cette affaire la responsabilité de l’État comme celle de certains élus incitant à la haine est engagée. Par conséquent je vous prie d’informer notre position dans votre média et de m’accueillir en urgence dans l’émission kala wa dala et d’autres encore pour rappeler un peu les valeurs des droits de l’homme reconnues dans notre Constitution. »
ASSANY Mfoungoulie
Président de la Ligue des Droits de l’Homme
Section de Mayotte.

Et pendant ce temps, la vague des expulsions continuent. Un message annonce que les villageois de Mtsamboro vont expulser les étrangers en situation irrégulière le 22 mais prochain.
Et le rythme des reconduites à la frontière, officielles, cette fois-ci aurait augmenté.

Diverses analyses

Ce qui arrive devait de toute façon arriver, les gouvernements se sont montrés incapables de résoudre ce problème depuis 10 ou 15 ans », le sénateur socialiste Mohamed Thani l’a dit ce mercredi matin sur les ondes de Mayotte première.
Mardi soir, c’est l’ancien député UMP de Mayotte, qui était à la télévision publique ; « il n’y a pas que les étrangers qui sont privés de leurs droits à Mayotte, les citoyens français de Mayotte n’ont pas les mêmes droits que ceux de la Réunion et ceux de métropole ».
La classe politique mahoraise est quasi unanime pour dire que la France s’est mise elle-même en difficulté avec sa politique de lutte contre l’immigration appliquée à Mayotte.
Et quand, un énième rapport vient dénoncer les entorses faites à la loi, en matière d’accueil des étrangers dans le 101ème département, les réponses sont toutes prêtes : beaucoup trop de dérogations ont été accordées ; les cartes de séjour délivrées à Mayotte ne permettent pas à leurs détenteurs de voyager dans toute la France ce qui désengorgerait l’île.
Il manque de structures d’accueil, notamment pour les enfants, ce qui semble avoir ouvert la voie à une autre entorse à la loi, l’expulsion des mineurs.
La vague d’expulsions des étrangers est donc la conséquence de politiques inefficaces, de dérogations dans l’application des lois de la République. Mais ce n’est pas tout.
La France s’est mise elle-même dans ce piège en n’ayant pas une politique ferme par rapport aux gouvernements comoriens.
Et ce qui se passe au sud de Mayotte est regardé avec beaucoup d’intérêt par les habitants des autres communes qui n’ont pas encore procédé à l’expulsion des étrangers. Enfin, le manque de réaction des autorités est considéré comme est consentement, ou pire, comme une bénédiction.
C’est ainsi que des familles passent les nuits à la belle étoile le soir et la journée errent dans les chemins de campagne et les routes de brousse.
Dans quelques semaines, le mois de ramadan va arriver. Un message tourne depuis hier pour un appel aux dons, pour aider ces musulmans qui souffrent.
C’est un terrain autrement compliqué vers lequel glisse le problème.

  • Réflexion d’un groupe de Mahorais sur la situation des expulsions, de plus en plus nombreuses, des villages ici à Mayotte d’ « étrangers » originaires des autres îles des Comores.

