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Présentation du rapport
Dans un article très controversé [1], le ministre de l’Outre-mer, François Baroin, présentait en septembre 2005 une situation apocalyptique : « A Mayotte et en Guyane, plus d’un habitant sur quatre est un étranger en situation irrégulière. En Guadeloupe, le nombre de personnes en provenance d’Haïti ayant sollicité une demande d’asile est passé de 135 en 2003 à 3682 en 2004. La majorité des reconduites à la frontière concernent l’Outre-mer. Si, en métropole, on avait le même taux d’immigration clandestine, cela ferait 15 millions de clandestins sur le sol métropolitain. Vous imaginez les tensions sociales possibles ».
Inutile de s’embarrasser des motifs économiques et historiques des migrations vers la Guyane et vers Mayotte ou du droit d’asile qui devrait être légitimement reconnu pour bien des Haïtiens en Guadeloupe, inutile de se demander par quelles mesures arbitraires l’Outre-mer obtient un tel score du taux d’éloignement. Sur ces terres françaises lointaines, la chasse aux sans-papiers peut s’affranchir du droit commun de la république française.
« A situation particulière, politique particulière. (…) Une loi viendra dans les tout prochains mois compléter (le dispositif actuel) procédant à l’indispensable adaptation de notre droit à ces situations particulières notamment à
la Guadeloupe, à la Martinique et à Mayotte ». Il s’agira de « permettre le contrôle de toute personne » dans une zone frontalière, de « saisir ou détruire tout véhicule ayant transporté des clandestins », …
Cible de la droite nationaliste depuis deux siècles, le droit du sol ne devait pas être épargné : à Mayotte « deux tiers des mères sont comoriennes, et environ 80% d’entre elles sont en situation irrégulière. On estime à 15% le nombre de ces mères qui retournent aux Comores après avoir accouché. Les situations sont différentes, il ne s’agit pas de faire un calque. Cela permet de faire bouger les lignes, de sortir des tabous. Le droit du sol ne doit plus en être un ».
Les dispositifs relatifs à l’Outre-mer annoncés par le ministre figurent en grande partie dans la loi du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration. Le schéma de cette loi est aussi simple qu’il est brutal : ouvrir la porte à l’immigration « choisie » utile à l’économie française et la fermer à l’immigration « subie » (famille, asile, travailleur devenu inutile…). La France d’outremer où règne depuis longtemps un droit des étrangers dérogatoire peut sembler loin de ces débats. A la faveur de discours dramatisant l’ « invasion de clandestins », la section Outre-mer de la loi s’occupe prioritairement de renforcer ces mesures d’exception et de tester une réforme de la nationalité sur des territoires isolés où le risque d’une levée de bouclier importante des défenseurs des droits de l’homme est plus faible qu’en métropole.
Indice du rôle de laboratoire de l’Outre-mer : le premier des avant-projets de loi sur l’immigration parvenus à nos associations, datant de novembre 2005, ne concernait que la « maîtrise de l’immigration dans certaines collectivités territoriales situées outre-mer » [2]. Pour la seule Guyane, il mettait fin à la délivrance d’une carte de séjour « vie privée et familiale » aux étrangers résidant habituellement en France depuis 10 ans. Pour Mayotte où le ministre de l’Outre-mer venait de fantasmer sur l’invasion de bébés français de mères comoriennes, il introduisait la chasse à la « paternité de complaisance ». Un mois plus tard, le 18 décembre, ces deux mesures étaient étendues à tout le
territoire français ; la première figure ainsi dans la loi du 24 juillet 2006, tandis que le champ d’application de la seconde s’est restreint à Mayotte, après avoir porté sur Mayotte et la Guyane dans une étape intermédiaire.
Le titre VI de la loi du 24 juillet 2006 est intitulé « Dispositions relatives à la maîtrise de l’immigration outre-mer » ; il concerne la Guyane, la Guadeloupe et Mayotte. Mayotte est, en 2006, sous les feus de l’actualité et – de ce fait – laboratoire privilégié de nouveaux moyens juridiques de « lutte contre l’immigration clandestine ». Trois missions parlementaires récentes, deux du sénat [3] et une de l’assemblée nationale [4], s’y étaient préalablement rendues ; leurs rapports éclairent les objectifs du titre VI de la loi.
Le collectif outre-mer présente ici les dispositifs de la loi du 24 juillet 2006 spécifiques à la Guyane, la Guadeloupe et Mayotte : mesures d’exception portant sur le contrôle et l’éloignement des migrants et sur les sanctions des étrangers sans papiers ou de ceux qui les soutiennent ; menaces sur l’accès à la nationalité française et procédures renforcées de contrôle des « paternités
de complaisance ». Cette analyse se situe en complément à celle, portant sur l’ensemble de la loi, réalisée par le collectif « Uni(e)s contre l’immigration jetable » dont deux extraits sont cités.
Les amendements portant sur l’Outre-mer apportés par l’assemblée nationale au projet de loi qu’avait présenté le gouvernement sont les suivants :
- extension à Mayotte de l’article L611-3 du Ceseda permettant la prise d’empreintes digitales des
étrangers non admis à l’entrée sur le territoire français (article 104) ; - création d’un « observatoire de l’immigration » en Guadeloupe et en Martinique (article 105)
comme la loi du 26 novembre 2003 l’avait fait – sans grand effet … - pour la Réunion et la
Guyane ; - suppression de la compétence du cadi pour le mariage des personnes relevant du statut civil de
droit local à Mayotte, seul le mariage à la mairie ayant effet sur l’état civil (article 111) ; - passage de 100 à 1000 fois le SMIG de l’amende maximale dont est passible, à Mayotte, l’employeur d’un étranger dépourvu d’autorisation - 3600 euros au lieu de 360 (article 112-I) ;
- divers détails mineurs de style et de références.
Sur la section « Outre-mer » de la loi, le sénat n’a apporté que des modifications mineures.
Ce rapport s’inscrit dans le cadre de l’analyse inter-associative réalisée par l’Ucij, Uni(e)s contre l’immigration jetable
Voir sur le site de l’Ucij ce texte et d’autres sur la réforme