NON AUX EXPULSIONS ! DEPARTEMENT RESPONSABLE !
Aujourd’hui, la tension est extrême, tous les indicateurs sont au rouge, l’insatisfaction est générale et le département pourrait bien ne pas être à la hauteur des rêves qu’il avait générés. Certains l’avaient annoncé : « le département sera un espace privilégié pour un développement à l’occidentale qui confortera la délinquance, l’alcoolisme, la drogue, la prostitution, la violence (…) » (1/11/2008).
Cruelle déception ! Voici les responsables : ce seraient les « étrangers » coupables de tous les maux. Or, la présence à Mayotte de ceux qui empêcheraient une petite minorité de jouir des bienfaits de l’appartenance à la France, est l’aboutissement inéluctable et prévisible d’un processus engagé de longue date. Le maintien de la France dans cette zone via la partition d’un Archipel voué au vivre ensemble et la déstabilisation des pays voisins indépendants est un facteur de déséquilibre croissant. Aujourd’hui, ce ne sont plus seulement les habitants des autres Comores qui sont aspirés par le mirage mahorais. Appartenant à un espace de circulation naturel, jamais Mayotte ne pourra se couper de son environnement, c’est un fait indiscutable et aucun visa, aussi meurtrier soit-il, ne saurait constituer un rempart suffisant contre le désir naturel de trouver une vie meilleure.
Pour autant, les Mahorais ne sont pas satisfaits de leur pseudo-développement qui s’avère une véritable fiction. Il ne reste plus que le rêve de la consommation et du pouvoir reconquis sur les autres par le porte-monnaie. L’égalité républicaine est forcément mirage dans la colonie, cette petite île qui ne produit rien et dont l’économie ne peut être fondée que sur la commande publique et l’assistanat. Le mécontentement grogne, un besoin d’agir s’exprime…
Et « la population » de se lancer ainsi, sans vergogne et sous le regard bienveillant des autorités, dans l’expulsion sauvage des plus faibles et derniers arrivés sur le territoire, avec ou sans papiers français. La liste des villages concernés s’allonge dans une concurrence malsaine relayée par un battage médiatique incitateur qui serait qualifié de « radio mille collines » sous d’autres cieux.
Nous dénonçons ces actes, inacceptables et injustifiables auxquels il faut mettre fin et nous appelons tout un chacun à une réflexion lucide.
Haro sur l ’ « étranger » ! Mais quel étranger ? Racisme, xénophobie ? Aucun de ces mots ne convient ici : ceux qui expulsent sont semblables en tous points aux victimes. Les plus enclins à crier et à appeler à la chasse sont d’ailleurs souvent de la même origine que les expulsés et tentent ainsi de le faire oublier… Frustration, désir d’exister, appât du gain, sont les vrais moteurs du passage à l’action.
Mais comment faire avec toute cette violence ? nous direz-vous. La délinquance débarquerait en masse des îles voisines ? En réalité, nul besoin d’aller chercher ailleurs une violence constitutive de notre société. Violence du groupe sur l’individu ; ainsi s’est faite Mayotte française du « soroda » contre le « serrer la main ». Violence des propos, violence du rejet constant de l’autre, violence de la destruction des repères et de l’identité, violence de la dépossession orchestrée, violence de la société de consommation, violence des « rafles », violence faites aux enfants privés de leurs parents reconduits, violence des morts en mer. Voilà l’héritage transmis aux jeunes nés sur ce territoire et l’on s’étonne de les voir basculer dans la déscolarisation, l’errance, l’alcool, la drogue, le vol et le crime ?
Il est temps de regarder les choses en face et de réagir !

REFUSONS CES EXPULSIONS, REFUSONS de suivre ce courant facile et indigne. Nous les Mahorais, osons dire non sans crainte, refusons les mensonges !
Nombre d’entre nous désapprouvent mais se taisent par crainte de représailles. N’attendons rien d’un Etat français par définition complice et véritable occupant des terrains prétendument squattés par ceux que l’on déloge.
Derrière cette attaque du plus faible se cache une rancœur à l’égard de l’Etat français qui réglemente le quotidien, s’approprie les espaces, fixe les règles du jeu et invalide les identités. Ayons l’honnêteté de dénoncer le vrai responsable de ce vaste désordre : la colonisation française.
C’est à minima ce que nous pouvons faire aujourd’hui pour ne pas être complices du drame qui se joue en ce moment. Qu’on se le dise.

SULUHU, 16 mai 2016

Extrait :
A Mayotte, près d’un habitant sur deux est un clandestin originaire des Comores et la plupart vivent dans des conditions désastreuses.
Des milliers d’enfants et d’adolescents inexpulsables du fait de leur âge, dont les parents ont été ramenés aux Comores, errent dans l’île, à l’affût du moindre mauvais coup pour se nourrir.
Etonnez-vous ensuite que la situation soit explosive, que la délinquance prenne une tournure dramatique, que les Mzungus (zoreils à Mayotte) s’arment...
Un jour, il y aura un drame et l’État français fera mine de découvrir le problème...
Ce n’est pas faute de l’avoir prévenu pourtant...
J’ai longtemps été favorable à une Mayotte française. Mais devant l’impossibilité de trouver des solutions aux problèmes actuels, j’en viens de plus en plus à me demander s’il y a une autre issue que de rendre Mayotte aux Comores...

Aux Comores

Extrait :
Pendant que nos familles sont pourchassées dans leur propre terre, les autorités comoriennes continuent de fermer mes yeux, alors que ces gens ont quitté leurs villes ou leurs villages à cause de la misère dont ces autorités ont plongé le pays. Aujourd’hui ces hommes, femmes et enfants sont maltraités, humiliés et agressés par leurs propres frères et sœurs mahorais.